B E L O N * .
ï L y a eu des Naturaliftes qui ont fou-
tenu qu’il exifte plus de deux mille fortes
d’oifeaux, deux fois autant de poiflons,
& une quantité innombrable de quadrupèdes.
C ’eft une eft imation vague qui n’eft
appuyée fur aucun fondement. Audi le
Philofophe qui va nous occuper, ayant
Voulu l’apprécier, l’a trouvé abfolument
faufte. Il croit qu’il eft hors du pouvoir de
l ’homme de compter plus de cinq cents
efpeces de poiflons, plus de trois cents
fortes d’oifeaux, plus de trois cents bêtes
à quatre pieds, plus de quarante diverfes
fortes de ferpents \ 8c quoiqu’on ait fait,
depuis ce Philofophe, bien des découvertes
en Zoologie, on convient cependant
aujourd’hui qu’il ne s’eft pas beaucoup
trompé dans Ion calcul. Il l’a juftifié
lui-même par fes recherches, 8c fur-tout
par fes ouvrages fur l’Hiftoire naturelle
des oifeaux , 8c fur celle des poilfons j
car qtioiqu' Aldrovande ait écrit là deflus,
i l a beaucoup enchéri fur fes écrits.
Ilfe nommoit Pierre Belon : il naquit,
€n 1 5 3 o , dans un hameau appellé la Boul-
letiere, litué près de Poulletourte, dans
les landes d’Oife, au pays du Maine. On
ne connoît ni fa famille, ni fa première
éducation} & fes Mémoires nous apprennent
qu’il fut protégé 8c favorifé dans fes
études par le Cardinal Tournons fans
nous inftruire comment il acquit la protection
8c i’eftime de cette Eminence. Le
goût que Belon eut en naiflant pour l’étude
, 8c l’accueil que le Cardinal Tour-
non faifoit à ceux qui s’appliquoient aux
fciences, furent fans doute les raifons qui
lui valurent l’eftime de ce Cardinal.
Quoi qu’il en fo it, M. Tournon ayant
reconnu qu’il avoit beaucoup d’envie d’étudier
la Botanique 8c la Médecine, le
mit en érac de s’y appliquer par fes libéralités
» 8c même de recevoir à Paris le bonnet
de DoCteur en Médecine.
Après avoir profité des lumières des
Savants de cette ville, Belon voulut aller
chercher d’autres connoifiances dans les
pays étrangers. Il fit part de fon projet au
Cardinal, qui l’approuva j & pour le mettre
en état de l’exécuter, il voulut qu’il
voyageât par fon ordre, 8c par conféquent
à fes frais 8c dépens.
Il partit donc de Paris , en 1 5 \6 , pour
aller à l’isle de Candie. De là il fe rendit
à Conftantinople, où il ne demeura pas
long-temps. Muni d’un paffe-port de
M. du Fumet, qui faifoit en cette ville
les fonctions d’Ambafiadeur, il s’embarqua
afin d’aller à Lemnos examiner fur
les lieux une terre dont on partait beaucoup
, qu’on tiroir de cet endroit, 8c
qu’on appelloit terre figillée. C ’eft: une
terre bolaire formée en paftilles marquées
d’un cachet : les Anciens en fai-
foient grand cas, 8c lui attribuoient beaucoup
de vertus : ils la regardoient fur-tout
comme un remede très bon pour la dyf-
fenterie , 8c propre à refermer les plaies
récentes. C ’étoit une erreur, car l’expérience
a fait voir que l'ufagede la terre
figillée eft plus nuifible au corps humain,
qu’il ne lui eft utile. Belon examina les autres curiofités
d’Hiftoire naturelle qui fe trouvèrent à
Lemnos. Il y exerça en même temps la
Médecine j 8c après quelques mois de
féjour, il en fortit pour aller voir l’isle de
Taftos, 8c le mont Athos, d’où il retourna
par terre à Conftantinople : il y reçut
beaucoup d’honnêtetés de M. d'Aramont y
Ambafiadeur de France en cette Cour \
mais ayant appris que M. du Fumet par-
toit pour le Caire avec une efeorte de
JaniflTaires , de Chiaoux 8c deDrogue-
mans, il voulut profiter de cette occa-
fion pour faire ce voyage, dans là vue
d’acquérir toujours plus de nouvelles
connoifiances. Du Caire il alla, avec
(*) LesObfervtirions dc.plufieurs faits Jing)iliers,$arBELOJT. ceroti, tome XXIV. DiEtiormaire hijî, & critique cte Nf.
Bibliothèque Françoife , par la Croix du Maine. Mémoires Çbaufef ié t arc. Belon. Et fes ouvrages.
pour fervir à l'HiJioire -des Hommes Ilhijlrts , par le P. îU~
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