donne à l’induftrie des Chymiftes, qui
ne favoient opérer que de la main. Les
Philofophes le négligèrent, & ce n’a
été qu’à la renaiffance des Lettres qu’on
en a recherché les principes. Quelques
Chymiftes écrivirent alors fur les fourneaux
néceffaires pour faire le verre ;
mais un Florentin, nommé -Néri, entreprit
de traiter de toutes les .opérations
néceffaires pour faire du verre.
Il enfeigna comment il faut tirer les
fels qui doivent entrer dans la compo-
fition du criftal ou du verre commun ;
les différentes manières de faire ces com-
pofitions ; de préparer les matières qui
leur font néceffaires ; & de donner au
verre la couleur d’aigue-marine, le bleu
célefte, le verd d’émeraude , & le bleu
de turquoife. Cela forma un véritable
art de la Verrerie, qu’il publia auffi fous
le titre de CArt de la Verrerie, Quoique
cet ouvrage fût mal fait, plus mal écrit
encore, cependant le fond des chofes , &
les détails dans lefquels l’Auteur étoit entré
, en décrivant fes opérations, lui procurèrent
l’accueil le plus diftingué.
On fentit à la leéture de cet Ouvrage
toute l’importance de l’art de la Verrerie
, & il forma un Chymifte , qui par
l’opiniâtreté de Ion travail,* l’exaftitude
de fes procédés , & l’importance de fes
découvertes , s’eft fait un grand nom
dans la Chymie.
C’eft Jean K uN C K E L ,n é à Lowef-
tern , environ en 1630. On ne fait point
quelle étoit fa famille. Les mémoires
de fa vie nous apprennent feulement
qu’on le deffina à la Pharmacie, & que
les opérations qu’il fit en étudiant cet
art, lui donnèrent du goût pour la Chymie.
Sa paflion augmentant en proportion
de les progrès, il devint en peu de
temps un habile Chymifte. Sa capacité
penche, un Architefte donc on ignore le nom ,
offrit à Tibère de le redreffer &ç d’en affermir les
fondemens, Sc le fit effe&ivement. L’Empereur fur-
pris de cette adrefle, le paya, & le bannit de IVomc.
Cet habile homme ne garda pas fon ban. Il revint
fous prétexte de demander fa grâce à Tibère , Sc
laifla tomber un verre qui fe boflua ; mais il le
raccommoda fur le champ avec fes mains. L’Em-
pexeur indigné (on nç fait pas pourquoi ) jetta
le fit connoître de l’Ëleâeiif de Saxe ,
qui le nomma fon Chymifte, & le chargea
de la dire&ion de fes Verreries.
L’Eleâeur de Brandebourg l’enleva à
l’Eleâeur de Saxe ; & il fut enfin ap-
pellé par le Roi de Suède , pour exercer
les mêmes fondions de Chymifte ÔC de
Dire&eur de fes Verreries.
C ’eft dans l’exercice de ces emplois
que notre Philofophe fit les belles expériences
qui l ’ont immortalisé. Ses Protecteurs
& fes Maîtres fourniffoient à
toutes les dépenfes que ces expériences
pouvoient exiger ; & fon induftrie jointe
à fon opiniâtreté & à fon adreffe ,
lui procurèrent une infinité de connoif-
fances.
Il répéta d’abord les opérations de
Néri, & les re&ifia prefque toutes. Cet
Auteur avoit écrit que le verre fait
avec la foude d’Efpagne a toujours une
couleur bleuâtre ; & K u n c k e l trouva
qu’on pouvoit faire de très * beau verre
avec cette fonde, fi après, l’avoir réduite
en poudre, on y mêloit du fable
fin.
En examinât le procédé de cet Auteur
pour faire du criftal, il en découvrit
un avec lequel il enchérit beaucoup
fur le fien. Il prit des pierres à
fufil noires , les fit rougir & éteindre
dans l’eau à plufieurs reprifes : elles
devinrent blanches & plus dures à la
fonte qu’aucune.autre efpèce de pierres.
11 mêla enfuite ce fable avec du fe l,
dans la proportion de 7 à 5 ; c’eft-à-
dire * que fur zoo livres de cendres de
ces pierres, il mit environ 150 livres de
fel. Ce mélange, ou cette frite, pour parler
terme de Verrerie, ayant été jettée
dans un grand creufet , & ce creufet
ayant été expofé dans un fourneau à un
feu affez violent pour fondre la matière,
le Yerre fur le pavé ; mais l’Architefte ayant tiré
un marteau de fa poche , le raccommoda. Alors
Tibère lui demanda s’il y avoit encore quelqu’un:
-'qui fût ce fecret ; & l’Arcliitcfte l’ayant affuré-par ferment
que perfonne que lui ne le polfédoit, l’Empereur
lui fit couper la tête, de crainte que s’il fe di~
vulguoit, il ne fit tomber l'or & l’argent dans le
rnppri;.
elle
elle fe vitrifia fi bien , qu’elle forma un
très-beau criftal (*/).
Notre Chymifte fit encore avec des
pierres à fufil, des verres d’une beauté
merveilleufe. Il prit des pierres 'rioires,
les fit rougir au feu, les éteignit enfuite
dans l’eau , & les réduifit en poudre
avec du fel fouvent purifié. Ce fut là
la matière de fon verre.
C’étoit toujours en répétant les opérations
de Néri que K u n c k e l failoit
toutes fes découvertes. En fuivant cet
Auteur fur l’art de colorer le verre, &
d’imiter avec le verre la couleur d’o r ,
les couleurs de grenat, de l’améthyfte,
du faphir , du noir luifant, du blanc de
la it, du marbre, des perles , &c. il fit
fur tous fes procédés des obfervations
importantes.
Parmi ces procédés il y en eut un qui
fixa fon attention : ce fut fur la manière
dé colorer en dedans des boules de verre
ou d’autres vaiffeaux de même matière,
afin qu’ils reffemblent à des pierres pré-
cieufes. Il avoit déjà découvert ce fecret
avant que de connoître le Livre de Néri,
& il fut enchanté de trouver fa découverte.
Voici comment il l’a voit faite.
On partait beaucoup du fecret de
marbrer des fphères de verre , lorfqu’il
commençoit à travailler à la Verrerie. Il
défiroit fort de connoître ce fecret. Etant
à Hambourg, il trouva une de ces fphères
chez un Marchand : il l’acheta aulîî-
tô t , & la caffa en même temps. Ceux
qui lui avoient vu faire cette emplette,
fe mirent à rire ; mais le Marchand qui
l ’avoit vendue , s’appercevant de fon
deffein, ne trouva pas cette aélion aufti
plaifante que les autres. K u n c k e l ra-
maffa fans s’émouvoir les morceaux de fa
fphère, & les porta chez lui.
Il reconnut,par l’examen qu’il en fit,
que c’étoit du gypfe coloré qui en for-
moit le marbre. Sur le champ il imagina
un moyen de faire une femblable fphère.
S’en étant procuré une de verre bien
tranfparente , il y fit entrer de l’huile
d’afpic , dans laquelle il avoit délayé
toutes fortes de* couleurs. Il remua le
globe en tout fens, & la chofe ne réiiftit
qu’imparfaitement ; mais s’étant avifé
d’y inférer un peu de farine de froment,
l’ouvrage devint affez beau.
Dans ce temps-là le Livre de Néri lui
tomba entre les mains. Il y trouva la
manière de marbrer un globe avec de
la colle de poiffon. Ce procédé étoit
meilleur que le fien , parce que la colle
de poiffon, au lieu de l’huile d’afpic ,
produit un plus bel effet-
Ce travail lui fit faire une découverte :
ce fut celle des miroirs fphériques. II
imagina de mettre au tain ou d’étamer
ces globles : ce qu’il fit avec un amalgame
de vif-argent ou de mercure, du
bifmuth, de l’étain & du plomb, qu’il
coula doucement danstla boule, & qu’il
répandit dans fon intérieur en la remuant.
Cependant il fut fi content de l’Ouvrage
de Néri, qu’il voulut le faire connoître
à fes compatriotes. Cet Ouvrage
étoit écrit en Italien. Un Anglois nommé
Chriflopke Merret, l’avoit traduit en
Latin, & l ’avoit enrichi de notes très-ef-
timables. K u n c k e l connoiffoit cette trad
ition ; mais il jugea que ce Livre feroit
plus utile écrit en Allemand , & que
les notes jointes à fa tradition , la rendaient
encore plus recommandable.
Il y ajouta une manière de préparer
des verres & des pierres précieufes plus
durs & plus parfaits que ceux dont Néri
( d ) Pour l’intelligence de c ec i, il faut favoir que
tout l’art défaire du verre ou dn criffal, confifte en la
fufion d’ une matière compofée -ordinairement de
f e l , de cendres & de fable. On met cette compofi-
tion dans des creufets , & ces creufets dans un
fourneau échauffé par le feu le plus ardent. Le
mélange fufdit ou la frite devient une mafle blanche.
Ou la tire alors du feu , & on la laiffe refroidir.
Au bout de quelques jours on la mec dans des
creufets qu’on expofe à un grand feu qu’on fait .dans un autre fourneau. Elle fc fond alors > on
l'écume , on la remue & on la mêle.
Lorfqu’on juge que cette matièré eft fuffifam-
ment cuite , un ouvrier plonge dans le creufet un
fer creux , & après l ’avoir tourné autant qu’il eft
néceflaire pour l’ouvrage qu’il veut faire, il le retire.
Le verre s’attache à l’inftrument, & y prend
fa forme d’une boule. L’ouvrier le retourne fur
un marbre pendant qu’il elt encore rouge, & fouf-
fle enfuite légèrement dans le fer. U forme ainlî
une veflie de verre, à laquelle on donne aifémenc
l a f i g u r e q u ’ o n v e u t .
D