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ruption d’un plus bas ordre , qui Te produit
dans le corps par le moyen de.l’a ir,
lequel en pénétré les pores, 6c[ par loti
agitation en change la contexture, ôc
peut - être aufli les corpuscules dont il
eft compofé.
B o Y L e examina enfuite en quoi confiée
la folidité 6c la fluidité des corps,
& en trouva la raifon, ou du moins
forma là-deflus des conjeôures très-vrai-
femblables. La folidité ou la conflflance
d’un corps provient, félon lui, de ce
que les parties qui le compofent font un
peu groflières, qu’elles font en repos,
6c qu’elles font jointes les unes aux autres.
Ainfl les caul'es principales de la
folidité des corps lont la grofleur, le repos
6c la cohélion de leurs parties, La
cohéfion ne dépend pas feulement de la
fituation des parties les unes auprès des
autres, mais encore de l’élafticité 6c delà
gravité de l’air.
Un corps eft fluide lorfqu’il eft compofé
de petites parties qui ne fe touchent
que dans quelques points de fa
fuperficie; de forte que les qualités re-
quifes pour la fluidité font la petitefle
6c la forme de leurs parties, les efpaces
yuides entr’elles, 6c leur agitation caufée
par quelque corps fubtil, qui en les tra-
verfant, les remue. De-là il fuit qu’un
corps peut cefîer d’être fluide par l’in-
terpofition des parties d’un autre corps :
une poudre mêlée dans une liqueur peut
en faire un corps folide,
Il y a dans toute cette théorie des corps
beaucoup d’idées fpéculatives peu lumi-
neufes ; mais on ne peut débrouiller les
principes d’une fciençe qu’en formant
des conje&ures qui puiflent fervir de
çhemin pour parvenir à des vérités. C’eft
ce que reconnut notre Philofophe même
au milieu de fes fpéculations 6c de fon
travail. Comme il vouloit connoître la
çaufe de la fluidité, il fit des expériences
fur l’eau , q u i, quoique fuggérées par
un fyftème fort obfcur, lui dévoilèrent
Jes loix du mouvement 6c de l’a&ion de
cet élément. C’étoient des connoiflances
yçrftableroent certaines j mais B o Y L |
Z'L E.
craignoit' fi fort dé le faire illufioft, qu’il
les publia fous le titre de Paradoxes hy-
drojiatiqius, prouvés & éclaircis par l'expérience.
Teis font ces paradoxes. i°. Dans
tous les fluides , les parties fupérieures
pèlent lur les inférieures. 2°. Un fluide
léger va au-deflus d ’un fluide plus per
fiant, & pele lur lui. 3?;:Une preflion
raifonnable d’un fluide fuflît pour faire
monter l’eau dans les pompes. 40. La
preflion d’un fluide extérieur peut tenir
fiifpendues à la même hauteur des parties
hétérogènes dans des tubes de dirférens
diamètres. 50. L’eau peut aufli bien déprimer
un corps que l’élever. 6°f L’huile,
quoique plus légère qqé l’eau, peut être
retenue au-deflous de l’eau. 70. Enfin
l’élévation de l’eau dans les pompes peut
s’expliquer fans, recourir à l’horreur du
vuide.
Ce dernier paradoxe eft étonnant ; car
on favoit en Italie 6c en France que la
pefanteur de l’air eft la c.aufe de l’eléva*^
tion de l’eau dans les pompes , lorfqtie
les Paradoxes hydrolatiques de B O Y L E
parurent. C’étoit en 1666. Or Galilée,
Toricelli 6c Pafcal avoient déjà fait plu-
fieurs expériences qui prouvoient cette
vérité. Peut-être qu’on ne les connoif-
fioit point alors en Angleterre , ou qu’on
n’y ajoutoit pas foi. Ce qu’il y a de cer-?
tain, c’eft que ce fut à la follicitation
de notre Philofophe , que la Société.
Royale de Londres envoya des Membres
de la Société fur le Pic de TenerifFe pour
y faire les expériences de Toricelli 6c de
Pafcal 9 dès qu’il en eut connoiflance;
Le Pic de TenerifFe, qu’on appelle le
Pic de Teyde, eft une des plus hautes mon-r
tagnes du monde, & TenerifFe eft une
des Ifles Canaries. Comme ces Blés appartiennent
au Roi d’Efpagne, la Société
Royale députa deux Perfonnes, afin
de demander à l’Ambafladeur d’Efpagne
des Lettres de recommandation pour ces
Ifles. L’Ambafladeur témoigna beaucoup
de bonne volonté aux D éputés, 6c les
prenant pour des membres d’une fociété
” de Marchands qui s’étpit formée depuis
peu
B O YL E. a?
peu à Londres pour le négoce des vins
de Canarie, il leur demanda la quantité
qu’ils prétendoient en enlever. Les Députés
de la Société Royale lui répondirent
que ce n’étoit pas pour négocier
qu’ils vouloient aller aux Ifles de Canarie
, mais pour y faire des expériences
fur la pefanteur de l’air. Quoi ! leur dit
l’Ambafladeur, vous voulez peler l’air ?
Les Députés lui répliquèrent que c’étoit
leur intention ; mais iis avoient à peine
achevé de parler, qu’il les fit fortir de
chez lui comme des fous, 6c s’emprefia
à aller raconter dans les meilleures mai-
fons, qu’il étoit venu chez lui des fous
qui vouloient pefer l’ail*. Il eft vrai qu’il
eut le chagrin d’apprendre que le Roi 6c
le Duc d’York étoient à la tête de ceux
à qui il donnoit le titre de fous.
C ’eft M. Ménage qui nous a appris cette
anecdote fur la pefanteur de l’air (<*)•
Elle prouve que cette pefanteur n’étoit
point connue, ou admife généralement à
Londres, 6c par conféquent Boy le
avoit bien pu avancer que l’élévation de
l’eau dans les pompes peut s’expliquer
fans avoir recours à l’horreur du vuide:
ce qui eft fon dernier paradoxe.
Il y a dans ces paradoxes hydrofadques
line idée lingulière qui mérite d’être
remarquée : c’eft que la flamme peut
s’incorporer avec les corps folides de
manière à augmenter leur poids 6c leur
volume ; que le feu peut s’incorporer
aufli lors même qite les corps n’y font
pas immédiatement expofés, ou après
qu’ils ont été calcinés. Il veut encore
dans cet ouvrage, que les parties grof-
fières de la flamme puiflent agir à travers
du verre , 6c qu’elles opèrent comme
menftrues, 6c s’unifient avec les corps
fur lefquels elles agifîent.
Tous ces travaux étoient fouvent croi-
fiés 6c interrompus. Notre Philofophe re-
çevoit fans ceffe des vifites qui lui fai-
foient perdre beaucoup de temps. Cela
lui cauloit quelquefois delà peine; mais
il lui en auroit trop coûté de fe faire céler.
Il accueilloit fur-tout les etrangers,
parce qu’ils en avoient ufé de même à
fon égard pendant fes voyages, 6c qu’il,
fentoit combien il étoit fâcheux pour un
voyageur de n’avoir pas un accès facile
auprès des perfonnes qu’il veut connoître
dans fes courfes. Son laboratoire étoit
toujours ouvert aux curieux, auxquels
il permettoit de voir fes expériences.
Il étoit aifé, naturel 6c fobre dans fa
manière de vivre. Comme il avoit un
tempérament fort délicat, il étoit oblige
de fuivre un régime de vie fort auftère :
c’étoit de manger peu , 61 de ne prendre
que des ahmens nullement propres
à flatter le goût, 6c il s’y aflujettifloit
avec une confiance admirable. Ses meubles
Si fon équipage répondoient à cette
manière de vivre. Tout étoit fimpîechez
lu i, 6c conforme au cara&ère d’un véritable
Philofophe.
Mais quoiqu’il fut parfaitement détaché
de toutes les futilités 6c du cérémonial
dont les hommes font une affaire
importante, il obfervoit cependant les
bienléances : il efl: vrai qu’il foufFroit
avec peine les déférences qu’on avoit
pour lui à caufe de fa haute naiflance 6c
de fon rare mérite. Comme quatre de
fes frères étoient Pairs du Royaum e, on
lui ofFroit fouvent la Pairie, qu’il re-
fufa toujours. Il préféroit le plaifir du
fiavoir à la confidération que procurent
les grands titres. Il fe fentoit outre cela
peu capable de figurer avec des cour-
tifans ou des politiques. Il avoit un trop
grand fonds de candeur pour goûter les
manoeuvres de cette politique, qu’on appelle
prudence ou fagefle dans le monde.
Il ne favoit ni mentir ni ufer de dégui-
fem ent, mais il favoit fe taire, 6c par
là fe tiroit aifémeni d’embarras dans les
occafions épineufes. Il jugeoit fainement
des hommes 6c des affaires : aufli don-
noit-il toujours de bons avis. Il avoit de
grandes idées pour rendre les hommes
meilleurs 6c plus heureux ; mais voyant
le p |u de difpofition qu’on avoit à la
£*) Mçnmtn#, Toi«. I I , pag. 31«.
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