T Y C H O - B R A H É . *
LE zèle de Viete pour les progrès de
l’Algèbre & de la Géométrie, n’a-
voit pas tellement fubjugué les hommes
de génie en faveur de ces deux fciences,
pour qu’ils négligeaient abfolument les
autres parties des Mathématiques. L ’Af-
tronomie excitoit fur-tout leur attention.
On n’ofoit pas , à la vérité , examiner
le fyftême de Copernic , qu’on fe contenait
de condamner ; mais on n’en décroît
pas moins de connoître le mouvement
des corps célefïes & leurs phénomènes.
Le fpeétacle du Ciel fans ceffe
préfent à tout le monde , attiroit l’admiration
de toutes les âmes bien nées.
Ce fut auflï ce fentiment qui forma un
grand Aftronome, lequel cultiva la fcien-
ce des aftres avec autant d’ardeur , que
Viete avoit cultivé celle de l’A lgèbre.
C ’eft T y c h o - B r a h é . Encore enfant,
il fut fi étonné de la jufteffeavec laquelle
l ’événement d’une éclipfe s’accorda avec
la prédiction, qu’il n’eut point de repos,
qu’on ne l’eût inftruit delà manière dont
ôn avoit fait cette étoanante prédiction,
& dès ce moment il fe voua à l ’étude
de l’Aftronomie.
Il naquit le ip Décembre 1 5*46, à
Knud-Strup , fitué dans le pays de
Schonen , près de Fellinbourg, dont fbn
père étoit Seigneur.Sa maifon originaire
de Suède, étoit une des plus illuftres de
Dannemarck ; & fon oncle fut revêtu de
la première dignité du Royaume. Cet
oncle, nommé George Brahé , n’ayant
point d’enfans , adopta T ycho-B rahé
pour fon fils. Il le prit chez lu i, & l’éleva
comme fon propre enfant. Le jeune
T y c H o avoit à peiné fept ans , que
George Brahé lui fît apprendre le latin,
contre le fentiment de fon père , qui
croyoit qu’un homme de qualité ne devoit
favoir que le métier de la guerre. Le
neveu répondit parfaitement aux vues de
l’oncle. Ses progrès dans la langue la-,
tïne furent rapides, & il montra beaucoup
de goût pour la poëfie. Son père
ne voyoit point fes fuccès avec la même
fatisfa&ion que fon oncle; mais la mort
l’ayant enlevé, notre écolier put achever
fans obflacle le cours de fes études.
Il alla à Copenhague , pour étudier la
Rhétorique & la Philofbphie. Son application
augmenta à mefure qu’il acquit
de nouvelles connoiffances. Les feuls dé-
îaflèrhens qu’il fe permettoit, c’étoit de
lire les Almanachs & les livres d’Aftro-
logie, ou il trouvoit des prédictions. Rien
ne l’afFeCtoit davantage que la fcience de
ces prédictions. Il jugeoit cela plus grand
& plus beau que tout ce qu’on lui en-
feignoit dans l’Univerfïté de Copenhague.
I l fentoit même s’accroître en lui le defîr
de connoître les principes de cette fcience,
mais il n’ofbit point abandonner les inf-
truCtions de fes Profeffeurs. Il craignoit
de quitter des connoifîances certaines pour
des chofes dont il doutoit un peu. Au milieu
de cette perplexité arriva une éclipfe
au moment que les Agronomes l’avoient
prédite. I l n’héfita plus alors, à fe livrer
abfolument à l’étude de l’Aftronnmie,
qu’il regarda comme une fcience divine.
Il acheva les Tables agronomiques de
Stadius, & les étudia avec tant d’ardeur ,
qu’il comprit la théorie générale des Planètes.
Il avoit alors quatorze ans. C ’étoit
un âge bien tendre pour avoir pénétré
dans une théorie fi abftraite. Auflï
étoit—il flatté de ce fuccès ; & il n’efl pas
douteux qu’il ne fe fût livré tout entier
à cette étude, s’il eût ofé abandonner les
leçons, de fes Profeffeurs.
Il acheva donc fon cours de Philo*
* TichcnU- Brabei, Equins Dani, AJlronomorum Co-
rifbxi vint, A nore Pctr0 Gafendo. Visionnaire bijhriqtcc
& critique de M. CbanfepirJ, art. Erabé. Scs Lettres
& fes Ouvrages.
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