C O P E R N I C
Sc fît quelques progrès dans l’Aftro-
jiomie Sc la Méchanique. Le Cardinal
de Cufa écrivit en 1440 fur la Géométrie
; crut avoir trouvé la quadrature du
cercle, & renouvellale fyfiême du mouvement
de la Terre autour du Sqleil,
imaginé par Philolaé, difoiple de Pytha-
gore. Dans ce temps-là, Purbach Sc Rér
giomontan cultivèrent les Mathématiques
avec le plus grand fuccès. Doués de dif-
pofition? infiniment heurçufes , i|s enrichirent
de plufieurs belles découvertes
la Géométrie, la fcience des Cadrans 3 la
Mécanique, l’Hydraulique, l’Optique, Sc
fur-tout l’Aftronomie. ils avoient affectionné
particulièrement cette derniere
fcience, & il femble qu’ils ne cultivoient
les autres parties des Mathématiques,
que pour la perfectionner. Ils fui voient
dans leur étude le fyftême de Ptolemée ,
Sc ils tâchpient de le rectifier, ou de le
corriger par l’obfervation des Affres.
Dans ce fyffême , la Terre eft au centre
du Monde, & tous les Affres tournent
autour d’elle. Oq avoit déjà dit que cela
ne pou voit pas être. Un Mathématicien
Grec , nommé Arijlarque, né à Samos,
avoit même averti que les deux Planètes
Mercure & Vénus, fe meuvent autour
du Soleil. C ’étqit donc une peine bien
inutile que prenoient Purbach Sc Régio-
montait , de vouloir expliquer le mouvement
des Affres en adoptant l’hypo-
thèfe de Ptolemée. Ils en auroient reconnu
fans doute la fauffeté, s’ils euffent eu
le temps de l’examiner avec plus de foin ;
mais la mort les enleva à l’âge de quarante
ans.
Le voeu des Savans étoit qu’on fût enfin
à quoi s’en tenir là-defTys. Il falloit»
pour le remplir, que la Nature favorisât
le genre humain d’un homme de génie »
qui eut affez de fagacité & de con-
noiffances pour former un fyffême qui
s’accordât avec le mouvement des Affres,
Sc qui fervît ainfi de bafe à l’étude de
l’Aftronomie. C ’efl ce qui arriva le 19
Février de l’année 14 7 5 , par la naiffance
de Nicolas Ç opernic , à Thorn, Ville
de Prufie. Ses parens qui étoient nobles,
lui firent apprendre chez eux les langues
grecque & latine ; Sc lorfqu’il fut fort! de
l’adolefcence, ils [’envoyèrent à PUniver-
fité deCracovie. Il y continua l’étude de
ces langues : il y fit auflî un cours de Phi-
lofophie, de Mathématique Sc d’Anato-
mie. Il prit des grades dans la Faculté de
Médecine, Sc y reçut le bonnet de Docteur,
Son intention n’étoit point d’embraf-
fer la profeffion de Médecin : il ne vouloit
que s’inffruire, D’ailleurs les Mathématiques
, Sc. fur-tout l’Aftronomie , avoient
fur fon efprit plus de droit que les autres
Sciences, Il réfoltit même- de s’in-.
terdire toute autre étude. Le zèle ardent
de Régiomontan pour le progrès de
l’Affronomie, fit fur lui une impreflïon
fi vive » qu’il voulut féconder les vues
de cet homme célébré. Afin de le faire
avec plus de fuccès, il fe difpofa , a fon
exemple, à aller en Italie, où les fciences
étoient plus cultivées que dans aucun
autre endroit de l’Europe. On luiconfeiila
d’apprendre à peindre , afin de pouvoir
connoître fciemment les peintures & les
mpnumens de çet ancien pays des Romains
, & d’être en état de deffiner ceux
qu’il effimeroit les plus curieux Sc les
plus rares ; Sc il fuivit avec plaifir cé
confeil.
Après avoir acquis toutes ces connoif-
fances, C o p e r n i c retourna dans fa
patrie, & fe difpofa à faire fon voyage. 11 avoit alors vingt-trois ans. Il alla d’abord
à Bologne, pour y voir Dominique
Maria de Ferrare, qui y profeffoit depuis
douze a-ns l’Aftronomie, Sc qui jouiffoit
d’une réputation très-étendue. I l fit faci*
lement connpifiance avec lui. Maria ne
tarda pas à diffinguer le mérite de notre
Philofophe. Le même goût, le même intérêt
à la perfection de l’Affronomie , en
firent bientôt deux amis. Le Profeffeur
de Bologne lui communiqua fes doutes
fur la mefure de l’pbliquité de l’écliptique
par Purbach Sc Régiomontan , & fur
la mobilité du pôle du Monde. Il ap-
puyoit fon fentiment par la comparaifon
de la hauteur du pôle aux environs de
l’Italie, au temps de Ptolemée, à celui
où il vivoit. Én effet , cet Affronome
l’^yoit déterminée à trente -fi$ degrés
C O T E
d’élévation, Sc elle étoit à trente-fept.
Notre Philofophe goûta affez ces deux
opinions. I l auroit bien voulu jouir plus
long-temps des entretiens de Dominique
Maria ; mais il falloit qu’il fuivît fa route,
Sc qu’il achevât fon voyage. Il alla donc
à Rome, où il fut accueilli très-favorablement.
Il fut même nommé à une Chaire
de Mathématiques qu’il ne put fe difpen-
fer d’accepter. Les perfonnes de la plus
grande confidération Sc les Savans accoururent
à fes leçons. On le fêta de toutes
parts, & on le regarda comme un
préfent du Ciel pour éclairer le genre
humain. Senfible à toutes ces diftin&ions,
C opernic fongeoit à s’en rendre digne
par des découvertes réelles. Il avoit un
proiet qui demandoit un recueillement
abfolu,& des méditations profondes, Sc le
théâtre où il étoit placé l’expofoit à un
trop grand jour, pour qu’il pût fe procurer
une folitude paifible. Il réfolut donc de
le quitter, & defe ménager une retraite
dans fa propre Patrie.
Il partit de Rome après quelques années
de féjour. Tous fes Compatriotes
qui commençoient à connoître fon mérite,
par la réputation qu’il s’étoit acquife
en Italie, le comblèrent de bénédictions.
Ses parens l’embrafferent avec des tranf-
ports de joie ; Sc fon oncle maternel,
Luc IVatielrod, Evêque de Warmies, lui
donna un Canonicat dans fa Cathédrale#
Il croyoit lui témoigner par là fon amitié;
mais il eft certain qu’il auroit pu lui
faire un don plus agréable. Cette dignité,
quelque avantageufe qu’elle fût, ne pou-
voit être de fon goût. Il falloit fortir de
fon cabinet pour la remplir, & cela lui
coûtoit infiniment.Elle lui occafionna encore
plufieurs diftraétions , quelquefois
déplaifantes, fouvent honorables , mais
toujours fâcheufes.
Premièrement, il fut inquiété par les
Chevaliers Teutoniques , Sc malgré la
protection de fon oncle, il ne put avoir
la paix avec eux qu’à trois conditions.
i° . Qu’il feroit aftîdu aux O.fices divins. 2°. Qu’il feroit la fonction de Médecin
des pauvres. 30. Qu’il n’employeroit à
l ’étude que le temps où il n’auroit abfo-
R n 1 c. 3
lument rien à faire. Notre Philofophe
remplit fidèlement ces conditions ; Sc pour
fatisfaire à la fois à fes devoirs Sc à fon
goût pour l’étude de l’Aftronomie , il
vécut prefque toujours feul. Jamais il
ne voulut fe mêler des affaires de l’E -
pifcopat, ni de celles du Chapitre.
Les Chanoines ne le perdirent pourtant
pas de vue. Comme ils connoifloient fon
mérite, ils jugèrent qu’il étoit feul capable
de. les repréfenter dignement dans l’aflem-
blée des Etats de Pruffe, où il s’agifloit
d’affaires très - importantes. Ils le députèrent
donc d’une commune voix. Parmi
ces affaires, il en étoit une urgente à laquelle
il falloit apporter un remède. Dans
les guerres précédentes avec la Pruffe Sc
la Pologne > il étoit entré dans la Pruffe
plufieurs fortes de monnoies, foit de Pologne
, foit de Portugal, dont la valeur
n’étoit pas bien connue. Cela formoit
un très-grand embarras dans le Commerce.
C o p e r n i c fe chargea de le
lever. A cette fin il calcula une table
par laquelle il réduifit à une même
valeur ces différentes efpéces de monnoies.
Les Chanoines de Warmies apprirent
avec fatisfaétion le fuccès de fes
travaux. Ils voulurent lui en témoigner
leur reconnoiffance en lui concédant de
nouvelles dignités. En l’abfencede l’Evê-;
que,ilsle choifirent pour occuper le Siège.
Notre Philofophe accepta avec peine cette
diftinétion, Sc plufieurs autres qu’on lui
accordoit à mefure que l’occafion s’en
préfentoit. Il fentoit s’accroître en lui de
jour en jour une nouvelle ardeur pour
la retraite. Des vues nouvelles qu’il
avoit fur l’état du Ciel, l’occupoient prefque
fans ceffe. C ’étoit pour lui une peine
cruelle que d’être obligé d’y faire di-
verfion. Excédé des honneurs Sc des embarras
, il prit enfin une ferme réfolu-
tion de tout abandonner , Sc de confa-
crer le refte de fes jours à l’étude de
l’Aftronomie.
J’ai déjà dit qu’étant à Rome, C opernic
avoit conçu un projet fort propre à
contribuer à la perfection de cette fcience*
Il confiftoit à former une difpofitiotï
de corps céleftes qui s’accordât avec leurs
Aij