pas: qu’il fût poffible d’y rien comprendre
; mais IHallis eut affez
de fagacité pour dévoiler le myf-
tëre. Informa ainfi un art de dé- .
chiffrer, >
Ce fuccès fe répandit dans le
monde, & on lui en fit un crime.
Des ennemis, que fon mérite lui
avoir déjà fufcité., débitèrent à la
Cour du Roi d’Angleterre Jacques
I I , que durant la guerre civile de
.1642 , il avoir déchiffré les lettres
du Roi Charles I , pris a la bataille
de Nafeby. Leur deffein étoit
de le faire paffex pour un ennemi
de la Famille Royale. Ce bruit al-
larma les amis puiffans que IHMis
s’étoit fait à la Cour , ôc il fallut
qu’ils employaffent toute leur autorité
8c leur crédit pour le diffi-
per. La Philofophie confoia bien
ce favant homme de cette calomnie:;
néanmoins il crut devoir y
joindre le fecours que lui offrit une
Demoifelle aimable qui avoit fu le
touchèr. Elle s’appelloit Sufanne ;
il l’époufa en 1 Ayant recouvré
ainfi la tranquillité d’efprit ,
abfolument nëçeffaire pour l’étude,
il s’y livra entièrement.
D’abord il publia des Ouvrages
conformes à fon étar , cèft-
à-dire des Ouvrages fur la Théologie.
Mais ayant été nommé Pro-
feffeur de Géométrie à Oxford , il
s’attacha aux Mathématiques, ôc y
fit les plus rapides progrès.
Le premier écrit qu’il mit au
jour fur cette fcience , eft un Traité
de la parole 8c de la formation:
des fons. Il examine tous les fons
qui fe forment dans l’articulation
lorfqu’on parle , par quels organes
& dans quelle pofition chaque
fon fe forme, 8c quelles font les
plus petites différences de chacun
d’eux. Il découvre de cette manière
, que le fou (Ile pouffé hors
des poumons par le moyen de tel
ou tel organe , ou de telle ou telle
manière, forme des fons , foit que
la perfonne entende ou n’entende
point ce qu’elle prononce. De-la
il conclud qu’il étoit poffible d’apprendre
à parler à un fourd , en
lui enfeignant de mettre en mouvement
les. organes de la voix ,
félon que le fon de chaque lettré
le requiert ; ce que les enfans apr
prennent, dit-il , par des imitations
8c des tentatives réitérées. Il
fit l’effai de ce nouvel art fur un
homme fourd ôc muet dès fon enfance
; 8c le fuccès répondit fi bien
à fa théorie 8c à fes règles, que
dans moins de quatorze mois il lui
apprit à prononcer toutes fortes
de mots.' -
L ’Ouvrage qui contient ces découvertes
eft imprimé à la fuite
d’une Grammaire Angloîfe à l’u-
fage des Etrangers. Il parut avec
cette Grammaire en 16 j 3 fous ce
titre : Grammatica linguce Anglicane
, cum T'yaclatu de loquela , Jive
fonorüm formatione. Deux ans après ,
If^allis publia une nouvelle Arithmétique
fous le nom d’Arithmétique
des Infinis , par le moyen
de laquelle il détermina l’aire des
furfaces , la quadrature des courbes
, 8c la cubation des folides.
Çefl." l'art de trouver la fomme
d’une fuite de nombres compofée
d’une infinité de termes. Quoique
cet art foit prefque déduit de la
Géométrie des indivifibles de Cavaliers,
dont j’ai parlé ci-devant,
il fit un honneur infini à fon Auteur.
On le regarda comme un
des plus grands Géomètres du fie-
cle , 8c il juftifia bientôt cette opinion.
L ’Arithmétique de l’Infini pa-
roiffoit à peine, que Hobbes publia
une nouvelle Géométrie, dans laquelle
il blâmoit lâ méthode des
Géomètres. IHallis fe crut intéref-
fé à en prendre la défenfe. Il répondit
à Hobbes , 8c celui-ci répliqua
par un .écrit intitulé': Six
leçons au Profejjeur en Mathématiques
àOxford. Hobbes avoit pris dans
cet écrit un ton de fupériotité que
notre Mathématicien rabatit par
cette réponfé:, Jttfie correffion à M.
Hobbes, pour ri avoir pas bien dit
fes leçons.
En 1 d y7 , THallis raffembla fes
Ouvrages fur les Mathématiques,
8c les fit imprimer en deux parties,
fous le . titre de Mathejis univerfa-
lis. Il mit enfuite au jour confé-
cutivement un Traité de la Cy-
cloïde, qu’il intitula De Cycloïde
& corporibus inde gênais, un Traité
de Méchanique intitulé Mecha-
nica five de motu traBams geome-
tricus, 8c une Hiftoire de l’Algèbre ,
dans laquelle il revendique les découvertes
de Defcartes en faveur
d’Harriot, habile Algébrifte ôc fon
Compatriote. Ce n’eft pas là le
plus beau trait de fa vie. Il ne
rend pas à Defcartes la juftice qu’il
étoit bien capable de lui rendre ,
ôc l’amour de la patrie étouffe en '
lui celui de la vérité ôc de la rai-
fon. Il mourut le 2 8 Octobre
1703 , âgé de 87 ans. Il jouît pendant
fa vie d’une fanté ferme ôc
vigoureufe , ôc d’un efprit calme
plein de force, qui ne fe décon-
certoit pas , ôc fe troubloit très-
difficilement. Auffi fe félicite-t-il
lui-même d’avoir vécu doucement,
ôc d’avoir été de quelque utilité'
fans être élevé en dignité (0).'
Pendant que IHallïs publioit toutes
ces belles chofes, déjà brilloit
dans le monde un Mathématicien
bien célèbre, ôc qui le feroit encore
davantage , s’il n’eûf.d'ait un
Ecolier qui a couru la même carrière
que lui avec plus de fuccès.'
C’eft Jacaues Bernoulli, né au mois
de Décembre 1 654 , frère de l’il-
luftre Jean Bernoulli , qui eft cet
Ecolier. Il apprit les Mathématiques
fans Maître ôc prefque fans
Livres ; car fon père qui le defti-
noit à être Miniftre, lui en avoit
( a /' Voyez le DiSbionnaire de ChaujfeÇiè; arùcle V/allit