pays j 8c d’aller chercher ailleurs de quoi
vivre. 11 fe rendit à. Strasbourg, 8c s’y mit au
fervice de Wal gang Fabrice Capiton : il
y reprit l’étude de la langue hébraïque
dont il avoir eu quelque teinture à Zurich.
Mais après quelques mois de féjour
en cette ville , ayant appris que la paix
regnoit dans fon pays, il y retourna, persuadé
qu’on le reverroit avec plaifir. Il
ne fe trompa pas : on l'accueillit très gra-
cieufement, 8c l’Académie de Zurich fe
Ht un devoir de reconnoître fon mérite ,
en lui accordant une penfion.
Notre Philofophe fe hâta de profiter de
cette petite fortune pour acquérir de nouvelles
connoilïances. Il communiqua a un
de fes compagnons d’étude, nommé Jean
Frifius, qui étcit fon intime ami, le def-
fein qu’il avoit formé de faire un voyage
en France. Jean Frijius%ou.tz fort ce projet, 8c pour le mettre à exécution , dès que
G e s n e r eut touché quelque argent de fa
p en fion il partit avec lui pour Bourges.
Ses fonds lui manquèrent prefque en
arrivant. Afin d’y fuppléer il prit des écoliers
qui fournirent a fon entretien j 8c il
eut aulîi le temps d’étudier les Auteurs
grecs 8c latins. 11 ne demeura' qu’un an à Bourges : il
vouloit voir Paris; 8c comme il étoit alors
en état de faire ce voyage, il s’achemina
vers cette grande ville ; il avoit i 8 ans.
Il trouva à Paris plus de Savants qu’il n’en
avoit trouvé à Bourges. 11 convient qu’il
ne tenoit qu’à lui de devenir plus habile
dans les fciences qu’il ne le devint ; mais
fon efprit trop ambitieux de connoilïan-
ces vouloit tout apprendre, 8c ilnefai-
foit qu’effleurer les matières. Il lifoit
indifféremment les livres qui lui tom-
boient entre les mains, fans avoir la patience
de les lire en entier, 8c avec l’application
qu’ils exigeoient, afin de pafler
plus vice à d’autres qui piquoient fa cu-
riofité. Peut-être fe feroit-il fixé à un genre
particulier de littérature s’il avoit pu faire
un plus long féjour à Paris, parceque les
Savants qu i! voyoit Fauroient repris de ce
défaut : mais les moyens lui manquèrent ;
& ne pouvant plus loutenir les dépenfes
qu’il étoit obligé de faire, il fortit de Pa*
ris pour retourner à Strasbourg , efpérant
d’y obtenir quelque emploi par le crédit
des amis qu’il y avoit. Il n’y demeura pas
long-temps : l’Académie de Zurich, intor-?
mée de fa fituation , le rappella pour lut
donner la conduite d’une école.
Il fe rendit donc dans fa patrie pour
prendre polfellion de cette place. Lorfque
la fortune fembloit favorifer notre Philofophe
, il croyoit quelle l’alloitcombler
de fes bienfaits ; 8c dès-lors, fans compter
avec lui-même, il fe flattoit que rien ne
pouvoit lui manquer. Auffi, s’eftimant
déjà riche , il voulut partager fon bien
avec une époufe. Quoiqu’il n’eut encore,
que vingt ans , il fe maria ; 8c il recon-
nut qu’il avoit fait une folie loriqu’il n e-
toit plus temps.
En effet, fes appointements ne fuffi-
fant pas pour le faire fubfifter avec fa fem-»
me, il fut obligé de chercher'une autre
reffource. Il avoit eu dès fa jeunefle diL
goût pour la Médecine, 8c il refolut de
s’y appliquer férieufement, afin de fe procurer
de quoi vivre en la pratiquant. Il,,
étudia donc les livres de Médecine pen-
dant les heures que les fondions de fon
école lui laiflbient libres ; & à niefure
qu’il avançoit dans cette étude , il regret-
toit le temps qu’il donnoit à fes écoliers.
Dégoûté enfin de cette occupation , il
demanda à l’Académie la permilïion dé
la quitter, 8c d’aller à Baue etudier en
Médecine, avec la penfion qui lui avoit.
été accordée d’abord.
A l’étude de la Médecine, Gesner. joignit
à Balle celle de la langue grecques
pour mieux entendre les anciens Mede-r
cins. Son ardeur étoit grande ; mais la di-
fette vint bientôt refroidir cette ardeur*.
Il étoit fort inquiet fur le parti qu il de-
voit prendre , lorfqu il s avifade faire déS^
additions à un Diétionnaire grec 8c latin,
qui avoit paru à Balle en 1 5 3 7 fous ce titre:
L e x ic o n gr&co-latinum 3 in f o l . Ce Dic-^
cionnaire étoit l’ouvrage de pluûeurs
Gens de lettres. Notre Philofophe propo-
fa au Libraire fes additions, dont'leplus.
grand nombre étoit pris du Dictionnaire
3e Pha> orin.
X é Libraire s’accommoda de ces additions
; mais il n’en publia qu’une petite
partie dans l’édition qu’il donna du Lexi-
con, parcequ’il voulut réferver le refte
pour l’imprimer peu à peu dans les différentes
éditions qu’il feroit, dans là fuite,
de cet ouvrage : Cependant comme il
mourut peu de temps après la première
édition, ces additions furent perdues :
le Dictionnaire fut réimprimé plufieurs
fois depuis, 8c notre Philofophe fournit
à chaque fois de nouveaux fuppléments.
Ce fecours le foutint pendant un an à
Balle. Il fut alors appèllé a Laufanne, où
le Sénat de Berné vénoit d’établir une
Académie pour profefler la langue grecque
, avec dés appointements eonfidéra-
bles. Ce porte le mit en état d’entretenir
fa famille, & de fe livrer à fon penchant
pour l’étude de la Médecine. Son deffein
étoit de fe faire un revenu de fa profef-
fion de Médecine. Aulîi ne garda-t-il fa
chaire que pendant trois années , parcequ’il
crut qu’il falloit abandonner toute
occupation pour achever fes études eh
Médecine. Comme,FUniverfité de Mont*
pellier jOuiffoit déjà de la réputation qui
lui a acquis tant de célébrité, il alla en
cette ville.
Il chercha à fe loger en arrivant chez
quelque habile Médecin du lieu , par-
éequ’il étoit perfuadé qu’on profité
plus de la convèifa tion des Savants, que
des leçons publiques ; mais aucun Médecin
ne voulut le'recevoir chez lui. Ce refus
l’indifpofa un p'eiv contre la Faculté; 8c il
ne relia à Montpellier, que le temps né-
teiïaire pour prendre connoilïance du devoir
des Membres de cette Faculté en
Anatomie 8c en Botanique. Il retourna à
Balle pour y faire fes derniers exercices y
$c y recevoir le bonnet de Doéteur.
‘ Il y a apparence que fa famille étoir
retournée dans fa patrie, lorfque G e sn e r
fortit de Laufanne; car il prit le chemin
dè Zurich en fortant de Balle. Il y exerça
la Médecine ; 8c peu de temps après fon
Arrivée, il fut choili pour y profelfer la
(1) M. .Antoine de Juffieu. Voyez fon Difcours fur les
frogrh de la Botanique au Jardin Royal de Paris, fuhi
Philofophie. Ce fut ici l’époque de foa
dévouement abfolu à l’étude de l’Hif-
toire Narurellè ; 8c depuis ce temps, juf-
qu’à fa mort, il ne cefïa de compofer 8C
de publier des ouvrages fur la Botanique
, fur la Zoologie , ou FHiftoiré deô
animaux, fans abandonner la littérature
grecque & latine, pour laquelle il avoir
toujours beaucoup de goût.
Le premier ouvrage qu’il mit au jour,
fut une Hiftoire des Plantes, d’après les
écrits de Théophrafte 3 Diofcoride 8c
Pline fur cette matière. Il le fit imprimer
en 1541 fous ce titre : Enchiridion HiJ-i
toria plantarum ordine alphabetico , ex
Diofcoridefumptis defcriptionibus, & tnuU
tïs ex Theophrajlo , Plinio ac recentiori-
bus Gmcis addïtïs : facultatibus autern ex
Paulo Ægineta plerumque quàm brevij-
fm e adfcriptis, in gratiam Medicina Can-
didatorum _, qui cognitionisJlirpium caufd
rufticari interdum folent.
C ’étoit, comme Fon voit, dans la vue
d’être utile aux Candidats de Médecine,
qu’il avoit écrit ce Livre. Les progrès de
cet art lui tenoient fort au coeur; 8c ce
fut pour y coopérer , qu’il publia en 1542.
un autre Livre fur ies plantes ; il eft intitulé
: Catalogus plantarum latine, gra.ce ,
germanicè _, & gallicè defcriptus : addiùt
funt herbariim nomenclature variarum gen-
tïum Diofcoridi adfcripte > in ordinem
litterarum dïgejle.
Cês ouvrages étoient fans doute utiles
aux Médecins ; mais ils ne pouvoienc
guere étendre la fcience de la Botanique.
Ce n’eft point en rangeant fuivanc
l ’ordre alphabétique le nom des plantes
qu’on connoît, que l’on peut apprendre
cette fcience ; il faut fuivre une méthode
qnila réduife à desprincipes certains. Mais
comment découvrir cette méthode ? elle
doit être le fruit de plufieurs obfervations
confirmées les unes par les autres, 8c dirigées
aux effets naturels, comme l’a fort
bien obfervé un favant Naturalifte moderne
(1). Notre Philolbphe a vent une
grande avance pour parvenir à la déeoud’une
IntroduSHon k la connoiffance des plantes, imprimé
dans les Mémoires de Trévoux * mois d'Avril 17