D I S C O U RS
P R É L IM IN A I R E
SUR LA PHYSIQUE.
SI quelque chofe doit émouvoir
la fenfibilité de l’homme ,
ou piquer fa curiofité, c’eft le fpec-
tacle de l’univers. Il eftfaifi de tous
les côtés par tout ce qui exifte; ôc
la confervation de fa vie ôt les fen-
fations qu’il éprouve , font l’ouvragé
des êtres dont cet univers eft
rempli. L ’éclat du jour ôt l’obfcu-
rité de la nuit forment les deux
grands tableaux qui lerepréfentent.
R ien n’eft plus beau qu’un beau
jour : rien n’eft plus magnifique
qu’une belle nuit. L ’un ôc l’autre
ont des attraits capables de charmer
l’ame la plus indolente.
Mais c’eft peu d’admirer la nature.,
ôt dé le livrer aux plaifirs
qu’elle nous difpenle. L e comble
de la fatisfaclion eft de connoître
par quels moyens fon Auteur la
peuple ôc l’em bellit; de dévoiler
les fecrets de fon ouvrage ; d’être ,
fi l’on peut parler de la forte, le
confident de fes vues ôc de fes opérations;
6c de pouvoir fe rendre ce
compte à foi-même : Voilà les def-
feins du Créateur dans l’arrangem
ent de tels êtres : voilà quel eft
l’artifice par lequel il produit tel
phénomène : voilà quels font les
refforts qu’il m et en oeuvre pour
faire éclore telle merveille.
Affurément il n’eft pas pofli-
ble que l’homme acquière un plus
haut degré de perfection, ôc par
conféquent de félicité , puifqu’il
approche par là de Après d u T o u t-
Puiffant. Non-feulement il jouit ,
mais encore il fait pourquoi ôc comm
ent il jouit. Les effets font une
imprelfion agréable fur fes fens ; ôc
la caufe de ces effets dévoilés à fes
yeux, tranquilife ôc fatisfait fon a me.
Audi a - t- o n vu dans tous les
temps les Sages joindre au plaifir de
la contemplation celui plus piquant
encore de l’obfervation. E t comme
ces occupations forment l’objet de
la Phyfique , qui eft la fcience des
chofes naturelles, on a appelé Phy-
ficiens ces hommes de génie.
O n ne connoît point ceux qui
les premiers ont fait une étude fé-
rieufe de cette fcience. Seulement
on fait qu’ils enfeignèrent que rien
n’étoit fait de rien, qu’aucune fubf-
tance n’eft engendrée ou détruite ,
que la couleur ôc le goût ne font
pas dans les objets, ôcc. A cette
a