M. Drôlenvaux, célèbre Sénateur de Ley-
de , qui avoit pour lui les fentimens les
plus diftingués. Deux motifs aufli puiffans
ne lui permirent point de balancer fur le
parti qu’il avoit à prendre : il demanda
Mademoifelle Drolmvaux en mariage,
l’obtint & l’époufa le 16 Septembre 1 7 ï o.
Les douceurs qu’il goûta dans cette
union , lui fit regarder fon beau - père
comme fon bienfaiteur. Il étoit fi fenfible
à la grâce qu’il lui avoit faite en fe privant
de fa fille unique pour la lui donner ,
qu’il voulut rendre publics les fentimens
de fa reconnoiffance. La première édition
de feslnftitutions de Médecine étant épui?
fée , il dédia à M. Drohnvaux la fécondé
qu’il en donna en 1713 , & fit ainfi publiquement
à fa femme une déclaration
d’amour au bout de trois ans de mariag
e , comme l’obferve fort bien F Auteur
de fon éloge.
L’année fuivante il fut élu Re&eur de
l’Uni verfité, & au mois d’Août de la même
année il fuccéda à M. Bidloo en la charge
de Profeffeur de Médecine - pratique.
Outre fes leçons ordinaires, il en donna
dès-lors deux fois la femaine dans l’Hôpital
de Leyde , fur les maladies du temps.
En quittant le Redorât en 1715 , il
prononça un Difcours-fur le moyen de
trouver le vrai dans la Phyfique , intitulé :
De comparando certo in Phyjîcis. Il foutient
dans ce Difcours que nous ignorons les
principes des chofes, & que ce n’eft que
par leurs effets que nous connoiffons leurs
propriétés, foit en fe fervant de Fexpé-
rience, ou en employant la méthode des
Géomètres. Il y attaque les Philofophes
qui ont prétendu connoître ces principes ;
tels que Leucippe, Démocrite , Arijlote,
Defcartes, Gajfendi, Hughens, Leibnit{ ÔC
Newton. Il examine donc les atomes , le
vuide, la gravité ; les tourbillons & l’at-
tra&ion, & veut que rien de tout cela
»affe connoître les principes immuables
des chofes.
Ce Difcours choqua vivement un fameux
Cartéfien nommé Andala , lequel
étoit Profeffeur de Philofophie & de
Théologie dans l’Univerfité de Franeker.
Il cria tout haut que foutenir que les principes
des chofes font inconnus, c’eft éta*
blir le Pyrrhonifme. Il dit même que
Defcartes avoit découvert une partie de
ces principes, & qu’on ne pouvoit avancer
le contraire que lorfqu’on n’enten-
doit point Defcartes & fa manière de phi-
lpfopher. Pour le prouver, il cita plu-
fieurs paffages tirés des ouvrages de ce
grand homme.
Cela pouvoit fe dire Amplement fans
©ffenfer Boerhaave. Mais emporté
par fon zèle pour la gloire de Defcartes 9
M. Andala ne ménagea pas fes expref-
fions, & oublia les égards qu’il devoit à
Boerhaave. L’Univerfité de Franeker
défapprouva cette eenfure. Elle exigea
que l’Auteur fit une réparation à notre
Philofophe, en fe rétra&ant. L’eftime
qu’elle en faifoit étoit fi grande, qu’elle
crut devoir s’exeufer envers lui, de ce
qu’un de fes membres l’eût attaqué avec
fi peu de ménagement. Elle lui écrivit
qu’elle étoit difpofée à lui donner une autre
fatisfaâion, s’il l’exigeoit. Boerhaave
répondit que la feule fatisfa&ion qu’il
ofoit demander, c’étoit qu’on lui pardonnât
fà faute aufli fincèrement qu’il la lus
pardonnoit lui-même.
On trouva cette réponfe fort modefte*
Elle ne l’eft cependant point tant qu’elle
le paroît ; car je ne fais pas fi Boerhaave
avoit droit de foutenir que nous ignorons
les principes des chofes. D ’ailleurs, lui
qui avoit attaqué dans fon Difcours Defcartes
, Leibnitç, Newton, pourquoi auroit-
il trouvé mauvais qu’on eût blâmé fa
façon de penfer ? Son critique ne l’avoit
pas fans doute affez ménagé dans fon
écrit, & en cela il. avoit tort ; mais fur le
fond de la controverfe, je crois qu’il
avoit raifon.
Quoi qu’il en foit, notre Philofophe fe
concilioit toujpurs de plus en plus l’eftime
des Savans, & par fa conduite, &parfes
écrits, & par l’étendue de fes connoif-
fances. Non-feulement il étoit habile Médecin
& favant Botanifte, mais il culti-
voit encore la Chymie avec beaucoup de
fuccès. C’étoit la fcience pour laquelle il
avoit le plus de goût. Aufli M. le Mort p
Profeffeur de Chymie à l’Univerfité >
'étant venu à mourir, les Curateurs fe
firent un devoir de le nommer à fa place.
Il prit poffeflion de cette chaire en
(1718, par un Difcours fur la Chymie
corrigée de fes erreurs, de Chymiâ fuos
crrorcs exp u rg n a n te ; dans lequel, après
avoir avoué les erreurs introduites par
les Chymiftes, il fit voir que le remède
vient de la même fource que le mal. Cette
production eut'un fi grand fucces, qu on
en fit deux éditions en fort peu de temps,
fans qu’il y eût part, ce qui le fâcha beaucoup
; car il n’approuvoit point abfolu-
ment tout ce qu’il avoit écrit. Dévoué
par état autant que par inclination à 1 e-
tude de cette fcience , il avoit tellement
étendu fes lumières & fes connoiffances,
qulil jugeoit fon Difcours peu digne de
l’honneur qu’il avoit reçu.
Il eft vrai qu’il ne fit dans aucune fcience
autant de progrès que dans la Chymie.
Ses découvertes font très-belles 8c en
grand nombre , 8c porteront fans doute
fon nom à la pofterité la plus reculée.
Elles furent prefque l’unique fruit de fes
veilles jufqu’à la fin de fes jours.
La méthode qu’il fuivoit dans fes leçons,
annonçoit fa grande aptitude à 1 etude de
la Chymie. Il expofoit d’abord à la vue
de fes auditeurs le fujet dont il vouloit
faire l’analyfe, afin qu’ils l’examinaflent
avant qu’il fût altéré par les opérations.
Il décrivoit enfuite exactement & en détail
chaque opération qu’il faifoit en leur pre-
fence , 8c les inftrumens dont il fe fervoit
pour cela. En troifième lieu , il faifoit
remarquer les effets que chaque opération
avoit produits fur le fujet. Il montroit
après cela ce qui étoit refté après les opérations
, afin qu’en le comparant avec le
fujet tel qu’il étoit avant ces opérations,
on reconnût les changemens qu’il avoit
fouffert. Enfin il enfeignoit les ufages
qu’on peut tirer de chaque opération, 8c
leurs vertus ou utilités en Médecine.
A cette méthode d’inftruftion Boer-
H A. ave en j oignit une pour fon etude par-
( 4 ) Le P. Bougeant, dans le Tome premiçr des
çago
ticulière. Car déformais il s’appliqua uniquement
à la Chymie, 8c ne ceffa jufqu’à
la fin de fes jours de travailler à la per-,
feâion de cette fcience.
Les Chymiftes , a dit un homme d’ef-
prit ( d) , font une efpèce particulière de
Philofophes , qui perfécutent la nature
par le fer & par le feu, pour l’obliger à fe
découvrir, malgré le foin qu’elle prend
de fe cacher. Le feu eft donc le principal
agent que ces Philofophes emploient pour
faire l’analyfe des corps. Notre Chymifte
penfa donc avec çaifon que la première
chofe qu’il falloit examiner avant que
d’entreprendre aucune opération, c’étoit
la nature & les propriétés du feu. Audi
fit-il cet examen avec le plus grand foin ,
& compofà en même temps une Diflfer-
tation fur le feu, qui eft une des plus
belles produâions de l’efprit humain.
Il y fait voir que les fignes du feu font
la chaleur, la lumière, la couleur, l’ex-
panfion ou raréfaâion des corps tant
liquides que folides, la combuftion , la
fufion , &c. Il prouve enfuite que le feu
dilate les corps les plus durs ; effet abfo-
îument contraire à celui du froid, qui
refferre les corps dans toutes fes parties.
A la préfence feule du feu, l’air fe raréfie
; & lorfque le feu difparoît, l’air fe
condenfe de même en total & dans fes
parties. La moindre chaleur raréfie aufli
beaucoup l’efprit-de-vin, l’huile de térébenthine
, l’eau 8c le mercure.
Boerhaave trouve après cela que le
feu eft préfent par-tout, qu’il eft dans
tous les corps, &c qu’il eft produit par le
frottement des corps élaftiques, parce que
ces corps font fufceptibles d’un mouvement
d’ofcillation qui eft néceffaire à la
produ&ion du feu ; car les corps mous
donnent difficilement du feu. Une expérience
curieufe prouve cette vérité. Si
dans un temps de gelée on applique deux
lames de fer l’une fur l’autre 8c qu’on les
charge , elles s’échaufferont tellement
qu’elles jetteront du feu.
Qbfcrvations tHritufti fur toutes les parties de la PhjJtque,
M ij