40 h a r t s o e k e r .
dans la ch aleur de la conversation ne fe
reffou vint point de cette prière. Sur le
champ Leuvenoek ne v oulut plus rien faire
v o i r , & congédia & H a r t s o e k e r
ôc le Bourg-meftre.
Pa r les obje&ions que notre Philofo-
phe faifoit à Leuvenoek, on juge aifément
qu e ce P hyfic ien fe v an to it de diffé-
q u e r les puces ôc les mites. C ’é to it , félon
H a r t s o e k e r , une pure jattance fem-
blable à ce lle qu’ il a v o it eu e fur les animau
x qu’ il diloit a v o ir vus dans la fa-
l i v e , quoiqu’ il n’y ait point de petits animau
x dans la fa live . -
Son application continuelle au tra vail
nuifit beaucoup à fa fa n té , déjà ex trêmement
altérée pa r fa dernière maladie. Il
dépérit infenfiblement, 6c mourut le i o
D é c em b re 1 7 1 5 , âg é de 69 ans. O n a
é c r it q u ’il étoit v i f , e n jo u é , o ffic ieu x ,
d ’une bonté 6c d’une facilité dont de faux
amis ont fou v en t abufé. C e s qualités ne
s’accordent guères a v e c fon humeur chag
rine Ôc cauûique. Mais on peut les conc
ilie r en remarquant qu’ il étoit naturellement
bon , comme on l’a v u au com mencement
de fa v i e , 6c qu’ il devint méchant
par un ex cè s de fenfibiliré au x premiè
res critiques qu’on fit de fes O u v
rag es.
U n de fes parens fit imprimer fon
C o u r s de P h yfiqu e en 17 30 , ÔC fit fon
ap olo g ie dans une Préface qu’ il mit â la
tê te de ce C o u r s . L e Leêteur doit fa v oir
aftuellement à qu o i s’ en tenir. Il ne refie
plus qu’à e xp o fe r les conjectures ôc les
dé cou ve r te s de c e grand P h yfic ien pour
terminer fon h iflo ire : mais je dois parler
avant que d’en venir à cette e x p o fitio n ,
d’un O u v ra g e fingulier qui étoit bien
étranger à fes t ra vaux. C ’e f l une Dijferta-
tion fur Us payions de Vaine , qui.mérite
bien d’être c o n n u e , ÔC q ui dé cè le une
grande fineffe d’e fp rit* en v o ic i la fubf-
tance.
T o u te s les paffions de l’ ame fe rédui-
fent à d e u x , à l’ amour ôc à la haine. C e
font les deux grands refforts qui donnent
le branle à toutes les autres. En effet lorf-
q u e nous haïffons quelqu’un, ôc que nous
te c ro y on s fupérieur en forc e , nous le
fu yon s , ôc cette démarché e fl c e qu o n
appelle peur. Si nous penfons qu’ il e f l
inférieur ou que nous pou von s lui tenir
t ê t e , nous le repouffons n ou s -m êm e s
pa r la force : ôc c’e fl en cela que co n fifle
la co lè re , qui a ordinairement la ven->
geance pour mère ÔC p ou r compagne.
L a crainte e fl une e fpèce de peur ; elle
n ’en diffère q u ’en ce que dans la peur le
p ér il e f l devant nos y e u x , au lieu qu’il
e f l éloigné dans la crainte.
L a trifieffe e fl une inquiétude de l’am e ,
q ui naît de ce que nous nous v o y o n s attaqués
de que lqu e m a l , ou q u e nous
c ro y on s que nous en ferons bientôt attaqués
; de forte que la trifieffe ôc la
peu r ont beaucoup d’affinité entr’ elles.
L e repentir e fl une forte de trifieffe
caufée par quelque mauvaife aCtion que
nous a vons f a i t e , ôc dont nous n’attendons
que des maux. Si d’ autres ont fait
quelque mauvaife aCtion, le fentiment
que nous concevons pour eu x e fl ce qu’on
nomme indignation.
L a joie e f l directement oppofée à la
trifieffe. Elle e fl caufée par la jouiffance
d’un b ien p ré fen t , o u p ar refpcrarree que
nous a von s d’en jouir. D e même q u ’il
y a plufieurs efpèces de t r i f ie f fe , il y a
auffi plufieurs efpèces de joie. Par e x em ple
, la Jatisfaclion t f l une efpèce de jo ie
caufée par quelque bonne aClion que
nous a von s fa i t e , Ôc dont nous attendons
des honneurs ou des biens. Vorgueil
e f l une autre forte de jo ie qui v ien t de
ce que nous avons trop bonne opinion
de nous-mêmes. E lle naît fou v en t de la
flatterie.
L e déjir a pou r o bjet un bien abfent’ ,
ôc cette paffion n’eft jamais pure. E lle
e f l toujours accompagnée de quelque efi
pérance. Wefp.érance e fl le dernier bien
q ui nous abandonne. Elle efl le mal de
ceu x q ui font heu reu x', ÔC le bien des
malheureux. L ’ambition e f l l’ amour des
g ran d eu r s , ôc Y avarice l’amour des ri-
cheffes. D e l ’ambition vien t Xenvie, qui
e fl une efpèce de trifieffe caufée par le
bien d’ un autre. E lle e fl la mère de la
jaloufie, de la médifance , de la raillerie,
ôcc. Elle produit auffi Y émulation, forte 4’inquiétudQ
HART S
d ’inquiétude d e l’ am e , q u i nous ex c ite
à ég a le r ou à furpaffer quelqu’un en quelq
u e ch ofe de louable.
C e qu’on appelle pudeur, e f l une inquiétud
e e x c ité e dans l’ame par 1 appre-
henfion de ce q ui peut bleffer l’ honnête
té ou la mode ftie. Et le défaut de pudeur
e f l ce qu’on nomme impudence. Enfin
la honte e f l une inquiétude e x c ité e
dans l’ame par l’ image de^ que lqu e deshonneur
qui nous e f l a r r iv é , ou q ui pour-
ro it nous a rrive r.
L e s paffions font très - bonnes fe r -
v a n t e s , mais mauvaifes maîtreffes. Par
eonféquent il faut s’en fe rv ir autant qu’ il
e f l néceffa ire pour mener une v ie heu-
r e u f e , en qu o i con fifle la v e r tu . C a r
fans les p a ffion s, q ui répandent un ce rtain
feu lûr toutes nos aÔ io n s , q ui nous
animent 6c fon t tou te n otre a c t i v i t é ,
nous ferions de v ra is au tom a te s , ôc il
n’y auroit ni v ic e ni v e r tu ( è).
L e P. Niceron a donné une lifte e x a& e
O EK ER. 4 *
terre & le s p lan è te s , & leu r imp riment
autant de m ou vem en t qu’ il leu r en f a u t ,
non-feulement p ou r tou rn er autou r du
f o l e i l , mais en co re p ou r tou rner en même
de toutes les productions ô ’ H a r t s o e k e r .
dans le T om e V III de fes Mémoires.
Conjectures PhyJî<jues d?HA RT s O E K E R
fur le fyjlême du monde.
L e p rem ier corps de l’u n iv e r s , ôc q u i
.en e f l l’ am e , c’e f l le foleil. C ’e f l un g lob e
d e f e u , leque l e f l entretenu par une at-
m ofphère q ui lui fournit fans cefle^des
matières combuflibles. Il en e f l de meme
des é t o ile s , q ui font des v éritab les fo-
le ils . E t tous ces grands feu x qui fe trouv
en t allumés là ôc là dans l’ immenfite
de l’e fp a c e , font à une fi grande diflance
l’ un de l’a u tre , qu’ un boulet de c a n o n ,
en fe mouvant toujours a v e c la même
rapidité qu’ il a lorfqu’ il fort du c a n o n ,
emp loiroit plus de cent millions d’annees
p o u r pa rven ir de la terre jufqu’à une
é to ile .
L e s ra y on s du f o l e i l , en s’élançant de
cô té ôc d’autre a v e c la plus grande rap
id i t é , rencontrent en leu r chemin la
temps fur leurs axes. C e tte fo r c e de
ra y on s e ft fi g ran d e , qu’une p oigné e de
fable e x p o fé e au fo y e r d’un v e r r e ard
e n t , en eft chaffée & diflipée tout auffi-
tô t comme pa r q ue lqu e co u p de v e n t ,
& qu’ un reffort q u ’on y ex p o fe fait auffi
des v ib ra tion s a llez fenfibles. C ’eft d on c
e lle q u i , combinée a v e c la fo r c e de la
g r a v ité des p lan è te s , les fait m o u vo ir
dans l’o rb ite qu’ elles dé criven t autou r du
foleil.
En faifant tou rner les p la n è te s , les
ra y on s de ce t aftre les éc la irent , les
échauffent & les fertilifent. Ils font enco
re tourner la lune autour de la terre.
C a r puifque la lune e ft dans l ’a tmofphère
de la te r r e , o îie lle fait fa révo lu tion d’o c ciden
t en o r ie n t , elle eft entraînée par
ce tte a tm o fp h è re , comme la lune e lle -
même l’ entraîne auffi de fûn cô té : de
façon que ces mou vemens s ’entr’aident
& fe fàvorifent les uns les au tre s , étant
produits par une même caufe.
L e s p lanètes d e v ra ien t dé crire un c e r c
le autou r du f o le i l , & elles le d é c r i-
v o ien t e f fe â iv em en t dans leu r Origine.
Mais puifque leu r o rb ite eft e llip t iq u e ,
il faut q u ’elles fouffrent que lqu e ré v o lu tion
eonfidérable qui ait changé la figure
de cette o rb ite. C e t t e caufe eft d’autant
plus v r a ifem b la b le , q u e nous fom m es
certains que la terre a ép ro u v é des ch an-
gemens violens.
En e f fe t , nous favon s par le s anciens
monumens d’E g yp te la ch ute de l’Ifle
A t la n tiq u e , dont l’Amé riqu e ne fem -
b le qu’un re fte : chute qui p ou r ra it bien
a v o ir caufé la grande inondation dont
les anciennes Hiftoires fon t mention , &
donné occafion à la F ab le de D e u c a lio n
& de P y r rh a , q ui fou rmille de tant d ’aventures
merveillenfes. C e qui confirme
ce tte c o n je f tu r e , c’ eft une infinité de
• I O n a r e n o u v e l l e J e n o , jo u r s e e r é l o g e d e s p a f f io n s ; m a i s o n n 'a f a i t q u e l e r e n o u v e l i e z , p u i f -
l e s a p r é ç o n i f é e s d a n s l a d ilïc iM t io - n q u i v i e n t d e n o u s o c c u p e r .
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