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quelle il le juftifia des reproches d’athéïf-
me & d’impiété, dont les perfonnes mal
intentionnées l’accabloient.
On doit encore à notre Philofophe une
Relation d'Ethiopie, qui a été inférée dans
la Relation hiflorique d'Abyfinie par le P .
Jérôme Lobo, Jéfuite, laquelle a été imprimée
en 1718. C ’eft le premier de fes Ouvrages
, & celui qu’il eftimoit le moins. Il
votiloit en donner une nouvelle édition,
fous le titre de Mémoires fur P Ethiopie. Il
envoya fon travail à fon ami l'Abbé le
Mafcrier ; mais ces Mémoires n’ont jamais
vu le jour.
S y jlê m e de C ofm ologie de M A I L L E T .
Toute la matière, tous les terreins dont
le globe de la terre eft compofé, fortent
du fein des eaux. La mer a enveloppé
autrefois tout ce globe, & fon élévation
au-defîiis de la montagne la plus haute a
été de plufieurs coudées : ou, pour parler
plus exa&ement, les montagnes font l’ouvrage
de la mer. En effet, toutes les montagnes
de pierre & celles de fable dur non
pétrifié, font compofées de lits arrangés
les uns fur les autres prefque toujours
horizontalement, plus épais ou plus minces
, d’une couleur & d’une dureté fou-
vent inégale : ce qui ne peut provenir que
d’un arrangement fucceflif des diverfes
matières dont ces amas font formés. Ces
arrangemens ont lieu depuis le fommet
des plus hautes montagnes jufqu’à leur
origine, au plus profond de leurs abymes.
Or l’arrangement de ces matières diverfes
en qualité, en fubftance, en couleur
& en dureté , qu’on remarque dans
les lits de toutes les grandes montagnes,
n’a pu fe faire autrement que dans le fein
de la mer ; car la mer continue encore
dans fon fond le même travail, puifqu’on
le reconnoît en y plongeant, & que dans
l’éloignement de fes rivages , on trouve
le même arrangement par lits de diverfes
matières non encore endurcies en plusieurs
endroits.
Il y a plus : dans les lieux même les
plus éloignés de la mer, les plus hautes
montagnes font parfemées en mille en-
- L È T.
droits de leur extérieur d’un nombre prodigieux
de coquillages : plufieurs rochers
fur le fommet des plus élevées, en font
entièrement compofés. Dans leur intérieur
on trouve une infinité de ces mêmes
coquillages, & de toutes les efpèces de
poiffons de mer. Il y a des bans entiers
d’huitres, & beaucoup de corps étrangers
, tous arrangés dans le fens de leur
largeur. Mais comment tous ces corps
auroient-ils pu entrer dans les montagnes
& y être arrangés comme ils le font,
s’ils n’y avqî^t point été jettés dans le
temps de 1 « ' fabrication de ces montagnes
?
Une obfervation importante qui prouve
bien cette formation des montagnes ,
c’eft que les corps étrangers dont je viens
de parler, tels que les coquillages & les
arêtes des poiffons, font rares au fond
des carrières, & en plus grande quantité à
mefure qu’on approche de leur fuperficie ;
parce que tandis que les eaux de la mer
étoient occupées à former les plus hautes
montagnes, elle ne contenoit guères que
du fable & de la v a fe , ôc très-peu de
coquillages & de poiffons. Mais lorfque
les fommets des montagnes s’élevèrent
au-deffus des eaux, les coquillages & les
poiffons fe multiplièrent, & les herbes
commencèrent à croître ; & ce fut alors
que les coquillages & les poiffons entrèrent
dans la compofition des montagnes.
Voilà pourquoi on y trouve tant d’arètes
de poiffons, tant de poiffons entiers, que
les carrières même de marbre & d’ardoife
en contiennent. En un mot, il n’eft aucune
forte d’animaux vivans fur la terre
ou dans la mer que l’on n’y découvre,
foit entiers, foit par parties.
Concluons donc qu’il y a eu un temps
ou la mer a couvert les plus hautes montagnes
, qu’elle les a couvertes pendant
plufieurs fiècles pour pouvoir les pétrir
& les former’, & qu’elle a diminué enfuite
de tout le volume d’eau qui les envelop-
poit jufqu’à la fuperficie préfente. Ainfi
les terreins apparens de notre globe font
l’ouvrage des eaux de la mer ; ôc puifque
ces eaux ont diminué, il eft évident que
la caufe de cette diminution fubfiftant
MA I L L E T.
toujours, elles diminuent encore. Et fi la
mer diminue, il eft poflible de trouver la
jufte mefure de fa diminution aâuelle.
Car en comparant cette diminution préfente
avec l ’élévation de la montagne la
plus haute, on a la mefure du temps que
la mer a employé à diminuer de toute
cette élévation jufqu’à la fuperficie actuelle
; & on peut favoir par conféquent
le nombre de fiècles qui fe font écoulés
depuis que la terre eft habitable. Et en
comparant encore cette diminution préfente
avec la profondeur aftuelle de la
mer, on aura la mefure d Ih diminution
abfolue;&on faura par là le nombre des
fiècles qgceffaires pour fon épuifement
total, & peut-être aufli le moment de
l ’embrafement du globe entier.
Mais quelle eft la caufe de cette diminution
, & pourquoi ces eadx qui cou-
vroient autrefois tout le globe de la terre,
ont-elles commencé à diminuer? C’eft
que ce globe s’eft approché du Soleil,
qui par fa chaleur enlève les eaux dont
elle a été couverte, & qu’elle contient
encore ; car la diminution des eaux eft
une véritable évaporation qui les élève
vers d’autres globes.
Avant le déluge, la terre étoit dans une
pofition à l’égard du Soleil différente de
celle où elle eft aujourd’hui. Il eft certain
que le cercle qu’elle décrivoit autour de
cet aftre étoit plus petit que celui qu’elle
décrit a&ueliement ; car l’hiftoire nous
apprend que dans ces temps reculés les
hommes ne mouroient qu’à l’âge de neuf
cens ans, fans vivre cependant plus longtemps
qu’aujourd’hui. Or cela n’a pu être
qu’à moins que les années avant le déluge
ne fuffent plus courtes que les années actuelles
; & comme on mefuroit l’année par
le cours de la terre autour du Soleil, ou
celui du Soleil autour de la terre, il eft
évident que le cercle de révolution ou
l’écliptique étoit beaucoup plus petit qu’il
ne l’eft aujourd’hui. Malgré cela, la terre
étoit moins expofée aux rayons du Soleil ,
puifque les eaux ne s’évaporoient point.
Il faut donc que le cercle que le Soleil
décrivoit autour de la terre ( ou la terre
autour du Soleil ) fût celui de l’équateur j
7e
au lieu qu’il décrit aujourd’hui celui de
l’écliptique : ce qui expofe la terre à
une plus grande adion de cet aftre fur
elle.
Quoi qu’il en fo it, il eft certain que
la mer a beaucoup diminué, & que nous
avons des preuves qu’elle a occupé plu-
fieurs endroits, d’où elle eft aujourd’hui
fort éloignée. Marfeille , par exemple v
n’eft plus fituée au même endroit où étoit
placée celle des Romains. Son port n’eft
aujourd’hui ni celui de ce temps-là, ni
même à la fuite de l’ancien. C’eft un ouvrage
de l’art, creufé à coté de celui-là ,
& une reftitution qui a été faite à la mer
d’un lieu qu’elle avoit abandonné. Ce
nouveau port que l’art a formé depuis-
peu d’un marais , fera encore abandonné
pour toujours, & comblé par la retraite
des eaux de la mer.
Fréjus , port autrefois fi célèbre par
l’afile qu’il donnoit aux Romains, n’eft
pas feulement confidérablement éloigné
des bords de la mer ; il eft encore évident
que quand on enleveroit tout le terreire
qui le fépare de la mer, les eaux ne pour-
roient retourner dans ce bàflin à la hauteur
qu’on juge cpi’elle devoit y être dit-
temps des Romains.
De l’endroit appelle le Signal, qui eft
aux environs de la Ville d’Hières, il:y a
aujourd’hui à la mer trois quarts de lieue |
& le progrès de la prolongation de ce-
terrein eft remarquable d’année en année y
non-feulement par la diminution des eaux
de la m er, mais encore par le fable & la*
boue qu’un petit torrent venant des montagnes
y charrieeontinuellement. La plu»-
part des côtes d’Italie & de la Méditerranée*
ont changé de face depuis dix-fept ou dix-
huit cens an$. Enfin Paris même a été dans;
la mer. Dans les montagnes qui font voi-
fines de Montfaucon, on trouve un arrangement
de lits & de matières diverfes* quæ
prouvent qu’elles font l’ouvrage des cou-
rans aidés du flux & du reflux de la mer»,
qui paffoit alors fur tout le terrein oh Paris-
eft fitué, y entrant avec rapidité du feins
de la Seine-, & s’étendant fur là pîainexfe
Saint Germain &c de Saint Denis- Elfe
laiffoit à droite la montagne: de Mon d â t