la formation de la terre. Pour expliquer
avec fuccès les effets de la nature, il
croyoit qu’il falloit remonter à l’origine
des chofes. En vain chercheroit-on des
caufes particulières, fi on négligeoit,
difoit-il, la caufe générale, qui doit être
comme le centre de tout. Il crut donc
devoir étudier particulièrement l’hiftoire
naturelle de la T erre , & de cette, étude
fortit un Ouvrage qui a immortalifé. fon
nom. Ce n’eû pourtant qu’un effai, & le
premier fruit de fes veilles. Il fut conçu,
compofé & imprimé dans trois ans, &
parut d’abord en Anglois en 16.95 , &
enfuite en Latin en 1704, fous ce titre :
Spécimen Geographice Phyjicce , quo agitur
de Terra & corporibus terrefiribus fpeciatim
mineralibus, neenon mari , fiuminibus &
fontibus , ejfecluumque ejus in Terra def-
crïptio. Autore J oh. W^oodwardo.
Il traite dans ce Livre des différens
effets du déluge, des fluides du globe
terreftre, & de l’origine ainfi que de la
formation des métaux 6c des minéraux.
Son objet principal ell d’expliquer comment
les différens corps marins, qu’on
trouve fur la terre jufqu’à la cime des
plus hautes montagnes , y ont été tranf-
portés.
Cet Ouvrage eut le fort de toutes les
bonnes produ&ions. Il fut loué 6c critiqué.
Les critiques fur-tout dominèrent. Il pa-
roiffoit à peine, qu’on s’empreffa à les
répandre. En la même année 1 6 9 5 ,on
publia deux EJfais ; le premier touchant
quelques erreurs fur la création , le déluge, &
la manière dont le Monde ejl peuplé ; 6c le
fécond fur Vorigine, les progrès & la defruc-
tion des Fables. & des Romans ; dans lef-
quels W o o d w a r d , ou plutôt fon Spécimen
, fut fort maltraité.
D ’autres critiques fuivirent de près
celles-ci. M. Robinfon en publia une fin-
gulière, fous ce titre : Nouvelles obferva-
dons fu r le monde matériel & fur le monde
animé, avec des remarques.
Un des points principaux de cette critique
, c’eft que W o o d w a r d avoit pillé
divers Auteurs qui a voient écrit fur le
même fujet, 6c entr’autres S cilla. Cet
Auteur dans un Livre qu’il a compofé
fur les corps 1parins qu'on trouve pétrifiés en
divers lieux, prétend que tous les coquillages
qu’on trouve dans les entrailles de
la terre, font les dépouilles d’animaux
vivans, & il le prouve en les comparant
avec les coquilles des animaux mêmes.
M. Harris répondit à M. Robinfon par
un Ouvrage qu’il fit imprimer à- Londres
en 169.7 , avec ce titre Remarques fur
quelques pièces publiées depuis peu, touchant
le Déluge univerfel, & Chijloire naturelle de
la Terre. II. juiftifia pleinement Wood-
ward du crime de plagiat dont Robinfon
le ehargeoit. Le Livre de Scilla n’eft guère
connu que par un extrait qu’en a donné
M. Wotton dans les Tranfaclions philofo-
phiques ; 6c c’eft dans cet extrait qu’a voit
puifé notre Philofophe , fuivant Robinfon.
Mais peut-on accufer un homme
d ’avoir pillé Scilla, pour avoir vu un
extrait de fon Livre ? C’eft tout à la fois
la queftion 6c la réponfe que fait Harris à Robinfon..
Cette controverfe étoit encore dans
toute fa vigueur , lorfque le D oûeur
Arbuthnot attaqua avec force l’Ouvrage
de Woodward , dans un écrit intitulé :
Examen de la defeription du Déluge, du
Docteur Wo o d jta RD, Oc..avec le parallèle
de la Philofophie de S tenon & celle du
Docteur, touchant les corps marins qu'on
tire de la Terre. Ce nouvel adverfaire lui
reproche que de fept à huit changemens
importans qu’a produit le D éluge, il n’en
explique qu’un feul. Les objets omis dans
l’effai de notre Philofophe font tels, û
l’on en croit Arbuthnot. 1 °. Quelle caufe
a fait monter l’eau de I’abyme fur la fur-
face du globe ? 2°. Qui eft-ce qui a pris
fa place ? 30. Quel agent a diffous les
foffiles en épargnant les animaux & les
végétaux ? 40. Quelle caufe a arrêté la
matière qui fe précipitait vers le fond, de
manière qu’elle n’a point rempli la cavité
du grand abyme ? 5 °. Par quel moyen les
couches ont-elles acquis leur folidité aulîi-
tôt que la matière dont elles font composées
a ét^parvenue au fond ? 6°. Enfin,
qui eft-ce qui a caufé la rupture dès
couches ?
Voilà fans doute des omilîions confidérables.
Mais W o ûdward ne s’étoit
pas propofé de réfoudre ces problèmes,
ou de répondre à ces queftions dans fon
EJfai. II a voulu feulement y rendre rai-
fon de l’ordre oii les couches fe trouvent
rangées fuivant leur gravité fpécifique.
Il en a affez prévenu le Public ; car dans
plufieurs endroits de fon Livre il promet
de lever toutes ces difficultés dans un
Ouvrage oit- il devoit traiter la matière
en grand , &: approfondir toute cette
théorie de la terre, qu’il avoit ébauchée
dans fon Specimen.
C ’eft encore une mauvaife objeâion
que celle que fait le Do&eur Arbuthnot,
à ce que"WooDWARD n’admet que des
caufes phyfiques des changemens qui font
arrivés au globe de la terre. • En effet,
foutenir que ces changemens font au-
deffus des forces de la nature & contraires
à fesloix-, n’eft-ce pas combattre
des raifonnemens avec des miracles? Et
un Philofophe doit-il les faire intervenir
dans fes recherches des caufes des effets
naturels?:
A l’égard du parallèle de la Philofophie
de Stenon avec celle de Woodwar-d ,
L’objet du Dofteur Arbuthnot eft de faire
voir que Scenonefa le premier Auteur de
l’hypothèfe de notre Philofophe.'
Stenon eft un Mathématicien qui a
écrit une differtation intitulée, De folido
intra folidum, dans laquelle il veut que
la caufe des inégalités de la fur-face de
la terre provienne des inôndations-parti-
culières & des tremblemens de terre. Ce
n’eft pas là affurément le principe du
fyftême de notre Philofophe.
D ’autres critiques parurent encore
dans des» écrits périodiques. On attaqua
W oodward fur fa doôrine de la formation
des métaux & l’origine des fontaines.
Selon ce Philofophe, la matière métallique
6c minérale ne croît plus à préfent ;
elle diminue même tous les jours. Et on
répondit à cela que M. de Réaumur a fait
voir que la produ&ion des mines de fer
fe continue tous- les jours , & qu’il à
même indiqué en quoi les mines nouvellement
produites doivent leur formation.
A i’égard des fontaines 6c des rivières y
JF A R D. 77
qui dans la nouvelle do&rine de la théou
rie de la terre , doivent leur origine ait
grand abyme qui contient une quantité
prodigieufe d’eau, 6c qui conjointement
avec l’Océan fournit continuellement de
l’eau à la furface de la terre ; à l’égard 9
dis-je , des fontaines , on ne trouva point
cette caufe admiffible. Premièrement ,on
nia l’exiftence de l’abyme du grand réfer-
voir , 6l on foutint qu’il ne pouvoit donner
de l’eau à toutes les fources. En fécond
lieu » on blâma l’Auteur de nier les
paffages fouterreins, qui communiquent
de la mer à la terre, 6c de la ferre à la
mer ; & il eft certain que ces paffages
fouterreins ex-iftent»
Non content de battre en ruine l'es
fondemens de la théorie de notre Philofophe
, on voulut encore en atténuer
les preuves. Une des principales, c’eft
qu’on voit dans plufieurs Ifles un grand
nombre d’arbres oii il n’en croît pourtant
aucun, & oit il n’en fauroit croître.
Ces arbres* fe trouvent en grande abondance
en plufieurs endroits du nord. O r,
félon W oodward , ces arbres ont été:
tranfportés dà du temps du déluge, lorsque
la terre, les métaux 6c les minéraux
etoient en fufion , & que tous les corps-
de la terre étoient fluides.-Maisonrépond-
à cela, que c’eft remonter bien-haut pour
expliquer un phénomène dont on peut
rendre une meilleure raifon. Il eft très-
ordinaire de voir la mer , en> fortant
de fon lit, entraîner 6c emporter avec
elle des arbres 6c d’autres corps, 6c les>
dépofer dans les lieux ou elle pénètre ^
& qu’elle inonde. On peut donc rencontrer
dans ces Mes des arbres,. toutes
fortes de coquillages m arins, des os*y
des dents depoiffons , 6c les dépouilles
même de plufieurs-animaux qui font fou-
vent emportés fur des glaces, & qui vont
périr dans des pays fort éloignés-du lieias
de leur demeure.
Malgré ces critiques, tous les Savans
s’accordèrent à convenir qu’il y avoit
d’excellentes chofes’ dans la théorie d e
notre Philofophe.. M. Léopold r Médecin
de L ubeck, latrouvoit fc belles qu’il
entreprit le voyage de Suède * unique^