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duire des efforts en apparence furnatu-
rels. Un Allemand d’une moyenne taille
faifoit à Londres au commencement de
ce fiècle des tours de force qui éton-
noient tout le monde.
Il s’affeyoit fur une planche un peu
inclinée en arrière ; appuyait lès pieds
contre un appui immobile, en tendant
bien fes jambes , 8c entouroit fes hanches
d’une forte ceinture qui portoit un
anneau de fer auquel une corde etoit attachée.
Cette corde qu’il tenoit dans fes
mains, paffoit entre les jambes, 8c for-
toit par un trou pratiqué dans l’appui.
En cet état, plufieurs hommes ou deux
chevaux ne pouvoient le tirer de fa
place.
Il fe couchoit enfuite fur le dos dans
une fituation telle que fon corps faifoit
une efpèce d’arc. Alors on mettoit fur
fa poitrine une enclume chargée d’un fer
qu’un homme battoit de toutes fes forces
avec un gros marteau.
Pour troifième tour, il arrêtoit une
corde à l’extrémité d’un poteau , 8c
l’ayant enfuite paffée dans un anneau
de fer fixé au milieu du poteau, il ap-
puyoit fes pieds contre ce poteau pour
s’élever de terre par le moyen de cette
corde. Parvenu à l’anneau, il rompoit
la corde en ouvrant fubitement fes jambes
, ÔC tomboit fur un lit de plume placé
à terre pour le recevoir.
Tous ces tours de force dépendent de
l’avantage méchanique que cet Allemand
gagnoit par la poiition de fon corps ; car
naturellement la plus grande force de
l’homme ne peut produire que des effets
triples ou quadruples des effets ordinaires.
En effet cet homme réfiftoit dans
le premier tour à l’effort des chevaux
qui tiroient la corde pour le faire fortir
de fa place , parce que dans cette a&ion
les mufcles étoient occupés à fe balancer
les uns les autres; c’eft-à-dire que les
mufcles antagoniftes , les extenfeurs 8c
les fièchijfeurs ne faifoient que contenir
les os en leur lieu ; ce qui les faifoit re-
fifter, de même qu’un os entier formé
en arc ; 8c les extrémités étoient foutenues
par les jambes ÔC les cuiffes. Si l’effort
L I É E S .
des hommes ou des chevaux ne caffe
pas 8c ces jambes 8c ces cuiffes, cela
vient de ce que la puiffance ( c’eft-à-dire
les hommes ou les chevaux ) agit ici
contre le centre du mouvement; 8c il
eft démontré qu’une puiffance n’a aucun
effet fur un lévier lorfqu’elle tire félon
cette direâion.
Quoique le fécond tour paroiffe plus
furprenant que le premier, il eft cependant
moins difficile à expliquer. Toute
l ’adreffe confifte à foutenir l’enclume,
8c à la choifir un peu lourde ; car plus
l’enclume a de matière , plus elle a d’inertie
, plus elle perfifte dans fon état de repos.
Aufii quand elle a reçu par le coup
tout le moment du marteau , fa vî-
teffe eft d’autant plus petite en compa-
raifon de celle du marteau, qu’elle a
plus de matière que lui. Si l’enclume étoit
deux ou trois fois plus pefante que le
marteau, l’homme qui la foutient en
reffentiroit les coups, 8c en mourroit.
Pour comprendre le troifième tour,
il fufiit d’obferver que l’Allemand qui
le faifoit, a voit foin de prendre la corde
fort courte avant de grimper au haut du
poteau où il devoit polèr fes pieds contre
l’anneau qui y étoit attaché. Son corps
étoit tellement fitué alors, que fes talons
étoient bas, pendant que les genoux
étoient droits Ôi élevés ; de façon que
la longueur de fes jambes 8c de fes cuiffes
étoit dans cet état plus grande que celle
de la corde 8c de la ceinture. Or en
pliant les genoux, il falloit ou que la
corde s’allongeât, ou qu’elle rompît ; 8c
elle rompoit, comme cela devoit arriver
.C
’eft par ces mêmes principes qu’on
explique d’autres tours auffi merveilleux
que ceux-là. Par exemple, il y
a des hommes qui, par la feule force de
leurs doigts, roulent un grand plat d’étain
très-epais, brifent le fourneau d’une
pipe entre le premier 8c le fécond doigt ,
élèvent avec leurs dents une table longue
de fix pieds, à l’extrémité de laquelle
eft attaché un poids de cinquante livres.
Un obftacle confidérable à vaincre
dans le mouvement d’un corps, eft le
d e s a g u l i e r s .
frottement. L’expérience a appris que
le frottement du lévier eft petit, ae meme
que celui,du tour, & du plan incliné -,
& que celui des poulies eft très-grand.
Pour diminuer le frottement des aiflieux
des voitures contre leurs moyeux , il
faut que ces aillieux foient de fer ou couverts
de fer, & qu’ils roulent dans des
anneaux de cuivre attaches dans les
moyeux des roues. Véritablement cela
eft coûteux ; mais les aiflieux roulent fi
aifément, & durent fi long-temps fans
crainte de brûler les roues, qu’on eft
bien dédommagé de l’excès de la dé-
penfe.
Il y a plufieurs inftrumens appelés
méchaniqucs, ou vulgairement, mais par
erreur, puiffancesméchaniques. Tels font
le bélier des anciens , le marteau ou maillet
, le volan , le pendule circulaire , la
fronde, l’arc ou le reÿprt. Toute leur
théorie dépend de ces trois loix du mouvement.
Première loi. Chaque corps perfévère
dans fon état de repos ou de mouvement
en ligne droite, à moins qu il ne
foit forcé de changer d’état par quelque
puiflance étrangère.
Seconde loi. Le changement de mouvement
eft toujours proportionnel à la
force mouvante, & il fe fait dans la ligne
droite, félon laquelle cette force eft imprimée
■
Troifième loi. À chaque aûion eft
oppofée une réaftion égale. ■
Mais quelque ufage qu’on falTe de ces
loix pour la conftrufrion d’une.machine,
if eft certain que l’effet de la meilleure
machine ne fauroit furpaffer celui de la
plus mauvaife d’un cinquième. Ainfi fi
une puiflance donnée éleve un certain
poids dans un temps donné par le moyen
d’une machine fimple > il n’eft pas pof-
fible d’imaginer une autre machine avec
laquelle la même puiflance élève^ un
poids cinq fois plus grand dans le même
temps, ou le même poids dans un temps
cinq fois plus court.
Ceci a lieu & dans les machines mues
par des poids , des refforts ou des puif-
fances animées, mais auffi dans celles
8 7 qui font mues par la force de l’eau, 8c
qu’on nomme Machines hydrauliques. L’u-
fage de ces Machines eft d’élever de l’eau.
Les plus belles font fans contredit la Machine
du Pont de Londres, la Machine
de Marly en France, 8c la Machine qui
agit par le moyen du feu.
La Machine de Londres eft compofée
de plufieurs roues, qui font mifes en
mouvement par la marée qui remonte
dans la Tamife. Elles font placées fous
les arches du Pont. A la première arche
près de la V ille , il y a une roue avec un
double équipage de feize corps de pompe.
Trois roues occupent la fécondé arche.
La première a un double équipage à un
bout, 8c un équipage fimple à l’autre
bout, qui forment douze corps de pompe.
La fécondé roue a huit corps de pompe ,
8c la troifième feize : ce qui fait cinquante
deux corps de pompe.
De forte qu’une révolution des quatre
roues donne cent quatorze coups de
pifton. Lorfque la rivière eft à fa plus
grande élévation , la roue tourne fix fois
en une minute , 8c quatre fois 8c demie
à la moyenne hauteur. Les fix roues élèvent
de cette manière à la hauteur de
cent vingt pieds, dix - neuf cens cinquante
quatre muids d’eau par heure,
8c par conféquent quarante-ftx mille huit
cens quatre-vingt-leize muids par jour.
La Machine de Marly eft compofée
de quatorze roues, qui fervent toutes
à faire jouer des piftons pour forcer l’eau
à s’élever dans une tour qui eft à la cime
d’une montagne. De là l’eau paffe dans
un aqueduc qui la conduit au réfervoir
où elle doit fe rendre.
Toutes ces roues font mues par le
moyen d’uné éclufe, 8c leurs mouve-
mens produifent deux effets. Le premier
eft de faire jouer des pompes foulantes
8c afpirantes, pour élever l’eau à travers
un tuyau à la hauteur de cent cinquante
pieds, où eft une citerne éloignée de
cent toifes de la rivière. Le fécond effet
eft de mettre en jeu des régulateurs pour
faire agir des pompes foulantes placées
dans des puifards.
Les pompes qui répondent à la prer