L A H I R E .
? 8 avec tant de Gipériorité une Géométrie fi
abftraite «5c lî élevée.
Ce Livre paroilfoit à peine, que notre
Fhilofophe étonna les Aftronomes par
une produ&ion bien précieufe pour eux :
c’étoit des Tables du Soleil de de la Lune,
& des méthodes plus faciles pour calculer
les Eclipfes.Les meilleures Tables qu’on
eût alors étoient celles de Tycho-Rrahe,
perfectionnées par Kepler, de publiées en
1626 fous le nom de Tables Rodolphiennes,
à l’honneur de Rodolphe lî» Elles etoient
calculées fur la véritable théorie du mouvement
des corps celeftes : c etoit beaucoup.
Mais de bonnes Tables dévoient
l’être d’après les obfervations mêmes,
fans le fecours d’aucune hypothèfe.Telles
étoient celles de l a Hire. Ce grand Mathématicien
eut encore la gloire de donner
une méthode pour calculer les Eclip-
fes , bien fupérieure à celles qu’on avoit
alors , <5c qui palTe encore aujourd’hui
pour la meilleure qu’on ait. Cen eft point
une chofe fi aifée qu’on croit que de calculer
exactement une Eclipfe : il faut calculer
avec la plus grande jufteffe le mou-*
vement du Soleil <5c de la Lune, «5c ce calcul
eft long <5c pénible. La prédiftion de
fon commencement précis, de fon milieu
& de fa fin, demande un grand nombre
d’opérations tres-deiicates. J’oferai meme
dire que, quoique tous les Aftronomes
faiTent aujourd’hui ufage de la méthode
de notre Philofophe, cette méthode n’eft
pourtant point fans taches. Le temps apparent
de la plus grande obfcurité n’eft
pas encore déterminé dans toute la rigueur
géométrique. Pour qu’il le fû t, il
faudroit réfoudre les nouveaux triangles
de la figure dont il s’eft fervi, décrire un
nouvel orbite , <5c reprendre tous les calculs:
cela fait voir combien eft difficile
le calcul rigoureux des Eclipfes, puifque
la meilleure méthode peut être encore
perfectionnée.
L a R ire en connoifloit bien la difficulté.
Il chercha même longtemps à en
faciliter la pratique,&il inventa enfin une
machine avec laquelle on trouve mécha-
niquement les Eclipfes de Soleil & de
JUing, les mois $ les apnées (upaifes 6c les
Epades. L ’ufage de cette machine fe réduit
à la folution de ce problème : Une
année lunaire étant propofée, trouver les
jours de l’année folaire qui lui répondent,
dans lefquels doivent arriver les nouvelles
& pleinesLunes & les Eclipfes. Ce problème
peut même être réfolu fans qu’on
touche à la machine : il n’y a qu’à l’aflu-
jettir au mouvement d’une pendule, de
telle forte que la pendule falfe mouvoir
l’alidade qui indique les nouvelles
& pleines Lunes fur trois platines rondes
de cuivre ou de carte qui la compofent.
Car voilà fommairement en quoi confifte
cette machine. On la difpofe pour une année,
<5c on n’y touche qu’au bout d’un an :
ce qui n’exige encore qu’une opération
d’un inftant & prefque imperceptible.
Cette invention étoit expoféeà la fuite
de la fécondé édition de fes Tables du
Soleil «5c de la Lune, laquelle parut en
1 68p. Notre Philofophe n’avoit d’abord
publié que cela, <5c il fentoit combien il
étoit important qu’on eût auffi des Tables
du mouvement des Planètes calculées de
même, je veux dire d’après les obfervations
propres, & non fur aucune hypothè-
fe de quelque courbe décrite par ces corps
céleftes. C ’eft à quoi il travailla avec
beaucoup d’affiduité. Il corrigea enfuite
les premières par un plus grand nombre
d’obfervations, <5c publia le tout en 1702,
fous ce titre : Tabulée Afironomicoe Ludovicï
Magni, jufiu & muriijicentia exauratæ & in
lucem editee , in quibus folis, lunce, reliquo-
rum Planetarum motus ex ipfis obfervationir
bus, nullâ adhibitâ hypothefi traduntur ; ha-
benturque prcecipuarumfixarum in nojîro ho-
rifOnte confpicuarum pofitiones ; in eundi caU
culi methodus, cum geometrica ratione com-
putandarum eclipfium folâ triangulorum rec-%
ti lineorum analyji breviter exponitur. Ad*
jeEla Jiint deferiptio conjirudlio & ufus inf*
trumentorum Afironomioe novee praëlicce inJ§
ferventium, &c. C ’eft-à-dire : Tables AJ-*
tronomiques des mouvemeris du Soleil de
la Lune & des autres Planètes, calculées
diaprés les obfervations propres , fans le fei
cours d’aucune hypothèfe , dans lefquelles on
trouve la pofition des principales Etoiles fixes
quion voit f ir notre horizon, ayeç une mfa
L A H I R E . 79
thode de calculer géométriquement les Eclipfes
de Soleil £r de Lune, & la dejeription des
meilleurs infirumens d’AJlronomie .* calculées
£r publiées par ordre & par la libéralité
de Louis h Grand,
Cet Ouvrage n’occupa pas tellement
LA Hire depuis 1687 julqu’en 170 2 ,
pour qu’il ne fît que cela pendant les dix-
îept années. On lait que les obfervations
font l’ouvrage du temps, <5c qu’on n’eft
pas maître de les faire quand on veut. On
a dans ce travail bien des momens de
refte. Notre Philofophe en connoifloit
trop le prix pour ne pas les mettre à profit.
Il compofa d’abord en 1689 une Ecole
des Arpenteurs. C ’étoit un petit Traité de
Géométrie pratique, qu’un grand Géomètre
devoitee fernble dédaigner de compo-
fer. Mais l’homme de génie fait fe plier à
tout, & le bon Citoyen efiime tout ce
qui eft utile au Public. On juge avec quels
jèntimens de gratitude les Arpenteurs
reçurent ce préfent. La première édition
fut enlevée dès que l’Ouvrage parut. L a
H ire fut fenfible à cet empreftement, &
il en témoigna fa fatisfa&ion en augmentant
confidérablement ce Livre, dont il
donna une fécondé édition en 1692.
Dans le temps qu’il travailloit à cet
Ouvrage, il reçut de M. de Tfchirnaus, célèbre
Géomètre, un écrit qui contenoit
la découverte d’une nouvelle courbe ;
c’étoit la cauftique du quart de cercle.
Cauftique eft le nom d’une courbe formée
par les rayons réfléchis ou réfraétés, en
tombant fur une autre courbe. Cette courbe
étoit une découverte de Tfchirnaus.
Or en donnant la description des caufti-
ques, il en prefcrïvoit une pour le cercle,
que notre Mathématicien trouva faufle.
Ce jugement étonna d’autant plus l’inventeur
de ces courbe.s, qu’il avoit caché
le fond de fa méthode. Pour connoître
l ’erreur, il falloit qu’il l ’eût devinée cette
méthode, <5c Tfchirnaus ne pouvoit fe le
perfuader. L a Hire le laifla dans fon opinion
, dont il ne revint que peu de temps
avant fa mort; «5c en examinant la cauftique
du cercle, il trouva d’abord que le
rayon réfléchi étoit l’a-moitié du rayon incident
y 6c démontra- enfuite que cette
courbe étoit une épicicloïde, c’eft-à-dire
une courbe produite par la révolution
d’un cercle fur un autre, laquelle a plu-
fieurs belles propriétés qui frappèrent ce
grand Mathématicien. Il en forma un
Traité, dans lequel il détermina fes tangentes
, fa rectification , fa quadrature
6c fa développée. Ce n’étoit ici qu’un
eflai, car il publia en 1706 un Mémoire
fur la même matière, dans lequel il réfolut
ces problèmes avec plus d’élégance & de
clarté.
Cet ouvrage eft fur-tout recommandable
par l’application qu’a fait fon Auteur
de l’épicicloïde à la méchanique : c’eft de
former les dents des roues dentées en arc
d’épicicloïde : il y démontre que dans ce
cas ces roues font le plus grand effet pof-
fible. Il réduifit cette théorie en pratique y
dans une machine hydraulique qu’on çonf.
truifit à huit lieues de Paris : elle eut le
plus grand fuccès ; mais il n’en retira pas
tout l’honneur. Un Géomètre Danois,,
nommé Roëmer, pafloit depuis long-temps,-
pour l’Auteur de cette application. Il eft-
vrai que la Hire prétend l’avoir trouvée
, & même communiquée à MM. Au-•
qout, Mariotte <5c Picard, avant que Roëmer
fe fut fait connoître. Ce n’étoit qu’une
communication verbale, qui pouvoit fort-
bien ne point donner atteinte au droit du;
Géomètre de Dannemarck. Peut-être
auffi avoient-ils raifon tous deux. Mais
notre Philofophe content de favoir ce qui
en étoit, 6c plus jaloux d’employer fon
temps à des recherches utiles , que de;
le perdre en des difeuffions polémiques
dont le Public ne devoir retirer aucun fruit,
s’occupa de toute autre chofé.
Il compofa plufieurs Mémoires de Phyfi--
que qu’il publia parmi ceux de l’Académie
des Sciences. C ’étoit un tribut qu’il payoit
à cette Compagnie, comme l’un des principaux
membres. Parmi ces Mémoires , il
yen a deux fur-tout qui méritent attend
tion. L ’un contient une Explication des'
principaux effets de la glace Or du froid. Elle
eft fondée cette explication fur cette
hypothèfe , que le froid eftcaufé par des-'
parties frigorifiques. C ’eft un fyftème qui
n’a pas fait fortune , quoiqu’il feroit peut^-