S<s B E L
M. du Fumet, au mont Sinaï, & de là à
Jérufalem, ôc ils retournèrent enfemble
à Conftantinople. Notre Philofophe ob-
fetva pendant fa route toutes les chofes
dignes de remarque, & fit un Journal de
fes .obfervations.
Il borna là: fes courfes ; ôc les mains
pleines d’une riche moiflon , il fe hâta de
venir en France pour en faire fon profit
ôc celui du public. 11 s’embarqua à Galli-
poli, pafla par Venife Ôc par Rome , Ôc
arriva à Paris en 1550.
Le Cardinal de Tournon, fon protecteur
, lui fit l'accueil le plus flatteur, lui
donna un logement à 1 Abbaye de St. Germain
des Prés ,.dont il étoit Abbé, ôc lui
procura une penûon de deux cents écus
du Roi Henri H , pour le mettre en état
de cultiver les fciences avec plus de fue-
cès.
Pénétré de la plus vive reconnoiflance
envers ce Cardinal, notre Philofophe résolut
de lui en donner un témoignage authentique
en lui fai fan t hommage de fes
obfervationsy mais il ne voulut point ha-
farder cette produéfcion fans avoir pref-
fènti le goût du public fur fes écrits. 11
publia donc, en: 1551 9 une Hijieire naturelle
des étranges poijfons marins > avec
la vraie.peinture du dauphin & d'autres de
fon efpece. C ’étoit un. eiïâi. qui fervit de
fondement à un Traité fur les poiflons,
qu’il fe propofoit de mettre au-jour.
En attendant, le fuceès qu’eut cet ouvrage
, Üenhardit à publier celui qui
devoit fervir de monument à fa reconnoiflance.
Ce fut le Journal.de fon voyage
qu’il publia fous ce titre : Les, Obfervations
de plufieurs fingularités & chofes mémorables
j trouvées en Grèce A fie , Judée,
Egypte 3 Arabie & autrespay s étrangers0
dirigées en trois Livres..
Cet ouvrage eft en effet divifé en trois
Livres. Le-premier contientdes Angularités
du mont Athos ôc de l’isle de Lemnôs, ôc
la defcription de plufieurs chofes remarquables.
dans la Grèce. On trouve dans.le
fécond, la defcription. des ruines de
Troye ., ôc la relation de fon voyage de
Confiaminople au. Caire, au mont.Sir
O N.
naï, &c. ôc il traite dans le troifieme LÎH
vre, de la maniéré de vivre des Turcs.
Tous les Savants conviennent qu’il y ar
peu de Voyageurs qui foient entrés dans
un fi grand détail de ce qui regarde la-
Géographie ancienne ôc moderne> les
moeurs ôc les coutumes des Peuples, ôc.
fur-tout l’Hiftoire naturelle : c’étoit la
fcience à laquelle il s’étoit particuliérement
appliqué, ôc qu’il avoit cultivée
avec tant de fueçès, qu’il fut en état de
mettre au jour plufieurs ouvrages fur cette
fcience peu de temps après la publicar
tion-de les obfervations.
Effectivement, en 15 5 3 il fit imprimer
un Traité des arbres conifères. On appelle
ainfi des arbres qui portent des fruits qut
ont la forme d’un cône, Ôc d’où découle
un fuc réfineux : tels font le pin , le cedre,
l’hoitziloxilr, ôcc. Tout le monde c.on-
noît le pin-. C ’eft un-grand arbre dont les
branches > de. part Ôc d’autre, s’étendene
en forme de candélabre îles branches font
placées autour d’un.' tige qui s’élève perpendiculairement
y chaque étag,é en con-,
tient tro isq u a tr e ou- cinq. Il faut au
moins deux ans au fruit qu’il porte, pour,
qu’il acquière fa maturité : il découle de
cet arbre une réfine feche ôc liquide, du
goudron , du brai gras, &c.
Le cedre eft une force de.pin. Sa grof-
feur eft prodigieufe : fon écorce eft-polie
ôc lifïe : ion bois eft blanc j Ôc fes feuilles
toujours vertes,, fe rapprochant par la
pointe, forment la figure d’un parafoL
Son fruit, femblable à unegrofle pomme
de pin, renferme une efpece de baume
qui exhale une odeur très agréable : il fort
encore de. fon écorce , lorfqu’on lui fait
desincifions, une autre forte de baume en
forme de gomme. Enfin 1 hoitziloxilt a,la
hauteur d’un citronnier, ôc fes. feuilles:
relïembient à celles de l'amandier : de
fon-écorcedécoule un fuc.réfineux, fluide.
ôc inflammable:, &c..
Cet puvrage de Belon fur les arbres
conifères e,ft.intitulé : De Arboribus. coni-
feris , refiniféris-, àliifquefémpiternâ fron-
de virenttbus 3 &c. Il fut fuivi d’un autre
fur les poiflons, lequel parue en lamême
B E L
Htahee fous Ce titre, De Aquatilibus Libri
duo , ôc qui fut traduit en 15 5 5 , fous celui
delà naturel dïverfité des poijfons ,
avec leurs portraits. C ’étoit un fujet déjà
traité par Gefier Ôc par Aldrovande ,* mais
quelque favant que foit un Natutalifte,
il eft: impoflible qu’il décrive tout avec
exactitude , pareequ’il eft obligé de parler
fou vent d’après des Voyageurs qui rendent
mal ce qu’ils ont vu \ ôc puis fur
cette matière, il y a une infinité d’obfer-
vacions à faire , ôc chaque Auteur a toujours
quelque chofe de nouveau à nous
apprendre. Celles de notre Philofophe
avoient principalement les gros poiflons
pour objet, tels que la baleine, le dauphin
, ôcc
La baleine eft le plus grand animal que
nous connoillïons. C ’eft un poiflon extrêmement
lourd, qui a jufqu’à deux cents
pieds de long, mais qui, par le moyen de
laqueue, fend les eaux avec une rapidité
étonnante : il a des barbes qui ont
fix à huit pieds de longueur, ôc même davantage
, ôc fa langue eft un gros morceau
ae graifle dont on peut remplir plufieurs
tonneaux. Ce poiflon a l’ouie extrêmement
fine , & voit de fort loin les
dangers qui le menacent : il ne vit que
id’infeétes ôc de petits poiflons, quoiqu’il
femble qu’une bête aufli monftrueufe dût
fe nourrir d’aliments plusfolides. C e qu’il
y a encore de fingulier , c’eft que fes excréments
n’ont point de mau.vaife odeur,
ôc que leur couleur eft d’un beau rouge
de vermillon, tellement qu’on s’en fert
avec luecès à teindre la toile de cette couleur.
Le dauphin eft une efpece de baleine
qui a cinq à fix pieds de longueur : fa tête
a la forme d’un mufeau. de cochon : fa
fueule eft garnie, par en haut ôc par en
as, de petites dents pointues ; ôc fa
queue taillée en faucille., eft placée horl*
zontalement : il a fur la tête une ouverture
par laquelle il jette de l’eau. Ce poif-
fon a la vue extrêmement perçante il
découvre les poiflons- qui lui fervent de
proie , quelque cachés qu’ils foient. Son
cri teflenible àla.voixd’uneperfonne qui
O N. it
gémit ôc qui fe plaint : il croît pendant!
dix ans ôc en vit trente.
Ce Livre de notre Philofophe fur Itt
nature ôc la diverfité des poiflons contient
une infinité de détails ôc d’obferva-
tions fur toutes fortes de poiflons qu’il
eft impoflible de faire connoître. A 1 e-
gard de la nature de ces animaux, on
peut en donner une idée en difant que
leurs ouies font leurs poumons, ôc par
conféquent les organes de leur refpira-
tion y qu’ils ont befoin d’air pour vivre *
Ôc que ces organes font conftruits de maniéré
à pouvoir extraire l’eau de l’air qui
leur eft néceflaire. Cette extraction fer
fait lorfque le poiflon refpire en avalant
l’eau, ôc qu’il expire en la rejettant pat
les ouies. Le fang ainfi imprégné des particules
d’air, devient artériel : il entre pac
ce moyen dans les veines desouies, & ces
veines prennent la confiftance d’arteres v
diftribuent le fang dans toutes les parties
du corps de l’animal, d’où il eft enfuite
repris par les veines qui le portent au
coeur.
Rien n’eft plus furprenant ôc en même
temps plus admirable que le grand nombre
de pièces qui fervent à la refpiratioiï
du poiflon. On compte dansla carpe quatre
mille trois cenrsquacre-vingt-fix pièces
ofleufçs, foixante-neuf mufcles divifés
en huit branches, qui jettent quatre mille
trois.cents rameaux, ôc chaque rameai*
jette une infinité d’arteres capillaires. 11 y
a dans ce poiflon autant de veines que
d’arteres y, Ôc les unes ôc les autres, outre:
leurs-branches.principales, jettent quatre
mille trois çents vingt rameaux. Quoi*
juge par la de la.fineffe de rorganifation;
des poiflons.!
Ces animaux f'e multiplient fans s’accoupler
(excepté les vivipares qui font ère
très.petit nombre )..Dès que la-femelle*
dépofé fes oeufs dans l’eau, le mâle fe
hâte de lesarrofer de fa laite pour lesfe-
conder, ôc l’eau fert de milieu à k verti*
vivifiante de la liqtieur. féminale pour fe-
communiquer aux oeufs, Ilfemble que les-
poiflons travaillent à la propagation de
leurs efpeces fans intérêt, au lieu que le*