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l’étude la plus profonde & le recueillement
le plus ablolu , fes parents ayant
négligé fes affaires , il fut obligé de partir
pour Stumbter , afin d’y aller mettre
ordre.
11 avoit alprs n ans. Ce ne fut poirt
fans peine qù’il prit congé de les Profef-
feurs. 11 n'y eut quel efpérance de les re
voir bientôt qui put tempérer la douleur
de cette réparation.
11 ne retourna pourtant pas au college.
Il étoit à peine arrivé en Pologne, que la
pefte vint infeéter ce royaume. Jonston,
pour fe préferver de la contagion , abandonna
fes affaires, & fe retira dans une
forêt où il demeura pendant quelques fe-
maines. Cet abandon lui fut préjudiciable.
11 trouva en arrivant fon bien en fi
mauvais état, que le Comte de Kurt^bach
lui offrit une retraite chez lu i, en attendant
qu’il pût réparer les dommages qu’il
avoit foufferts.
Notre Philofophe l’accepta, 8c fe chargea
en même temps de veiller à l’éducation
des deux fils du Comte. Ils allèrent
enfemble à Lefinow, où il demeura juf-
qu’en 1628.
Pendant ce temps-là, ayant recouvré
fes fonds, il fe hâta d’en tirer parti en
allant vifiter les Académies d’Allemagne.
Il fit quelque féiour dans celles de Francfort.
de Leipfick,& de Berlin, 8c fe rendit
l’année fui vante, c’eft à-dire en \ 6 i 9,
à Francfort, où il étudia en Médecine.
Son defiein étoit de fe faire un état de
l’exercice de cette fcience 3 ce quiprou-
veroitdeuxchofes : la première, que fon
bien n’étoit pas afiez confidérabie pour
fournir à fon entretien 3 8c la fécondé ,
que de toutes les connoifiances qu’il
avoit acquifes , l’art de guérir étoit celle
qu’il affeétionnoit le plus.
Ayant appris que M M. Heurnius 8c
Falkenburg profefioient l’Anatomie à
Leyde avec beaucoup d’éclat, & c\x\A-
dolp Vorjlius y donnoit des leçons de
Botanique avec le même fuccès, il partit
en 1630 pour cette grande ville, afin
d’apprendre ces deux fciences fous ces
habiles Maîtres. Il demeura à Leyde tout
le temps néceifaire pour achever fes
T O N :
cours j 8c toujours plus avide de connoif-
fances, il repafla en Angleterre pour eiï
acquérir de nouvelles. Etant enfin retourné
dans fa patrie, deux jeunes Seigneurs
lui propoferent d aller voyager
avec eux en Angleterre , en Hollapde, en
France & en Italie. Jonston n’a voit vu
ni la France ni 1 Italie, 8c il ne doutoit
point qu’il n’y eût dans ces pays de très
habiies gens qu’il étoit bon de connoître.
Quoiqu’en arrivant chez lui fon deffein
fût de s’y fixer, il accepta néanmoins avec
joie la proposition de ces Seigneurs.
11 partit donc avec eux pour Leyde , ou
il fe fit recevoir Doéteur en Médecine.
De là il pafià en Angleterre, en France &
en Italie, vifirant par-tout les Savants 8c
les Académies. Ce voyage dura quatre
ans & demi. Ce fut fans doute pour éviter
la tentation de faire de nouvelles cour-
fe$,que notre Philofophe, en arrivant dans
fon pays, époufa en 1637 une Demoi-
felle nommée Rofine Hortenfe , qui mourut
peu de temps après fon mariage. Il fe
remaria en 1638 avec Rojtne Vechner,
dont il eut plufieurs enfants.
Débarralïé par fon époufe des foins de
fon entretien 8c de celui de fes enfants »
il fe livra fans réferve à l’éfude 8c à
l’exercice de la Médecine Son cabinet 8c
fes malades partageoient fon temps. La
réputation que fon mérite lui acquit, le
fit defirer dans les pays où l’on connoif-
foit le prix du favoir. En 1642 , l’Electeur
de Brandebourg lui offrit une Chaire
de Médecine à Francfort, 8c peu de temps
après, les Curateurs de l Ûniverfité de
Leyde lui firent la même offre 3 mais l’amour
du repos 8c de la retraite le retinrent
dans Ion cabinet. Comme fon but
étoit de fe rendre utile aux hommes pas
fes travaux , il crut mieux remplir ce
but en publiant fes productions, qu’en
donnant des leçons de Médecine : il avoit
un fonds confidérabie de connoifTances
fur IHiftoire naturelle 3. & l’étude qu’il
avoit d’abord faite de la Botanique, l avoit
conduit infenfiblement à celle des animaux.
De grandes recherches fur les poif*
fons, les infeétes 8c les quadrupèdes ,
dont il avoit fait delliner les figures i
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compofoient un corps d’Hiftoire naturelle
afiez complet, qu’il ne pouvoit fe
difpenfer de donner au public : c’étoic
aufiî fon intention 3 mais la guerre qui s’alluma
dans la Pologne, vint interrompre
fon travail : il fe retira dans le Duché de
Lignits , en Bafie Siléfie , 8c y acheta la
Terre de Ziebendorf où il fe fixa pour le
refte de fes jours. Ce fut dans cette retraite
qu’il mit fes manuferits en ordre 8c
en état de voir le jour.
Le premier qu’il fit imprimer, parut
en 1G49 fous ce titre : Hijloria naturalis
de Pifcibus & Cetis _, Lib. V . curti aneis
figuùs. Francofurtï ad M&num. Cet ouvrage
eft divifé en deux Livres : il décrit
les poifions de mer dans le premier, 8c
dans le fécond les poifions de mer 8c de
rivière. L’Auteur divife les poifions de
mer en poifions à écailles 8c en poifions
cartilagineux 3 & fous cette divifion, il
décrit toutes les efpeces de thons, de
raies , de foies, de ferpents marins, d’aiguilles
, 8cc. O n trouve dans cette clafie
la defeription de deux poifions qui méritent
une attention particulière : c’eft le
rémora 8c la torpille.
Le rémora eft fort connu par la propriété
qu’on lui attribue d’arrêter les vaif-
feaux : il eft long d’un pied 8c dem i, 8c
fon épaifieur eft d’environ quatre doigts :
le defious de fa tête eft fort gluant 8c
raboteux comme une lime 3 c’eft parla
qu’il s’attache aux vaifleaux 8c aux
gros poifions quand il fe voit pourfuivi.
C e poiflon n’arrête pas feul un vaifieau
comme on l’a écrit 3 mais il eft certain que
quand plufieurs rémoras s’attachent au
gouvernail & à la quille d’un vaifieau, ils
en retardent beaucoup la courfe 3 8c cela
n’a rien de merveilleux. Une quille qui
eft couverte de corps raboteux, ne doit
pas glifier facilement fur l’eau , 8c par-là
la courfe du vaifieau doit être ralentie.
La torpille eft un poifion cartilagineux
de deux pieds de long, 8c qu ia à-peu-
près la figure d’une raie. Lorfqu’on le
touche avec les doigts, on reflent afiez
fouvent un engourdifiement douloureux
dans la main 8c dans le bras, jufqu’au
coude . 8c quelquefois jufqu à l’épaule.
Cette douleur eft afiez femblable à celle
qu’on éprouve quand on s’eft frappé rudement
le coude contre quelque chofe de
dur : elle fe fait fentir foiblement fi on la
touche avec un bâton : fi on la touche par
l’interpofition de quelque corps peu épais,
l’engourdifiement eft afiez confidérabie j
8c S on la prefie en appuyant avec force ,
l’engourdifiement eft moindre, mais toujours
afiez confidérabie pour obliger à
lâcher prife.
Jonston ne rend pas raifon de la caufe
de cet effet, 8c je.ne fais pas fi on la con-
noît. M. de Réaumur prétend qu’elle dépend
de la grande élafticité du dos de
l’animal : quand on le touche, d it-il,
cette partie de l’animal s’applatit infenfiblement
Jufqu’à devenir concave 3 8c
comme elle reprend fa convexité avec une
extrême vîtefle , elle donne a celui qui
le touche un coup violent 8c très brufque.
Cette raifon ne paroît pas fuffifante pout
répondre à tous les phénomènes. 11 y a plus,
c’eft qu’on trouve une torpille en Amérique
qui a la forme d’une anguille, 8c
qui engourdit le bras lorfqu’on la touche
même avec un bâton, 8c cet engourdifle-
ment eft Ci violent qu’il donne quelquefois
des vertiges (1). Comment un fim-
ple coup , quelque brufque qu’il puifle
e tre p e u t-ii produire un effet fi violent ?
Ne feroit-ce pas plutôt la commotion de
la vertu éleétrique dont ce poifion eft
doué, 8c qui fe développe lorfqu’on le
touche, comme celle de l’expérience de
Leyde (1) ? Ceft ce que je laifie à examir
ner au Leéteur.
Dans le fécond Livre de cet ouvrage ;
où Jonston traite des poifions qui vivent
dans la mer 8c dans les rivières , il décrit
le faumon, le m ulet, l’efturgeon , la
tru ite, le rond, l’alofe, lebarbot,& c. Il
y a dans ce Livre la defeription de quelques
poifions rares 8c finguliers , tels
que le tiburin, le veau marin, le phocas,
(1) Voyez les Mémoires de l'Académie des Sciences de (i) Voyez le Dictionnaire univerjel de Mathématique & 1^77• ■ ' de gbyfique, arc. Coup foudroyant.
Dij