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avoit publiés. En effet ils étoient calcules
fur des obfervations très - défe&ueufes.
Comme on n’avoit que des clepfidres pour
mefurer le temps ; que ces fortes d’horloges
étoient abfolument imparfaites, les
prédécefleurs de T Y c H o-B R A H É ne
pouvoient connoître le lieu dune étoile,
puifqu’on ne peut le déterminer fans me-
iurer le temps qui s’eft écoulé depuis le
palfage d’un aftre ( dont le lieu eft connu )
par le méridien, 3c celui de l’étoile dont
on veut fixer la pofition. Il eft vrai qu’au-
défaut des clepfidres, ils fe fervoient d’un
moyen altronomique : c’étoit d’avoir cette
pofition en la rapportant à celle de la
Lune, dont ils croyoient avoir déterminé
le lieu à l’égard du Soleil. Perfuadés que
la théorie de cet aftre 3c celle de la Lune
étoient fufïifamment démontrées , ils ju-
geoient cette méthode affez bonne. T y-
CHO-Brahé la trouva au contraire fort
mauvaife. 11 remarqua que l’irrégularité
du mouvement de la Lune, fur-tout dans
les quadratures, étoit trop confiderable
pour ne pas induire en erreur. I l favoit
déjà que les inftrumens dont on s’étoit
fervi jufques-là pourobferver les aftres,
avoient de grands défauts , 3c tout cela
le confirmoit toujours plus dans la ne-
ceffité de former un nouveau catalogue
des étoiles.
I l s’étoit pourvu de bons inftrumens
qu’il avoit imaginés 3c fait conftruire fous
fes yeux, il ne s’agifloit plus que de
fuppléer au calcul aftronomique. A cette
fin, il imagina de fe régler fur Vénus,
pour déterminer la pofition des étoiles.
Cette Planète ayant un mouvement beaucoup
plus lent que celui de la Lune,
fa théorie devoit être bien moins imparfaite
que celle de cette Planete fubal-
terne. Auffi notre Philofophe fe fixa à
Vénus. Il obferva pendant huit jours la
pofition de cette Planète à l’egard du
Soleil, avec un fextantd’unë conftruéiion
particu'ière , 3c il réitéra cette obfer-
vation la nuit relativement à l’étoile,
dont il vouloît avoir le lien. Et c’eft ainfi
qu’il détermina le lieu de 7 7 7 étoiles ,
dont il forma un catalogue.
On ne lait pas fi. tout ce travail fe fît
B R A H E.
à Copenhague ; car T ycho - B râhé
ne refta dans cette Ville que le temps
nécefîaire pour enfeigner la théorie des
Planètes : ce qui ne dura qu’une année*
Il cherchoit depuis long-temps un endroit
où il pût faire un obfervatoire. Lorf-
qu’il fut libre , il fe mit en chemin pour
cela, 6c parcourut toute l’Allemagne. IL
partit dans le mois de Mars de l’année
i S 7 S > & a Copenhague fa femme
& une fille qu’il en avoit. Il alla d’abord
à Caftel, où il vit le Prince Guillaume:
qui en étoit le Landgrave. Ce Prince
aimoit l’Aftronomie qu’il cultivoit avec
fuccès. Auffi accueillit-il notre Aftrono-
me de la manière la plus gracieufe; I l
le retint pendant dix jours chez lu i, 3c
le vit partir avec regret. T ycho-Brahé
fut enfuite à Francfort, 3c fe renditde-là
à Bâle. Il crut trouver dans cette dernière
Ville un endroit commode pour y
établir fa demeure. I l réfolut de s’y fixer
& d’aller chercher fa famille quand il
auroit fini fes voyages. Après avoir parcouru
la Suifîe , il alla en Italie; fit quelque
féjour à Venife, & retourna en A llemagne.
C’étoit au mois d’Oétobre ,
temps où l’on preparoit a Ratifbonne la
cérémonie du couronnement du Roi des
Romains , Rodolphe IL Cette cérémonie
piqua fa curiofité. Il alla à Ratifbonne
pour la voir, 3c en partit auffi-tot, afin de
fe rendre chez lui avant l’hiver. Il dif-
pofa, prefqu’en arrivant, toutes chofes,
afin de fe rendre à Bâle au printemps
prochain avec toute fa famille. Le Roi
(Frédéric 11) fut eettê réfoiution, 3c eu
fut allarmé. 11 craignit de perdre un fujet
qui faifok tant d’honneur à for. Royaume >
3c fit toutes les démarches néceffaires pour
l’empêcher de partir. Comme T ycho-
B R a H É n’alloit à Bâle que parce qu’il
croyoit avoir dans cette Ville un enduit
propre à un obfervatoire, le Roi lui offrit
l’ifie d’Huene , qui eft dans le détroit du
Sond ; s’engagea à y faire bâtir un obfervatoire
, 3c même un laboratoire de
Chymie ; à les fournir de tous les inftrumens'
3c uftenfiles qu’il pourroit defirer ,
& à lui faire un don 3c de l’ifle , 3c de
tout ce qu’elle coutiendroit.vOn ne pou-
T Y C H O -
voit rien pîopofer de plus agréable à
notre Philofophe : auffi accepta-t-il ces
propofitions avec autant de joie que de
reconnoiflance. On mit fur le champ la
main à l’oeuvre, 3c on pofa la première
pierre de l’obfervatoire le 8 Août 15*76.
On grava fur cette pierre cette infcription,
qu’on ne fauroit trop divulguer, 3c pour
l’honneur des fciences, 3c pour celui de
Frédéric I I , Roi de Dannemark, 3c pour
la gloire de notre Philofophe : Régnante
in Daniâ Frederico I L Carolus Danqoeus
Aquitanus R. G. I. D. L. (a) Domui huic
Phdofophiæ, in primifque ajîrorum contem-
platione, Regis deçreto à nohili viro T y -
c h o n e - B r a h e de Knudjlrup ex-
truElce, votivum hune lapidem memorïce
felicis aufpici ergo , P . anno C 1 0. I O.
L X X V I . VI. id. Augufii. Ce bâtiment
coûta des fommes immenfès. I l étoit digne
dè la magnificence du Souverain qui le
faifoit conftruire, 3c du Philofophe à qui
il étoit deftiné. Il avoit foixante pieds
dans la largeur 3c dans la longueur : ce
qui lui donnoit une forme quarrée. I l
étoit flanqué au midi 3c au nord de deux
tours de trente-deux pieds de diamètre,
deftinées aux obfervations. On y entroit
par deux grandes portes, qui décoroient
fort bien les deux façades. La diftribu-
tioa intérieure du bâtiment, entre les
deux tours, étoit très-belle : c’eft là que
devoit loger T ycho-Brahé. Il y avoit
des appartenons pour toute fa famille, 3c
pour les étrangers qui viendr.oient le voir; 3c les ornemens, ainfi que l’ameublement
de ces appartenons, répondoient à la
beauté de l’édifice. Au milieu du bâtiment
on avoit creufé un puits qui diftri-
buait de l’eau dans plufieurs chambres.
Notre Philofophe fentoit bien le prix de
to utes ces chofes ; mais ce qui le touchoit
le plus, eft que les inftrumens dont les
tours étoient fournies, étoient bienfaits 3c
en grand nombre. Rien ne manquoit auffi
à fo.n laboratoire de chymie. Il étoit au
comble de fa joie. Quoique le Roi n’eût
;(<*) L ’Auteur de la vie de T v c h,o - B r a h É , GaÇ-
findi, croit que ces cinq lettres lignifient Régit Gai-
lonnn in Danm legtuus.
BR AH Ê:. rp
rien oublié de ce qu’ôri pouVoît defirer,
il y dépenfa encore, pendant vingt- un ans
qu’it y demeura, plus de cent mille écus.
Au milieu de l’année 1 7 7 6 , T ycho-
B rahÉ prit poffeffion de Ton obfervatoire
, auquel il donna le nom d’Uranibourg ,
(maifon d’Uranie). Il y amena douze jeunes
gens pour étudier fous lui les Mathématiques
3c l’Aftronomie , 3c pour l ’aider
dans fes obfervations, 3c il fournit à
leur entretien. Prefqu’en arrivant il commença
fes obfervations. Il eut bientôt
une occafion de profiter de tous les avantages
de fa fituation. En 1^77 3 parut une
Comète fort brillante. T Y c H o-B R A-
HÉ , qui fouhaitoit depuis long-temps
de connoître la nature de ces corps cé-
leftes, la fuivit avec foin pendant tout
fon co.urs, 3c chercha à connoître fi elle
avoit une parallaxe (b"), par une méthode
extrêmement ingénieufe, 3c qu’il imagina
à cet effet. Il reconnut qu’elle n’en avoit
aucune fenfîble. Il conclut de-là que les-
Comètes font fort au-deffus de la Lune,
3c par conféquent que les Cîeux,
que les Scholaftiquesfoutenoient, d’après
Arijlote, être folides, étoient préméables
dans tous les fens, 3c ne pouvoient être
remplis que d’une matière très-fubtile. I l
n’avoit pu favoir quelle forte de ligne la
Comète qu’il avoir obfervée décrivoit
dans fa révolution ; mais il conjeétura que
ce devoit être une ligne circulaire d’une
certaine dimenfion , qui paiïbit entre la
Terre 3c Venus.; 3c il trouva que dans
cette hypothèfe, la Comète devoit avoir
eu dans la partie inférieure de cette ligne
circulaire, le mouvement qu’il avoit ob-,
fervé. Il établit cette théorie dans un Ouvrage
qu’ilpubliaen 15*87, fous ce titre :
De mundi enherei refeentioribus phoenomems
progymnafvnatum, liber fecundus. Il devoit
paroître fingulier de voir le livre fécond
d’un traité, dont le premier livre n’avoit
point paru : mais en agiflant ainfi, l’A uteur
vouloit le faire regarder comme antérieur
à un autre, que des circonflances
(&) On appelle ainfi la différence qu’ il y a entre
le lieu apparent d’un aftre, & fon lieu véritable*
Ci)