1 1 2 m u s c h e n b r o e k .
en entrant dans l’air , qui eft plus froid
que la terre d’où elles fortent, fe con-
denfent 6c deviennent alors vifibles;&:
c’eft en cela que confifte la rolée qui
s’élève.
La fécondé rofée n’eft autre chofe que
la première , qui retombe le foir fur la
terre , parce que les vapeurs 6c exha-
laifons qui s’élèvent dans l’air après avoir
été échauffées pendant le jour, fe refroidirent
6c fe condenfent lorfque le foleil
fe couche, 6c acquièrent ainfi une pe-
fanteur fuffifante pour tomber. C’eft ce
qu’on nomme ferein.
A l’égard de la troifième rofée, elle
n’eft point formée par une liqueur qui
tombe de l’air fur les plantes 6c fur
les herbes en fi grande quantité, qu’on
ne fauroit traverler une prairie fans fe
mouiller extrêmement les pieds, n’eft
point une eau qui tombe du ciel, une
rofée proprement dite ; c’eft la fueur
des plantes, 6c par conféquent une humeur
qui leur appartient, &quilbrtde
leurs vaiffeaux excrétoires. Voilà pourquoi
les gouttes de cette rofée diffèrent
entr’elles en grandeur 6c en quantité,
&C occupent différentes places, fuivant la
ftru&ure, le diamètre, la quantité 6c la
fttuation de ces vaiffeaux excrétoires.
Tantôt elles font raffemblées proche de
la tige oh commence la feuille, comme
dans les choux & le s pavots ; tantôt fur le
contour des feuilles 6c fur toutes les emi-
nences, comme dans le creiTon d’Inde ; 6c enfin fur le fommet de la feuille,
comme dans l’herbe de pré ; de façon
qu’il n’y a point deux plantes de différente
efpèce oit la rofée foit difpofée de
la même manière.
C ’eft la chaleur du foleil qui attire au
dehors rhumeur des plantes. Cela paroit
difficile à croire ; mais M u s c h e n b r o e k
prouve cette opinion par tant d’obfer-
vationsôi d’expériences, qu’on eft obligé
de l’adopter. En effet, la rofée de certaines
plantes eft quelquefois mieleufe ,
ce qui fait dire aux Payfans qu’il pleut
du miel. Souvent elle eft oléagineufe,
c’eft-à-dire qu’il fort des plantes du miel 6c de l’huile , devenus volatils par la
grande chaleur du foleil, &c.
Il publia cette Differtation fous le
titre De Rore. C’étoit une brochure qui
n’avoit d’autre folidité que celle de fon
propre mérite. Ce n’étoit point affez
pour lui donner de la confiftance ; 6c
comme il avoit plufieurs Mémoires fur
la Phyfique de même volume, il réfolut
de les aflèmbleren corps d’ouvrage pour
en former un véritable Livre. Il réfulta
de cet affemblage un Traité de Phyfique
fort favant. 11 ne le donna cependant point
pour tel. Comme fon deffein étoit de
ne travailler que pour fes Ecoliers, il
ne le regardoit que comme une Jimple
ébauche de Phyjique, oii il fe contentoit
tfexpofer les fondement & les premiers principes
de cette fcience. On ne peut tenir un
langage plus modefte, à moins d’ajouter,
comme il a fait, que quand on comprendra
bien ces matières , on pourra lire dlautres
Ouvrages ou elles font traitées plus à fond.
Ainfi parle notre Philofophe dans la
préface de fon Livre, qui parut en Hol-
landois en 1736 avec ce titre : De Re-
ginfelen der Natuurkunde, volume z/2-40.
qui fut réimprimé en deux volumes en
1739, & traduit en François en cette
même année par M. Majfuet, fous ce
titre : Ejfai de Phyfique (by
Quoique ce titre modefte n’annonce
qu’un Effai, cet Ouvrage n’en eft pas
moins un favant Cours de Phyfique,
dans lequel tous les objets de cette fcience
font traités avec autant de profondeur
(b) A la tête de cette Traduction eft le Portrait de
l ’Auteur très-bien gravé j & au bas de ce Portrait
on l it ces vers :
Quifjuis fcire cupis quo Mufchenbroekius art
Fioiuerit, végéta corpore talis trar.
Quem natura fuis adytis admifit & altro
C u i Dea fecretos pandit arnica finus.
Gallia quem célébrât , Britones cum laude falutant
Hune Batavus civem garnie t habere fuum.
H c n r . S n a k e n b u r q .
q u e
MU S CH E que de clarté (c). C’eft le jugement qu’en
portèrent tous les Phyficiens.
On n’apprit point à Leyde fans émotion
tous cesfuccès de M u s c h e n b r o e k ; 6c les Habitans de cette Ville , qui fe
glorifîoient d’être fes compatriotes , dé-
firoient auffi d’être fes difciples. Dans le
deffein de l’engager à revenir dans fa
Patrie , ils le foliieitèrent de la manière
la plus forte 6c la plus féduifante pour
qu’il y acceptât une Chaire de Philo-
fophie 6c de Mathématique. L’Académie
de Leyde l’invita à fe rendre aux voeux
de fes compatriotes : 6c l’amour de la
Patrie fe joignant à cette invitation obligeante
, il céda à leurs inftances. CeTen-
timentfi louable l’excufa à Utrecht, 6c
on le laiffa partir avec lé regret que fait
naître la perte d’un homme qui étoit regardé
comme la lumière de la Ville.
Arrivé à Leyde, il prit poffeffion de
fa Chaire, (ce fut le 20 Janvier 1740) 6c il prononça à ce fujet un beau Dif-
cours latin fur l’ignorance de l’efprit de
l’homme de lui-même. Ce Difcours ëft
intitulé De mente humanafemet ignorante.
Il y avoit long-temps qu’il s’étoit ap-
perçu que dans les thèfes qu’on foutient
en Philofophie, on ne mettoit point affez
d’ordre dans la difpute, 6c qu’il en ré-
fultoit de-là peu de clarté dans les argu-
mens. C’étoit en 1721 à un exercice académique
furie vuide ( De fpatio vacuo')
qu’il en avoit fait la première remarque.
Il étoit alors Profeffeur de Philofophie
à Duisborg , 6c il préfidoit à la
thèfe. Depuis ce temps il eut plufieurs
fois occafion de reconnoître ce défaut ;
N B R O E K. 6c comme il le croyoit très-préjudiciable
aux avantages que procure la difpute ,
il compofa un art d’argumenter, qu’il fît
imprimer en 1741 in-8°. fous ce titre:
Ars argumentandi.
Cet Ouvrage eut le fuccès qu’il devoit
avoir. Les Curateurs de l’Uni verfité, qui
voyoient avec joie que notre Philofophe
prenoit beaucoup d’intérêt à l’inf-
tru&ion des Habitans & à la gloire de
l’Univerfité, l’en nommèrent Recteur
Magnifique ; 6c lorfqu’il quitta cette dignité
le 8 Février 1744, il prononça uti
Difcours latin fur la fageffe divine , De
fapientiâ divinâ, dans lequel il parla avec
une nobleffe 6c une circonfpe&ion dignes
du fujet.
C’étoit ici un Ouvrage tout métaphy-
fique , qui auroit dû diftraire M u s c h e n b
r o e k de l’étude de la Phyfique ; mais fon
génie étoit fi fertile en reffources, qu’il paf-
loit d’une fcience à l’autre fans rien perdre
des connoiffances qu’il y avoit acquifes.
Auffi reprit-il avec la même facilité l’étude
de la Phyfique, après avoir com-
pofé fon Difcours. Il fit des expériences
fur l’éle&ricité, 6c ces expériences lui
valurent une découverte fingulière fur
cette matière.
On fait que l’éle&ricité eft cette propriété
que certains corps ont d’attirer 6c de repouffer alternativement d’autres
corps qifon leur oppofe. Le verre eft
fur-tout doué de cette propriété. En le
frottant, on l’excite d’une manière très-
forte. On frotte à cette fin un tuyau de
verre avec la main ou avec du papier, 6c ce verre devient fi éle&rique, qu’il
(e) V o ici les titres des chapitres qui compofcnt cet
Effai de Phyfique. ' x
Tome I , chap. i . D e la Philofophie & des réglés du
laifonnement. 2. Du corps en général & de fes propriétés.
3. Du vuide. 4. Du l ie u , du temps & des
mouvemens. j,.D e s puiflances q u i compriment, o u
des prenions. 6. De la force des corps ou i font en
mouvement. 7* De la pefanteur. 8. De la méchani-
que. 9. Des frottemens des machines. 10. Du mouvement
compofé. r i . De la defeente des corps fur
le plan incliné. 12- D u mouvement de vibration ou
d ’ofcillation. 13. Du mouvement d epro jeô io n . 14 .
Des forces centrales. 1 j . De la durete', de la m olleffe
& de la flexibilité. 16. De lapereuflion. 17 . De l’ é-
le& r ic ité . 18. De la vertu attraftive des Corps. 19. De
la cohéfion. 20. Des fluides en général. 2 1 . De l’action
des fluide s , qui vient de leur pefanteur. 22. D es
liqueurs q u i coulent par le trou d’ un vafe. 23. Des
jets d’eau. 24. Des corps plongés dans les liquides ,
& de leur pefanteur fpccifique. 25. De l’eau. 26. Du
feu.
T ome I I , chap. 27. Des propriétés communes de
la lumière- 28. De la réfraltion de la lumière. 29. Des
rayons q u i tombent fur les furfaces planes & fphç-
riques. 301 De la lumière qui paffe de l’ air dans le
verre , & enfuite du verre dans l’ air. 31. De la différente
réfrangibilité des rayons. 32. Defcription de
l ’oe il. 33. De la vifion. 34. De la dioptrique. 35. De
la catoptrique. 36. De l’ air. 37- Du fon. 38. Des
météores de l’ air en général. 39. Des météores
aqueux. 4 0 . Des m étéores ignés. 41. Des vents.
P