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VA R I G N O N *.
LE S travaux de la Hire fur la Mé-
chanlque enrichirent beaucoup cette
fciencê ; mais il refloit a la foumettre a
quelque principe général qui fervit de
bafe à fa théorie. C ’eft ce que découvrit
heureufement le Succelfeur de cet homme
célèbre. Il trouva que lès mouve-
mens eompofés eXpliquoient avec une
grande facilité l’emploi dès force? dans
les machines, ôc qu’ils donnoient exactement
les rapports de ces forces » félon
quelque direction qu’on tes y fupposât
placées : avantage qui manquoit aux méthodes
qu’O'n avoit fuivies avant lui. Il
créa ainli une nouvelle Ccience, qui jointe
à fes découvertes dans l'analyfe , lui
ont acquis la réputation d’un des plus
grands Mathématiciens de l’Europe.
I l s’appcloit Pierre Vw R r i; .v o .v , &
naquit à Caen en 165-4. Son père peu favorite
des biens de la fortune étoit un
Architecte , Entrepreneur de bâtimeh®.
I l le deftinâ à l’état Eccléfiaffique, &
dans cette vue il l’envoya au College de
bonne heure. Rien n’ahrïOnça dans fes études
ce qu’il devoit être un. four. On ne
le diftinguoit guères des autres écoliers.
■ Tout ce qu’on lui enfeignoit le touchoit
foiblement. Mais il fut autrement fenfî-
ble à une opération qu’ il vit faire à fon
père : c’étoit un cadran ("claire. Il voulut
favoir comment cela fe faifoit ; & comme
M. Varignon traçait un cadran comme
un fimple Maçon (ans principes &
fans règles, il ne pût en apprendre que la
pratique. Cela ne le fatisfit point. Il foup-
çonna que cette pratique dépendoit de
quelque théorie, & c’étoit cette théorie
iju’il auroit Voulu connoître.
Pendant qu’il fe tourmentoit en vain
pour deviner quelque principe, il eut oceafion
d’entrer dans la boutique d’un
Libraire pour chercher quelque Livre. Il
mit par hafard la main fur les Elemens
d’Euclide, & en lut les premières pages.
Il fut faifi de l’ordre & de l’enchaînement
des propofitions, & fit l’acquifition de ce
Livre , afin de l’étudier a. fond. 11 eloit
alors en Philofophie oh il faifoit peu de
progrès. Le langage fcholaftique , &
l’obfcurité fophiftique des méthodes de
raifonnement, le fatiguoient beaucoup. Il
ne trouvoit point cette confufion 6c cet
embarras dans Euclide. Comme fon ef-
prit aimoit l’ordre & la clarté, il goûta
avec d’autant plus de fatisfaélion la liai—
fon & la certitude des vérités géométriques
, qu’il goûtoit peu la confufion &
lSobfcurité des principes de l’école.
Des Élémens d’Euclide, V a r i g n o n
pafla aux Ouvrages de Defcartes. Il fut
frappé de la lumière que ces Ouvrages
ont répandu fur toutes les Sciences. Dès
ce moment fon goût pour l’étude des Mathématiques
dégénéra en une paffion tres-
vive : il fe priva prefque de tout pour
pouvoir fe procurer des Livres de Mathématiques.
Ce n’étoit pas ce qui lui
coûtoit le plus ; mais ce qui le gênoit
beaucoup, c’étoitla contrainte où il étoit
de fe cacher de fes parens, qui défap-
prouvant l’application qu’il donnoit à l’étude
des Mathématiques, le traverfoient
de tout leur pouvoir. Pour les calmer,
ou les raffurer fur la crainte qu’ils avoient
qu’il négligeât fon cours de Philofophie,
il alloit fouvent difputer dans desThèfes,
& s’y diflinguoit par fa Logique & fa
bonne manière d’argumenter. Son pere
fut encore charmé de voir avec quels
fuccès il étudia en fuite en Théologie.
C ’étoit là la fin de toutes fes études, parce
* Eloge de Varignon p a r M de Fontenèlle. E t fe s -O liv ra g esv