Phyficîen. Audi Socrate, l’homme
le plus fage, & par conféquent le
plus éclairé de fon fiècle, en examinant
tous les fy ftêmes qui avoient
paru jufques-là, n’en trouva aucun
qui tendît au but. Il les tourna
même en ridicule. Il cenfura fur-
tout celui d' Anaxagore , qui avoit
beaucoup de partifans ; ôc défelpé-
rant de pouvoir découvrir les caulès
des effets naturels, il abandonna
l ’étude de la Phyfique pour s’appliquer
entièrement à celle de la Morale
, dans laquelle il fit tant de progrès
(b).
Cependant Platon, le plus favant
de fes Difciples, connoiffant combien
la Phyfique doit influer fur les
vérités les plus importantes, en recommanda
l’étude. Il voulut d’abord
élever les penfées des hommes
au-deffus des fens, &foutint avec
chaleur la prééminence des êtres
actifs, incorporels & intellectuels.
Il établit enfuite l’exiftence du monde
, par la feule raifon qu’il tombe
fous les fens. Quant à fa compofi-
tion, il prétendit que Dieu, Auteur
de toutes chofes, avoit premièrement
créé la terre ôc le feu ,
êcen fécond lieu l’eau & l’air; que
ces quatre élémens font entr’eux
dans la proportion la plus exaûe ;
qu’ils unifient enfemble toutes les
parties du monde , ôc empêchent
qu’il n’éprouve ni maladies, ni vieil-
leffe, ni anéantiffement.
Il falloit donnât la vie à cette
machine, & Platon imagina une
ame qu’il plaça dans fon centre, laquelle
communique, félon lu i, à
toutes les parties du monde, les
pénètre &les anime. C ’eft lafource
de toutes les âmes particulières, ôc
le grand reffort de l’univers.
Tandis que les Difciples de Plaa
ton enfeignoient cette doêtrine ,’
ceux de Pythagore, qui fleuriffoient
en Italie, cultivoient la Phyfique
avec plus de fuccès. Ils dévelop-
poient la véritable théorie du mouvement
des planètes ; démontroient
ôc le mouvement annuel delà terre
autour du foleil,&fon mouvement
journalier autour de fon axe ; ébau-
choient la théorie du mouvement
des comètes, ôcfoutenoientparde
bonnes raifons, que chaque étoile
eft un monde ; que les affres ont
tous une relation avec notre terre,
& que la lune eft habitée par des
animaux plus grands & plus beaux
que ceux de ce globe.
Cependant Platon eut un Difciple
qui ofa combattre fa doctrine, & qui
fermant les yeux fur les découvertes
des Pythagoriciens , fe fit chef de
parti. C’eft Ariftote. Génie hardi,
vafte êc entreprenant, il méprifa
hautement tous les fyftêmes de Phyfique
qu’on avoit imaginés jufques-
là, & leur fubftitua la matière ^ fo r me
Ôc la privation, qu’il donna pour
les principes de toutes chofes. La
(p) Voyei le Dite ouïs préliminaire du fécond V olume de cette Hiftoire des Phiiofophes moderne»'
matière eft la fubftance de l’être; la
forme eft ce qui le fait être en particulier
ce qu’il eft; êc la privation
eft un retranchement de la forme &
des accidens de la matière.
. De ces trois principes Ariftote
déduifoit les trois opérations de
l ’efprit, qui par une diftinftion
néceffaire pour une connoiffance
claire ôc diftinêle, confidère en particulier
chaque partie du corps,
ôc le prive de tout ce qui lui eft
joint. La privation eft la première
opération qui retranche de la matière
la forme ôc les accidens. La
fécondé opération eft la confidéra-
tion de la matière, qu’on a rendu
fimple par la première opération ; ôc
cette fécondé conduit à la forme,
troifième opération de l’efprit. En
effet, la confidération de la forme
fait connoître le compofé, puifque
c’eft la formé qui le fait te l, qui le
perfeftionne, ôc qui produit toutes
fes propriétés.
On trouva cela beau dans le
temps. Les Phyficiens ne durent
pas cependant le goûter ; car ceci
eft de la Logique pure, ôc non de
laPhyfique. Les Pythagoriciens fur-
tout s’en moquèrent. Mais Ariftote
les prit à partie, ôc fit fi bien par
des fubtilités métaphyfiques, qu’il
prouva qu’ils avoient tort d’avoir
raifon. A leurs découvertes aftrono-
miques, il oppofa une idée de fyf-
têtne : c’eft que la matière descieux
eft incréée, incorruptible, quelle
n’eft fujette à aucune altération, ôc
que les aftres font emportés autour
de la terre dans des orbites folides*
Il remania enfuite fes principes, ôc
leur en affocia trois autres, avec
lefquels il voulut expliquer les cau-
fes. Le premier eft , que tous les
corps ont une force qui ne peut être
anéantie, une tendance au mouvement
qui eft toujours égale. La nature
eft le fécond principe : elle
produit les formes, qui font le troifième
principe : ainfi elle divife la
matière en des parties ; ôc en modifiant
l’effort qu’elle fait fans ceffe
pour fe mouvoir, elle en forme les
corps.
Tout cela n’eft pas clair. Mais
l ’obfcuritê eft bien plus grande dans
l’explication qu’Ariftote donne de
la génération. La génération, dit-il,
vient de quelque chofe qui manque
entièrement. Ainfi l’être fe forme
du non être ; de forte que ce qui
eft, cherche à fe marier avec ce qui
n’eft point.
A l’égard des élémens des corps J
ce Philofophe en compte quatre;
fa voir, le feu, l’air, l’eau ê* la
terre. Ces élémens contribuent,
félon lui , à la compofition des
mixtes , Ôcpar leurpuiffance paflive
comme matière, ôc par leur puif-
fance active comme agens, ôc par
leurs qualités propres. Ces qualités
font la chaleur, la froideur , l’humidité
ôc la féchereffe.
Cette doêlrine ne futguèrés connue
que des Difciples <XAriftote,
Perfécuté parles Prêtres deCérès,