foit encore itneplus grande idée fi je pou-
vois expofer toutes fes opérations , tous
fesefiais, ôc cette connoifïance profonde
qu’il avoit acquife fur l’art de faire la porcelaine.
C ’eft une chofe toujours admirable
que la facilité av ec laquelle ce grand
homme foumetàfonintelligence les objets
les plus compliqués Ôc les plus étrangers
a ceux dont il s’occupoit actuellement.
L’efprit tour rempli des recherches ôc
des travaux qu’il venoit de faire , il voulut
perfectionner les thermomètres. C ’é-
toit une étude d’un autre genre, qui lui
devint bientôt aulli familière que celle
a laquelle il venoit de fe livrer. On n’a-
voit encore alors que des thermomètres
de Florence, qui ne marquoient le chaud
ôc le froid que pour l’endroit o ù . ils
etoient. Aufli le chaud Ôc le froid indiques
par un thermomètre ne pouvoient
etre comparés à ceux qui Croient indiqués
par un autre.
M. Amontons avoit voulu rendre les
thermomètres- comparables ; mais quelque
ingénieux qu’il fû t , il n’en eut que
la volonté. Notre Philofophe travailla
avec plus de fuccès^ parcequ’il fut démêler
les çaufes des défauts de comparai-
fon.
Ces caufes étoient l’inégalité . du
terme où l’on commeriçoit la divifion ,
celle du calibre du tuyau, ôc enfin la
différente dilatabilité de l’efpric de vin
qu’on employoit pour corriger ces défauts.
R eaümür prit pour premier terme
de fa divifion le point où s'arrête la li -
queur lorfque la boule du thermomètre
eft plongée dans de la glace pilée , ôc
qu’elle ne defcend plus } ôc il marqua ô
à ce point où l’efprit de vin eft arrêté.:
Comme il croyoit qrfil : étoit impor-r
tant que les divifions ru fient proportionnées
à la quantité de la liqueur , il chercha
à graduer le tube de maniéré que
l ’efpace d’une divifion à l’autre contînt
un millième de la liqueur ; il crut donc
qu’il falloir pour cela déterminer la millième
partie de cet efpace , Ôc c’eft à
quoi i! parvint par le moyen de petites
mefures de verre très exactes avec lefquelles
ils connut la quantité de la milr
lieme partie de la liqueur contenue dan#
la bouteille jufqu’au terme de la glace %
qui eft, comme nous avons vu, le premier
terme de fa divifion.
Afin d’avoir le fécond, il plongea la
boule du thermomètre dans Peau bouillante
; ce qui fit monter confidérable-
ment la liqueur. Son intention étoit que
du terme de fa plus grande afcenfion,
jufques à celui de la glace, il y eût 80
degrés : ilfcella hermétiquement le tuyau
du thermomètre lorfque l’efprit de vin
s’arrêta à ce degré j ôc quaiid il vit que la
liqueur montoit plus haut, il ôta de l ’efprit
de vin , ou en mit davantage lorfque
la liqueur refta trop bas.
Ce nouveau thermomètre fut adopté
par rous les Phyficiens. C ’eft prefque le
ieul dont on fe ferye aujourd’hui. Le
nom de Réaumur y eft demeuré attaché,
ôc cela forme à la gloire de ce grand
homme, comme le remarque fort bien
l’Auteur de fon éloge, un monument plus
durable qu’une colonne ou un obélifqqe.
Cette conftruétion de thermome res,
ajoute ce favant Auteur, a donné lien
de comparer la température des climats
les plus éloignés, de conferyer toujours
ôc dans routes les expériences des degrés
égaux de chaud Ôc de froicf, de prefcrire
aux terres qui contiennent des plantes
étrangères le degré de chaleur qui leur
convient ; en un mot, elle.fait une époque
mémorable dans la Phyfique.
Pendant que notre Philpfophe s’occupoit
de ces, recherches , il fui voit un
autre travail d’une plus grande étendue,
ôc feul capable d’employer tout le temps
du, Naturalifte le plus intelligent ôc le
plus laborieux : ç’eft des Mémoires pour
fervir à l ’Hidoire des Infectes, en 6 volumes
//z-40. dont il publia le premier en
B p
M. de Fontenelle définit les infeétes
de petits animaux très différents des
grands par leurs figures, méprifiibles par
leur petitefte , ou haïffàbles par les dommages
qu’ils caufent \ ôc il penfe qu’ils
font aufli bien définis par ce mépris ôc
par,cette haine , que par une définition
plus régulière 9 qui feroit apparemment
R Ê A U M U R: *73
difficile ; niais les Naturaliftes qui
Veulent des définitions plus exactes, définirent
les înfeétes, des animaux donc
le corps eft comme coupé par des efpeces
ld anneaux qui en divifent la longueur.
.Quoi qu’il en fo it , le premier volume
« e ces Mémoires contient l’hiftoire des
chenilles , que l’Auteur diftribue en
iept clafles , lefquelles renferment tous
les genres & toutes les efpeces de chenilles.
11 examine leurs diverfes façons de
Vivre , tant fous la forme de chenille
tjue fous celle de chryfalide ; les divers
Changements qu’elles éprouvent , leur
manière de prendre la nourriture , de
filer la foie qui leur eft néceflaire ; en
*m mot, il préfente aux yeux du Leéfceur
tout le détail intéreflant de la vie de ces
anfeébes fi méprifés, ôc cependant fi dignes
de l’attention des Philofophes.
En effet, c’eft une des plus variées ôc
ides plus nombreufes familles d’infeéfces
,qu’on connoifïe dans la nature. Toute
chenille change trois fois de peau pendant
fa vie : de rafe qu’elle étoit d’abord,
«lie paroît quelquefois velue à fon dernier
changement de peau ; ôc telle autre
chenille étoit velue , qui finit par être
rafe. Cet infeéfce pâlie de l’état de chenille
à celui de chryfalide, ôc devient
enfuite papillon. Cette métamorphofe
confiante diftingue les chenilles desfauf-
Jes chenilles qui fe changent en mouches,
ôc des vers dont les uns fe changent en
mouches, ôc les autres en fcarabées. Il en
«fl meme qui ne fubifïent aucun changement.
Les véritables chenilles n’ont que
feize jambes ; ôc toutes celles qui ont plus
de feize jambes , font defauftes chenilles.
•- Les gens du monde croient que les
chenilles font venimeufes , ôc capables
d’empoifonner : c’eft une erreur. Plufieurs
d’entre elles occafionnent, à la vérité,
des démangeaifons fur la peau , mais qui
nefont fuivies d’aucun fâcheux effet : il
faut cependant manier ces chenilles avec
précaution. La plus dangereufe eft la
îorte de chenille qu’on appelle chenille
procejfionnaire3 ou évolutionnaire, Ôc que
je vais faire connoître par cette raifon.
JLes chenilles procefîionnaires font d’une
Tome F U T
moyenne grandeur ; elles font d’un brun
prefque noir au-deffus du dos , & blanchâtres
fur les côtés & fur le ventre.
Elles ont des poils blanchâtres très longs*
ôc difpofés en aigrettes : on les trouve fur
les chênes. Elles font entrer dans la com-
pofition de leurs coques , les poils donc
elles étoient couvertes , qui de doux ôc
foyeux qu’ils étoient fur le corps de l’in-
feéte , deviennent durs & fe réduifenc
en pointes très fines ; de forte que ,
quand on enleve ou qu’on ouvre ces coques
, il s’élève un nuage de ces petites
pointes qui entrent dans la peau, ôc y
caufent de fortes démangeaifons : elles
produifent même des inflammations dans
les yeux,qui durent quatre ou cinq jours,
lorfqu’elles s’attachent aux paupières. Le
remede le plus prompt pour détruire
ces démangeaifons , eft de frotter durement
avec du perfil les endroits douloureux.
On appelle ces fortes de chenilles pro •
cefîionnaires, parcequ’elies vont toujours
en troupe, ôc ont une marche réglée. 11
y en a toujours une en tête qui eft comme
le chef de la troupe : celle-ci eft fuivie
immédiatement de deux autres, qui marchent
de front : ces deux-là font accom -
pagnées de trois autres, lefquelles le font
de quatre : ainfi de fuite , tant que la
largeur du terrein le permet.
L’hiftoire des papillons eft néceffaire-
ment liée avec celle des chenilles , puisque
les papillons ont été originairement
des chenilles : aufli R é a u m u r , dans la
fuite de fes Mémoires, qui parut en 173 6,
écrit l’hiftoire des papillons. Il décrit la
couleur admirable de leurs ailes, leur accouplement
, leur ponte , ôc t’induftrie
qu’ils ont de placer leurs oeufs dans des
endroits qui puiffent être convenables
aux jeunes chenilles qui doivent en for-
tir.
On diftingue deux fortes de papillons *
des papillons de jour, Ôc des papillons de
nuit, ou phalènes. Ces derniers font en
plus grand nombre que les papillons de
jour : les uns ôc les autres ont des beautés
particulières ; mais le papillon le plus (in
gulier ôc le plus extraordinaire, eft celui
K