vement, defcend continuellement; car
quand il ne pourra plus defcendre, le
mouvement s’arrêtera, à moins qu’on
ne le remonte comme on le tait dans les
horloges ÔC les automates. A l’égard de
la raifon que donnoit ’Sgravesande ,
que toutes les loix de la nature ne font
pas connues pour conclure l’impoffibi-
lité du mouvement perpétuel, Bernoulli
répondoit : qu’eft-il befoin de connoître
toutes les lo ix , fi une feule m’eft connue ,
laquelle me diète clairement que telle
ou telle chofe eft contradictoire ? Cela
me fuffit ( continue Bernoulli) pour en
conclure l’impoffibilité d’une telle choie.
La machine d'Ojfireus 6c le problème du
mouvement perpétuel occupèrent longtemps
notre Philofophe chez lui. Il étoit
alorj> ReCteur de l’Univerfité. Son ReCh>
rat étant fini, il fut obligé de compofer
un Difcours qu’il devoit prononcer en le
quittant , fuivant l’ulage de l’Université.
Ce travail fit diveriion au problème
du mouvement perpétuel, 6c le lujet
qu’il avoit choifi pour fon Difcours, le
lui fit oublier tour-à fait. Il s’agiffoit de
l’évidence, 6c le Difcours étoit intitulé,
de evidentiâ (fi)- Il y traita des principes
fur lefquels eft fondée la certitude de nos
connoiffances.
Après avoir établi clairement la nature
de l’évidence mathématique , -6C
démontré qu’elle eft par elle - même la
marque caraCtériftique du vrai, il examine
quelles font les fciences qui en font
fufceptibles. 11 paife enfui te à l’évidence,
qu’il diftingue en evidence morale & en
évidence mathématique. L’évidence morale
a lieu lorfqit’il y a une convenance
exaCte entre les idées de notre ame , 6c
les chofes qui font hors de nous ; 6c lorf-
qu’il y a cette convenance entre la com-
paraiion de nos idées, 6c l’idée même
que nous avons de cette comparaifon,
c’eft l’évidence mathématique.
Ce Difcours fit le plus grand plaifir
à l’affemblée. Il prouva qu’aucune partie
de la Philofophie n’étoit étrangère à
’Sgravesande. On connoiffoit déjà fon
beauTraité de Phyfique qui parut en 1719
fous ce titre : Phyjîces Êlementa mathematica
experimentis confirmata , five Intro-
duclio ad Philofophiam Neutonianam ( ƒ ) •
C ’étoit le fruit des leçons de Phyfique
qu’il donnoit à l’Univerfité de Leyde
en qualité de Profeffeur. Et c’eft ici le
lieu de parler de cette favante production.
Elle eft la première dans laquelle on
ait vu dans toutes les branches de la Phyfique
les expériences 6c les démonftrations
fubftituées aux hypothèfes 6c aux
conjectures. Tout y eft déduit des' loix
de la nature; 6c tout ce qui n’en découle1
pas directement, 6c qui ne peut pas être
confirmé par des expériences, en eft
banni.
Cet Ouvrage eut un fuccès rapide. On
en publia trois éditions confécutives, 6c ■
on le traduifit en François 6c en Hollan-
dois, La feule chofe qu’on trouva de
répréhenfible, c’eft que Newton y eft'
(*■ ) C e Difcours a é té traduit en François , &
imprimé à la tête de la traduftion Françoife' des
Elément de Phyfique de ’SGRrAV ESANDE.
{ ƒ ) Ce t Ouvrage eft partagé en fis Livres.Le premier
eft divifé en trois parties. Il s'agit dans la première
des propriétés générales des corps. L’Auteur traite
dans la fécondé des a v io ns des puilVances, que d’autres
puilfaTiCes d é tru ifent, c ’eft-à-dirc de l’ equ ilib ie .
E t la troifième partie a pour ob jet la théorie de
l'a ftion , q u e les puiflances déploien t fur des corps
q u i ne font point retenus.
La théorie des forces inhérentes & du choc des
co rp s , forme le ftijet du fécond Livre. La preflion
des fluides & leur mo uvement, fait celui du tro ifième
Livre. Voilà la matière du premier Volume.
Le fé cond renferme les tro is autres'Livres. 11 eft
q ueftion de l ’air ët du fe u dans le premier, q u i
forme le quatrième Livre ; de la lumière dans le
fécond de ce Vo lume o u i eft le ciriqùième i & du
mouvement des corps ceieftes , de leurs apparence ,
& de la caufe phyfique de ces mouvemens , dans
le troifième Livre de ce même Volume , qui eft le
fixième & dernier de l’Ouvrage. L’Auteur fu it dans
ce t te théorie des mouvemens ceieftes le {yftéme de
Il y a dans le cinquième Livre une Machine pour
fixer les rayons du folei> .q u i eft fort ingénieufe. L’Auteur
l ’appelle un Hclioflrate. C ’eft une horloge d’ une conf-
trmftion particulière qui fuit le mouvement du fo -
le il.O
n ad on né à Leyde en 1746 une traduction Françoife
de ces'Elément de Phyfique, q a i a été fort bien
exécutée. Elle eft enrichie de 1 * 7 Planches très-
proprement gravées.
loué à l’exclufion des autres Philofophes ;
de forte que Bernoulli en ayant reçu un
exemplaire de la part de l’Auteur ,fe plaignit
à lui par une lettre qu’il n’avoit nommé
oyxt Newton , en rapportant les plus
belles expériences , 6c qu’il ne lui avoit
point fait part de fa découverte du Phof-
phore mercuriel (g). Il trouva fur-tout
mauvais qu’en louant Newton, il eût dit
qu’on peut puifer dans les Ecrits de ce
grand homme des chofes auxquelles les
plus favans Philofophes n’ont jamais pu
atteindre. Or là-demis il lui écrit :
» C’eft-là le langage de tous les An-
» glois, qui font de Newton leur idole
» au mépris de tous les étrangers , del-
» quels ils ne fauroient fouffrir qu’on
» parle honorablement. Je me mets au
» rang des Géomètres fort médiocres,
» 5c infiniment au-deflbus de M. Newton,
» Nonobftant ma médiocrité, je le dis
» fans me vanter, j’ai redreffé M. Newton
» en bien des rencontres oit il s’étoit mé-
» pris, particulièrement dans fes Prin-
» cipia Philofophicz naturalis. J’y ai réfolu
» des problèmes 6c des difficultés, que
» lui-même, félon fon propre aveu, ne
» pouvoit pas réfoudre ; témoin quel-
» ques lettres d’Angleterre que je puis
» produire : auffi n’en trouve-t-on rien
»dans fon Livre, où naturellement il
» devoit en traiter. Avec quelle juftice
» dites - vous donc que l’on puife dans
» Newton ce à quoi perfonne autre ne
» fauroit atteindre, comme fi on ne fa-
»voit autre chofe que ce qu’il a bien
» voulu nous communiquer ?
Et dans un autre endroit de fa lettre,
il marque à notre Philofophe fon mécontentement
des éloges outrés que les
Anglois en général, 6c Maclaurin en particulier
, donnoient à Newton. C’eft; en le
priant de remercier de fa part M. Maclaurin
du préfent de fon Livre fur les
courbes qu’il avoit dédié à Newton. » Que
» penfez-vous, lui d it-il, de l’encens
» inoiii que M. Maclaurin prodigue à M.
» Newton avec fi grande profiifion ? Selon
» lui, c’eft le feul M. Newton qui ait élevé
» les fciences à leur faîte de dignité 6c
» de fplendeur : c’éft lui qui a trouvé un
» nombre infini de vérités tres-abftraites
» de la Philofophie naturelle. Selon M.
» Maclaurin, perfonne n’a en rien con-
» tribué à l’avantage de la Géométrie 6c
» de la Philofophie naturelle. On en eft
» redevable à M. Newton, 6c au feul M.
» Newton.
» Il dit auffi quelque part, que les pro-
» grès de ce fiècle dans la Géométrie
» font fi grands 6c fi fubtils, qu’ils fe-
» ront l’étonnement des fiècles à venir,
» à moins que chaque fiècle n’ait fon
» Newton ; comme fi l’unique M. Newton
»nous avoit donné tous ces progrès, ôc
» qu’il fût le feul capable de les com-
» prendre fans étonnement. Je vous ai
» déjà dit, Monfieur, que j’eftime M,
» Newton 6c fon rare mérite. Je l’eftime,
» vous dis-je, comme un des plus grands
» génies de notre fiècle ; mais je vous
» avoue franchement que je plains fa
»foibleffe. Il voit que les fiens l’ado-
» rent, qu’ils l’encenlent prefque comme
» un Dieu, qu’ils l’élèvent au-delfus des
» mortels : il voit toutes ces louanges
» exceffives qu’on lui donne avec des
» marques de dédain 6c de mépris pour
»tout le refte des Géomètres 6c des
•»Philofophes : il voit ces baffes flat-
» teries , il les goûte, 6c bien plus il les
»approuve, ôc les autorife publique-
» ment.
’S g r a v e s a n d e faifoit trop de cas
de Bernoulli, pour ne pas lui rendre
juftice dans les autres éditions de fes
Elèmens de Phyfique. Il fe corrigea. Il eft
vrai qu’il ne modéra point les éloges
qu’il donne à Newton dans cet Ouvrage,
parce qu’étant une introduction à la Philofophie
Neutonienne, c’eft une raifon
pour charger un peu l’éloge de Newton.
Il ne fongea donc qu’à faciliter l’étude
de fa Phyfique 6c de cette Philofophie
{g ) V o y e z f u r c e P h o f p h o r e l’ H i f t o i r e d e Berneulli d a n s l e I V e T o m e d e c e t t e Hiftoire des Philofofhtt medenet,
& c e l l e s d e Ptliniere .& à’Hartfocker d a n s , c e V o l u m e .
N ij