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le feu : mais c’eft une prétention.
Car en fuppofant que Tttbalcain ait
véritablement exifté dans le temps
qu’on le dit, il n’eft pas croyable
qu’il ait fait ces découvertes. Aufli
les Mythiologiftes revendiquent 7 k-
balcain comme l’un de leurs Héros.
Ils l’appellent Vulcain, & le font
le Forgeron des Dieux. Sa forge
eft, difent-ils, dans les cavernes du
Mont Etna , proche la Sicile : il
a les Cyclopes pour compagnons.
A l’égard de fon origine, ils le font
defcendre de Jupiter ôc de Junon.
Il étoit fi laid , que les Dieux &
les Déeffes ne pouvant le fouffrir,
le précipitèrent dans l’IHe de Lem-
nos, où il fe caffa la jambe, ce qui
le rendit boiteux. Il époufa cependant
Venus, la plus belle femme de
l’Empirée.
On peut juger par là fi ce Tubal-
cain n’eft pas un être imaginaire ,
ôc fi ce n’eft point dégrader la Chymie
, que de fonder fon origine fur
une fable. U eft vrai que l’Ecriture
Sainte parle d’un Tubalcain qui exif-
toit avant le déluge, & qui favoit
faire des uftenfiles de cuivre ôc de
fer : mais elle ne dit pas qu’il ait été
ni le huitième homme du monde,
ni le premier Roi d’Egypte : elle ne
le donne que pour un Artifan, un
fimple Forgeron, Malleator, Faber.
Encore philofophiquement parlant,
peut-on douter que ceTubalcain fût
faire des uftenfiles de fer ou de
cuivre.
En effet, fi nous en croyons l’E criture
, Moyfe prit le veau d’or ,
idole des Ifraëlites , le calcina, le
réduifit en poudre , & le fit boire
aux Idolâtres pour punition de leur
péché. Or il n’y a perfonne qui ne
fâche, dit un de nos Chy miftes modernes
( Lefevre) que l’or ne peut
être réduit en poudre par la calcination
, que cela ne fe faffe ou par
la calcination immerfive , qui fe
pratique par le moyen des eaux régales,
ou par l’amalgation, par le
moyen du mercure, ou par la projection
: trois opérations qui, félon
la jufte remarque de ce favant
homme, ne peuvent être compri-
fes que par ceux qui font confom-
més dans la théorie & la pratique
de la Chymie.
Voilà un raifonnement qui doit
embarraffer ceux qui font remonter
l’origine de la Chymie aux
premiers Cèdes ; à moins qu’on ne
dife avec Clément d’Alexandrie, Ter-
t ni lien, Origine ôc Saint Cyprien, que
la Chymie eft un des fecrets que les
Anges amoureux des belles femmes
prodiguèrent à la terre ; que
ces Anges galans ôc aimables indiquèrent
les mines d’or ôc d’argent ;
apprirent à teindre en diverfes couleurs
les peaux des animaux ; ôc que
Cham, fils de N o é, raffembla ces
connoiffances difperfées, & en fit
un recueil qu’il porta avec lui dans
l’Arche. Mais il y a long-temps
qu’on ne croit plus cela , êc qu’on
explique raifonnablement les paf-
fages de l’Ecriture qui donnoient
lieu à cette opinion.
Des Chy miftes ou desHiftoriens
P R E L I M I N A I R E. iij
plus fenfés fans être mieux inf-
truits, ont cru devoir faire honneur
à Hermès de l’invention de
la Chymie. C ’eft un Perfonnage qui
étoit contemporain d’Abraham, ôc
qui vivoit par conféquent l’an 2008
de la création du monde. On a
écrit qu’il a régné en Egypte fous
le nom de Siphoas, qu’il étoit fils
ôc fucceffeur de Maris, furnommé
fils de Vulcain. Les Grecs l’appe-
loient, dit-on, Trimegijle, c’eft-à-
dire très - grand , Ter-maximus. Il
eft vrai qu’on ignore ce qui a pu
lui mériter cette épithéte magnifique.
On a prefque démontré que
les Ouvrages que Vander Linden ôc
Clément d’Alexandrie lui attribuent,
ne font pas de lui. Ce font desTrai-
tés de Médecine trop'favans pour
le temps. Audi Jamblique en fait
honneur aux Prêtres Egyptiens, qui
perfuadés qu Hermès avoit tout inventé,
le regardoient comme l’Auteur
même de leurs propres productions.
C ’étoit unevéricable fuperfti-
tion, fi ce n’étoit point un trait de
politique de la part de ces-Prêtres,
pour faire refpeêter leurs Ouvrages
, ôc leur procurer un accueil
favorable.
Mais cet Hermès a-t-il jamais
exifté ? Plufieurs Savans penfent
qu’il n’y a point eu d’autres Hermès
que celui qui eft particulièrement
connu fous le nom de Mercure, lequel
étoit fils de Cham, l’un des fils
de Noé , 6c qui avoit écrit fur des
colonnes les principes des fciences.
Sanchonianton dit qu’il étoit l’un des
Confeillers de Saturne, & Diodore
de Sicile ajoute qu’il étoit Secrétaire
d’OJiris, un des plus anciens
Rois d’Egypte. Tout cela fent la fable,
ôc ne mérite aucune croyance.
En fuivant l’Hiftoire depuis le
déluge jufqu’au quatrième âge ,
c’eft - à - dire jufqu’en 2 y 13 de la
création du monde, on ne trouve
point l ’origine de la Chymie. On
voit cependant que les Sujets du
Roi David favoient exploiter les
mines, purifier les métaux par le
feu , ôc en former des maffes ôc
des lingots. Car comment David
ôc fon fils Salomon auroient - ils
pu conftruire ce Temple fuperbe
qu’ils confacrèrent l’un ôc l’autre
à la gloire de Dieu ? L ’Ecriture
Sainte nous apprend que les portes
ôc les colonnes de ce Temple
étoient couvertes de lames d’or,'
ôc que tous les vafes ôc uftenfiles
deftinés au fervice des autels ,
étoient de ce métal. Dom Calmet,
dans fa Differtation fur les voyages
ôc les richeffes de Salomon, eftime
que ce Temple coûta fept milliars
cent foixante - un millions vingt-
quatre mille livres d’or, ôc cinq milliars
huit cent foixante millions
cent quatre-vingt-fept mille cinq
cent livres d’argent.
Cela pâroît incroyable , ôc on
ne ceffe de demander de quels lieux
David ôc Salomon avoient-ils tiré
ces richeffes immenfes ? Comme
les interprètes de l’Ecriture Sainte
n’ont pas répondu à cette queftion,
les Alchymiftes ont conclu de ce
a ij