paffion pour une fcience qui faifoit fes
délices, Otto de Guericke confentit de
l ’inftruire, & l’initia dans les my Itères
de lés découvertes.
Les amis de notre jeune Philofophe
s’apperçurent de Ton éloignement pour
l’étude du Droit. Ils cherchèrent un
moyen de le ramener au Barreau , &
crurent qu’il n’y en avoit pas de meilleur
que de le marier , parce que les
affaires l’obligeoient à fuivre la profef-
fion d’Avocat auffi utile qu’honorable ,
& à quitter la culture des fciences qui
ne pouvoit que l’éloigner de la fortune.
Homberg craignit laféduétion, & afin
d’éviter les fuites des follicitations , il
quitta Magdebourg , & alla en Italie.
Il s’arrêta à Padoue , ou il étudia la
Médecine, l’Anatomie & la Botanique.
De-là il paffa à Boulogne. Cette Ville
étoit mémorable parmi les Chymiftes ,
parce qu’on y avoit découvert une pierre
qui forme un phofphore , lequel porte
le nom de Pierre de Boulogne. C’étoit un
Cordonnier de cet endroit, nommé Vin-
çen^o Cafciarolo, qui en avoit fait la découverte.
Cet homme travailloit à l’A lchimie
, & cherchoit la pierre philofo-
phale. Un jour en fe promenant au bas
du mont Paterno , il vit des pierres qui
avoient une couleur argentine luifante.
Il les ramaffa, & trouva.qu’elles pefoient
beaucoup. Arrivé chez lui, il n’eut rien
de plus preffé que de les calciner, pour
en tirer l’argent qu’elles dévoient renfermer
; mais il fut bien furpris de voir
que cette opération les avoit rendues
feulement lumineufes , c’eft-à-dire que
ces pierres donnoient de la lumière &
non de l’argent.
Notre Philofophe connoiffoit cette
découverte , mais il n’a voit jamais vu
de ces pierres. Il en chercha dans Boulogne
, & n’en trouva point qui fuffent
lumineufes. Il demanda s’il y avoit quelqu’un
dans la Ville qui eût le fecret du
Cordonnier : on lui répondit que ce
fecret étoit perdu. Il étoit fur les lieux,
par conséquent à portée d’avoir de
ces pierres tant qu’il voudroit. C ’étoit
une belle occafion pour fe Signaler ? en
travaillant à découvrir ce fecret. Auffi
le faifit-il avec avidité ; & fans fonger
qu’il étoit bien novice en opérations,
il compta fur les reffources de fon el'prit,
&c fur fon opiniâtreté à multiplier les
tentatives.
Il fe mit donc à l’ouvrage. Il Soupçonna
d’abord que l’effet de ces pierres
devoit dépendre d’une calcination ,
parce qu’il jugea, qu’il n’y avoit pas de
moyen plus efficace de purifier le Soufre,
& de l’exalter. Il procéda donc tout de
bon à cette opération.
Il commença par pulvérifer quelques-
unes de ces pierres, & rapa celles qu’il
vouloit calciner jufqu’à ce que toute la
terre hétérogène en fût Séparée. Il mouilla
enfuite ces pierres l’une après l’autre
dans de l ’e^u - de - vie bien claire, les
Saupoudra tout autour avec la poudre
des autres pierres, & les mit fur la grille
d’un fourneau rempli de braife , ÔC
couvert de fon dôme. Il laiffa confumer
la braife, & lorfque la chaleur fut absolument
éteinte , les pierres fe trouvèrent
lumineufes comme il le défiroit.
En effet, il expofa ces pierres ainfi
calcinées au grand jour, comme dans
une cour , les porta fur le champ dans
un lieu obfcur, & elles parurent pendant
quelque temps auffi brillantes que des
charbons allumés, & s’éteignirent peu à
peu. Mais en les expofant de nouveau
à la lumière, & en les reportant dans le
même endroit, elles reparurentlumineu-
fes comme auparavant.
La croûte de ces pierres réduite en
poudre, forma encore un phofphore très-
beau. Il en fit même différentes figures
lumineufes , en deffinant ces figures fur
dû papier ou fur du bois avec des glaires
d’oeufs , & y répandant auffi-tôt de la
poudre lumineufe. Il laiffa fécher ces
figures à l’ombre , & il les mit fous un
verre blanc avec un cadre. Ce fut un
tableau lumineux , lorfqu’après l’avoir
expofé au grand jour, il le porta dans
un lieu obfcur.
Enfin il fit avec cette poudre un crif-
tal lumineux , en rempliffant entièrement
de cette poudre une petite bouteille
de criflal, & la bouchant exaéte- acides de l’eau forte ; & HOMBERG
ment. Elle produifit le même effet que trouvoit que ce phofphore reffembloit
les pierres & le tableau ([b). affez à la pierre de Boulogne. A l’égard
Cette découverte, qui eft fans doute du phofphore de Kunckel , j’ai déjà dit
très-belle , n’étoit pourtant que le coup dans l’hiftoire de ce Chymifte que c’eft
d’effai d’H omb e rg en Chymie. Elle une matière lmtnneufe & brûlante, tirée
déceloit en lui un grand talent pour cette de Turine par la diftillation ( e'). En révé-
fcience , & c’étoit une efpèce d’avis de lant fon fecret à notre Philofophe, Kunc-
s’y attacher uniquement. Mais notre kel\m dit encore qu’il avoit tiré des phof-
Philofophe étoit trop avide de connoif-
fances pour fe borner à une fcience particulière.
En quittant Boulogne il alla à Rome,
toujours dans la vue de connoître les
phores.des gros excrémens , des o s , du
fang, des cheveux, du poil, de la laine ,
des.phlegmes , des ongles &des cornes;
& il ajouta qu’on pouvoit en tirer auffi
du fucre, du karabé, de la manne, &
Savans. II s’y lia particulièrement avec généralement de tout ce qui peut donner
Marc-Antoine Celio , Gentilhomme Ro- par la diflillation une huile puante.
main, qui étoit Mathématicien, & qui
s’amufoit fur-tout à faire des grands verres
de lunettes. Notre Philofophe s’y ap
pliqua avec lui. La Peinture, la Sculp-
Notre Philofophe faifit avidement cette
confidence, & n’eut rien de plus à coeur
que d’en faire ufage, pour découvrir de
nouveaux phofphores. Il travailla d’abord
ture &C la Mufique fixèrent auffi fon at- au phofphore de Kunckel, & reconnut
tention, parce qu’il favoit qu’il n’y avoit dans fon opération qu’on pouvoit fe
point d’e: »droits dans le monde oii ces
Arts euffent été cultivés avec tant de
fuccès , il devint affez bon connoif-
fèur.
difpenfer de laiffer fermenter l’urine ,
comme ce Chymifle le prefcrit. Il employa
de l’urine fraîche, qu’il fit évaporer
fur un petit feu , jufqu’à fiecité ;
Il ne fit pas cependant un long féjour de forte qu’il trouva au fond du vaiffeau
à Rome. Il vint en France. De-là il fe qui la contenoit , une matière noire
rendit en Angleterre, oii il travailla avec qui étoit prefque sèche : il la porta
Boyle , qui avoit un très-beau labora- dans une cave, pour la laiffer putréfier
toire de Chymie & de Phylîque ( c). Il pendant trois ou quatre mois ; & ce fut
alla enfuite en Hollande pour y faire là la matière de fon phofphore , qu’il
un Cours d’Anatomie fous M. Grajf ; rendit brûlant & lumineux, en faifant
paffa à Wittemberg pour y prendre le la même manipulation que Kunckel avoit
bonnet de Dofteur en Médecine, §£ fe fuivie pour découvrir le phofphore qui
rendit en Allemagne. Ce qui l’attiroit porte fon nom.
dans ce pays , c’étoit la découverte que II fit avec ce nouveau phofphore les
Balduin & Kunckel venoient d’y faire de expériences que Kunckel avoit faites
nouveaux phofphores. avec le fien , & en ajouta une qui eft
Il vit d’abord Balduin , & il acheta le prefque une découverte. Il mit environ
fecret de fon phofphore par quelque au- dix grains de phofphore dans une bou-
tre invention. Il alla chercher enfuite teille un peu longue ; verfa fur ces grains
Kunckel à Berlin , & fit l’acquifition du un gros d’huile d’afpic ; échauffa la phiole
fien de la même manière (t/). Celui de à laflamme d’une chandelle ; & lorfque
Balduin eft un mélange de craie & des l’huile commença à diffoudre le phof-
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( t ) M. Lemety prétend' qu’on peut foire avec cette
poudre un fort bon dépilatoire. Il faut pour cela la
'broyer avec de l’eau en forme de limon. Une dragme
de cette poudre ayant trempé dans une once
d’eau pendant quelques heures enlève auflï le
•poil, quand on l ’applique fiir la peau. Cours de
Chymie de Lemery , page 845 , dernière édition.
( c ) Voyez l’ hiltoire de ce. Fhilofophe dans le
lixième volume de cette Hijloire des Philo/ôphes modernes.
. (d ) Voyez l’hilloire de Kunckel dans ce volume.
( e ) Voyez la même hiftoire;
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