donne la composition, & l’art de faire
de de connoître les doublets. C ’étoit un
véritable préfent dont il vouloit gratifier
le public ; car après avoir indiqué plu-
fieurs compofitions pour faire un très-
beau criftal (e ) , il apprit que les grenats
de Bohême calcinés & pulvérifés , étant
mêlés dans une de ces cômpofitions, font
un criftal d’une très-belle couleur d’émeraude;
que la limaille de fer que les
Chymiftes appellent le fafran de Mars ,
étant préparée par un feu de réverbère,
donne une belle couleur d’hvacinthe; &
que fi on mêle des morceaux de calcédoine
, qui eft une pierre de couleur
d’un blanc de lait,.légèrement teinte de
gris, de bleu & de jaune; qbe fi on
mêle, dis-je , des morceaux de calcédoine
avec du borax , dans lequel on
les laifîe fondre, ce mélange donnera au
verre &c au criftal toutes les couleurs
qu’onj voudra. Enfin il enfeigna qu’un
mélange de la poudre de criftal, de
borax & de niire purifié , forme des
pierres de toutes- fortes de couleurs.
A l’égard des»doùblets, après avoir
appris à tes faire bien. Supérieurs à ceux
qu’on avoit alors , il indiqua un moyen
fur de les connoître. On appelle doublets
une pierre colorée, formée de deux
pierres jointes enfemble, entre lefquelles
on a mis une couleur. Cette union eft
quelquefois fi parfaite, & la couleur eft
fi tranfparente , qu’on prend fouvent un
doublet pour une pierre précieufe. Pour
ne point ÿ être trompé, notre Chymifte
avertit qu’en regardant une pierre par
un de les angles , on reconnoît fur le
champ fi c’eft un doublet ou non : quand
c’eft un doublet, on voit le criftal clair,
& cet angle eft coloré lorfque c ’eft; une
pierre feule.
Pendant qu’il étoit occupé à perfectionner
ainfi le travail de Néri fur la
verrerie, on lui communiqua un recueil
manuferit de cent procédés, 1°. Pour
calciner ou cuire le verre , le dorer
& y appliquer des couleurs. i ° . Pour
faire différentes couvertes pour les fay en-
ces & les poteries. 30, Pour préparer
toutes fortes de vernis. 'C e s matières
étoient trop analogues à fan travail
aûuel pour ne point en faire ufage.
Il jugea qu’elles convenoient fort bien
avec l’art de la verrerie de Néri; & après
avoir reconnu par expérience la bonté
de tous les procédés ou opérations de
l’Auteur du recueil, il forma de ce recueil
une' fécondé partie de l’art de la
verrerie , qu’il divifa en trois livres ,
conformément aux divifions même du
manuferit.
En vérifiant toutes ces opérations ,
notre Philofophe eut occafion de faire
d’autres expériences : c’étoient des fecrets
fort curieux qui n’avoient pas. été trop
éprouvés , & qu’il étoit difficile de faire
réuffir. K u n c k e l , qui à l’efprit d’invention
joignoit beaucoup d’adreffe, trouva
le moyen d’en tirer parti, & par fon
travail il s’en rendit propre l’invention. U
s’agifloit de faire des moules pour couler
du métal, de dorer le fer, de donner au
cuivre une belle couleur d’or , celle d’é-
caille à la corne & à l’ivoire , de faire le
papier marbré, &c. toutes chofes utiles
ou agréables. Parmi ces fecrets il y en a
deux fur-tout qui font trop piquans pour
ne point entrer dans l’hiftoire de notre
Chymifte.
Le premier eft l’art de jetter en fonte
des plantes & des végétaux ; & le fécond
de mouler du bois, & de lui donner
différentes formes ou figures comme au
plâtre.
Pour jetter une plante en moule ,
K u n c k e l fait un moule de terre à Potier
à peu près de la grandeur de la
plante. Il y place la plante, l’hume&e ainfi
que le moule avec de bon efprit-de-vin ,
( * ) Voici quelques-unes de ces compofitions. Du
fable réduit en p ou d re , trois parties ; du faipetre
b ien purifié , deux parries j du borax 3 une partie ,
ëc demi-partie d’artcnic.
Autre cojnpofition. Du fable en p ou d re , trois parties
; du falpêtre f deux parties j du borax , un quart.-
Autre. Du fable en poudre , fix & demi ; du faipetre t
deux & un quart j du borax, un huitième j d’affeutc*
un huitième j du t a m e , une partie,
& avec de petites pinces fépare bien les
feuilles de la tige. Il verfe ou coule en-
fuite doucement autant de cernent dans le
moule qu’il en faut pour couvrir la
plante. Ce cernent eft un mélange d’albâtre
calciné, de talc aufîi Calciné, d’alun
de plume, broyés très-exa£fement fur une
pierre, afin qu’il vienne bien fluide. Il
ferme le moule & le met dans un endroit
fec. Dans une heure de temps ce moule
durcit affez pour fupporter Une chaleur
qui le rougit. Cette chaleur confume la
plante. On ôte alors le moule du feu, on
le laifîe refroidir, & quand on fent qu’il
eft froid, on fait fortir les cendres de la
plante en foufflant dans le moule. Il ne'
refte plus qu’à placer ce moule fur le feu ,
& à le laiffer affez long-temps pour que
f intérieur du moule qu’on voit par l’ouverture
d’oti la cendre de la plante eft
fortie, paroiffe blanc comme de l’argent.
A l’inftant on y coule le métal fondu, &
on finit par jetter le moule dans l’eau,
afin qu’il fe détache. On a alors une plante
de métal très-bien faite.
C ’eft avec de la fciure de quatre ou
cinq fortes de bois réduits en une poudre
très-fine, mêlée avec des rognures de
parchemin, que notre Chymifte moule
le bois pour en faire différentes figures.
Il met d’abord le parchemin dans un pot,
& y verfe de l’eau dans laquelle il a fait
infufer de la canelle : il y ajoute de la gomme
arabique & de la gomme adragant, &
fait bouillir le tout pendant deux ou trois
heures; paffe ce mélange à travers un
linge , & y jette la poudre dé bois, qu’il
remue fur le feu jufqu’à ce que la compofition
prenne une confiftance de bouillie.
Après y avoir mis de l’ambre-gris, il
jette ce mélange dans un moule enduit
d’huile d’amandes douces. Aù bout dfc
deux jours il le retire , & le coule dans
des moules ordinaires, tels que ceux dont
on fe fèrt pour le plâtre ; & il a ainfi différentes
figures de bois, qu’on peut peindre
, vernir & polir.
Quoique tout ceci fût un peu étranger
à l’art de faire du verre, K u n c k e l jugea
pourtant qu’il ne dépareroit point l’ouvrage
de Néri y & qu’il convenoit affez &
à l’addition & à la fécondé partie qu’il
avoit faite à cet ouvrage. Il en forma
donc une troifième partie : mais ce travail
ne fut pas fi continu qu’il l’eft ici dans
fbn hiftoire, & il fit d’autres opérations
avant que de le publier. Il convenoit, je
penfe, de rendre compte de fuite de tout
ce que notre Philofophe a produit fur la
verrerie, afin que le Le&eur pût mieius
fentir le' prix des découvertes qu’il avoit
faites fur cet art.
J’ai dit qu’il fut d’abord Chymifte de
l’Ele&eur deSaxe. Or dans le temps qu’il
étoit à fon fervice , ce Prince lui communiqua
une teinture (ƒ ) avec laquelle-
l ’Empereur changea, dit-on, trois livres;
de mercure en deux livres & demie d’or
très - pur. On prétend qu’on frappa à
Prague une médaille faite de cet or. Sur
un des côtés de cette médaille on avoit
gravé ces mots : Métamorphofe divine faite-
a Prague le rS Janvier 1648 , en préfenez
de VEmpereur Ferdinand III. Et on lifoit
fur le revers : Cet art connu de peu de per-
fônnes , paroît peu fouvent au jour*
Il ne paroît pas que K u n c k e l ajoutât
foi à cette tranîmutation ; mais elle piqua
affez fa curiofité pour qu’il s’exerçât aufli
fur l’or. Il chercha d’abord un diffolvant*.
fk il le trouva en expofant le métal à la
vapeur très-fubtile qui s’élève, pendant
la réa&ion de l’alkali du tartre réfoud en
liqueur, lorfqu’on le fature d’acide vitrio-
lique : mais il ne trouva que cela; encore-
un habile Chymifte de nos jours ( M_
Macquer ) nie la réalité de cette découverte.
Il eft vrai, dit-il, que cette vapeur
paroît très-fluide & fort fubtile; mais il
eft difficile de croire qu’elle puiffe diffou-
( ƒ ) O n d o n n e c e n o m e n C h y m i e à d è s i n f u f i o n s
d a n s d e s e f p r i t s a r d e n t s . C e f o n t d e s l i q u e u r s f p i r i -
tueufes chargées de quelque couleurpar la digeftio»
fur diiïeremes fubftances.
D i j