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loin en arrivant fut de chercher des livres
d’inftruCtion ou d’amufement. Un Ecclé-
fiaftique lui prêta des livres d’Aftrologie.
Il les lut d’abord avec plaifir. Il trouvoit
fort extraordinaire que fans principes
on apprît dans ces livres à prédire l’avenir.
11 effraya pourtant quelques prédictions
, 8c il fut très-étonné de les voir
accomplir. Cefuccès, bien loin de l’attacher
à l’Aftrologie , l’en dégoûta. Quoiqu’une
conçût pas comment l’événement
avoit fuivi des conjectures arbitraires , il
jugea que cet art de prédire l’avenir ne
pouvoit être que chimérique, 8c dès-lors
il y renonça. Il brûla même fans regret
les extraits qu’il avoit faits de ces livres
d’Aftrologie.
Son travail ne fut cependant pas perdu.
A u travers du ridicule de l’AUrologie,
il apperçut les beautés de l’Agronomie.
Il changea fur le champ d’objet, & réfo-
lut d’étudier cette Science. Il acquit toutes
les connoiffànces néceflaires pour y
faire des progrès ; 8c par une application
continue j il vint à bout de vaincre les
plus grandes difficultés. Sa capacité lui
fit tant d’honneur , que, quoiqu’il n’eût
que vingt-cinq ans , le Sénat de Bologne
le nomma premier Profeffeur d’Aftrono-
mie dans l’Univerfité de cette V ille , à la
place du P. Cavalieri, Mathématicien du
premier ordre, 8c à qui on doit la Géométrie
des indivifiblés. Il fut reçu chez
le Marquis Malvafia , Sénateur de Bologne,
Général des Troupes du Duc de
Modène, & habile Aftronome. Ce Seigneur
le combla de politefles , 8c le nouveau
ProfefTeur y répondit en lui communiquant
fes vues 8c fes travaux.
En i 6$2 , il fe préfënta une occafîon
d’exercer les talens de nos deux Aftrono-
mes. A la fin de cette année parut une
Comète, qui pafla par leur zénith. C as-
s i n i crut d’abord que ce corps lumineux
étoit formé par les exhalaifons émanées
de la Terre & des Affres : d’où il con-
cluoit que les Comètes n’étoient que des
météores* C ’étoit, comme on a vu ci-
devant, le fentiment de Kepler. En obfer-
vant mieux celle qui étoit fous fes yeux,
il s’apperçut que l’inégalité de fon mou-
I N I
vement n’étoit qu’apparente, 8c qu’on
pouvoit la réduire avec autant de régularité
que le mouvement des Planètés. I l
abandonna donc fon premier fentiment
fur la nature des Comètes, 8c chercha à
rectifier cette fécondé idée. Un Anglois,
nommé le Chevalier Wren, croyoit que
les Comètes fe meuvent dans des lignes
droites. Notre Philofophe eflaya fi cette
forte d’orbite convenoit au mouvement
de la nouvelle Comète, 8c il crut avoir
reconnu qu’elle fuivoit une ligne qu’on
pouvoit regarder comme droite , mais
que cette ligne étoit la portion d’un c e r cle
extrêmement excentrique à la Terre, 8c fi grand, que l’arc que la Comète par-
couroit, n’avoit point de courbure îen-
fible.
La Comète difparut, 8c C assini attendit
qu’il en vînt une autre pour s’aflu-
rer de fon hypothèfe. En attendant il
travailla à la folution d’un problème fi
difficile , que les plus habiles Mathématiciens
y avoient renoncé, 8c que Kepler 8c
Bouïllaud, grand Aftronome provençal,
l’avoient jugé impoffible.C’étoit de déterminer
géométriquement l’apogée & l’excentricité
d’une Planète, dont les intervalles
entre le lieu vrai 8c le lieu moyen
étoient connus.
Cette folution lui ouvrit une route
nouvelle dans l’étude de l’Aftronomie :
mais avant que de former un plan, il
comprit qu’il lui falloit plus de faits qu’il
n’en avoit recueillis d’après fes propres
obfervations. Il n’avoit que vingt - fix
ans , 8c à peine commençoit-il à obferver.
Il prit donc le parti de fe procurer le plus
d’obfervations qu’il pourroit. Il fa voit
que Gajfendi en avoit fait beaucoup fur
les Planètes fupérieures, Mars, Jupiter
8c Saturne : il les lui demanda 8c les
obtint.
Après avoir formé ainfi un fonds des
richeffes d’autrui, il fongea à l’augmenter
de fes propres travaux. Il fe fixa d’abord
au Soleil, 8c réfolut de s’appliquer
à connoître toute la théorie de fes mou-
vemens. Ce projet demandoit un gnomon
d’une hauteur confidérable, c’eft-à-dire,
un corps perpendiculaire extrêmement
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élevé , qui indiquât par fon ombre fur un
plan la marche du Soleil dans tous les
mois de l'année, & fur-tout la déclinai-
fon de fon orbite ou de l’écliptique, fon
entrée dans l’équateur & dans les tropiques,
&e. Ce n’étoit point une chofe aiféê
à fe procurer ; mais un heureux hafard
favori fa notre Aflrofcotne.
En Tp7p le P. Egmqio Dante , Religieux
Dominicain , avoit tracé une efpècé
de méridienne dans l’Eglife de Sainte
Pétrone. Cette ligne nepouvoitêtre d’ une
grande utilité aux Aftronomes : premièrement,
parce qu’elle était très-imparfaite
; & en fécond lieu, parce qu’on ne
vouloit point qu’une Eglife fetvît à des
travaux profanés. Aulli dans une réparation
confidérable qu’on fi t à cette Eglife ,
on n’héfita pas de la détruire. On perdoit
cependant un avantage que procuroit bien
ou mal la méridienne du P. Dante. C ’étoit
la connoiffance du temps des folltices &
de® équinoxes, connoiifance ncceiiàire
pour le calcul du calendrier.
C assini faifit cette raifon pour faire
fentir aux Magiftrats de Bologne combien
il étoi t important de tracer une nouvelle
méridienne dans l’Eglife de Sainte
Pétrone, qui par fa hauteur devoit être
préférée à tout autre édifice ; & pour
éviter i’objeétioh de faire des obfervations
dans -un Temple confaçré uniquement
au culte du Seigneur, il offrit de la
tracer dans un endroit écarté de ce Temple.
Malheureufèment il fe trouva deux
piliers au feul endroit qu’on jugea convenable
dé faire paffer la méridienne :
mais notre Philofophe leva cette difficulté
.en affurant qu’il la traceroit entre
les deux piliers. On ne crut pas la chofe
poffible, & les perfonnes chargées de la
Fabrique de Sainte Pétrone, refusèrent
de donner leur eonfentement. Les meilleures
rations ne purent les gagner. C as»
sini appela de leur décifion au jugement
du Public, par un écrit qu’il fit imprimer.
I l y gagna fon procès, & il eut enfin la
permiflion de fe mettre à l’ouvrage.
; i N i. k
Il fit donc faire au haut de la vôûte de
l’Eglife, à quatre-vingt - trois pieds de
terre, une ouverture horizontale, dans laquelle
il fit fcelJër une plaque de bronze
percée d’un trou circulaire d’un pouce de
diamètre. L ’image du Soleil, en paflant par
ce trou, vint rafer lès deux piliers, 8c tomber
fur la ligne que notre Philofophe avoit
marquée , laquelle devint la méridienne
projettée.Il eut parce moyen tous les jours
à midi l’image du Soleil fous la forme d’une
ellipfe, 8c il la vit s’y promener tous les
jours à mefure que cet Aftre s’approchoit
ou s’éloignoit du zénith de Bologne.
Pendant qu’il travailloit à cela, il invita
les Aftrdnomes , par un écrit public,
à l’obfervation du folftice d’été de ï 6 ƒ y ,
temps où il comptoit que fa méridienne
feroit finie. Elle le fut effectivement.
D ’autres obfervations fubféquentes à
celle-ci, lui apprirent que l’obliquité de
l’écliptique n’étoit que de 23 degrés 28
minutes & 30 fécondés, au lieu de 23
degrés 30 minutes qu’on lui donnoit, 8c
que la variation de la vîtefle du Soleil
étoit en partie réelle 8c en partie appa-,
rente.
Ces découvertes le mirent en état de
compofer des tables du mouvement du
Soleil, beaucoup plus exaCtes que celles
qu’on avoit jufqu’alors. Il les publia en
16 6 2 , avec les éphémérides du Marquis
Malvafia *. Ces tables furent un témoignage
de la bonté de la méridienne.,
comme elle conftata leur juftefle ; car on
vit le Soleil paffer par les points de la
méridienne, au moment même marqué
par les tables.
Dans ces tables C assini n’avoit admis
les réfractions que jufqu’au 4 f e degré,
conformément au fentiment de Tycho-
Brahé j c’étoit une faute. Il la reconnut
en examinant la nature des réfractions
par un procédé géométrique, 8c l’expérience
ou l’obfervation confirma fa théorie.
L ’une & l’autre lui apprirent que les
réfractions avoient lieu jufqu’au zénith ;
mais que depuis le 43e degré jufqu’à ce
Les Ephe'me'ridcs font des tables de l’état du Ciel pour chaque année.