v i i i D I S C O U R S
meut & le vivifie. C’eft cette ame
qui porte la sève dans les plantes
pour les faire croître, qui fait
éclore & les fleurs & les fruits , qui
produit dans les entrailles delà terre
toutes les fortes de métaux, qui
fait briller lefoleil qui nous éclaire,
& les aftres qui roulent fur nos
têtes.
Cette ame eft aufli la caufe de
tous les météores ignés & aqueux.
A cette fin elle agite l’air qui eft enfermé
dans de grands réfervoirs qui
font dans le fein de la terre ; & cet
air étant mu avec rapidité, ôt changeant
de forme félon les efpèces de
filières par où il paffe, & qui le modifient
, il produit tantôt des trem-
blemens de terre & tantôt des volcans;
& en s’échappant de la terre,
il forme les éclairs, le tonnerre,
la neige, la grêle , en un môt les
orages, & tout ce qui s’enfuit.
Après la mort de Sénèque, la
Phyfique fut abfolument abandonnée.
Comme on continua à prof-
çrire les Philofophes delà Capitale
du Monde, il fallut céder au temps,
& fuivre le torrent de la force &de
la barbarie. Ce ne fut qu’au milieu
du quinzième fiècle qu’on reprit
l’étude de cette fcience. On chercha
avec foin tous les Ouvrages qui
en traitoient, & on n’en trouva
point de plus complets que ceux
à’^rijîote. Ses huit Livres des principes
naturels furent fur-tout lé
guide qu’on fe propofa de prendre,
parce que dans ces principes naturels
, l’Auteur examine fort au
long la nature des corps, & tout ce
qui y a rapport, comme le mouvement
, le lieu, le temps. C’eft une
production affez embrouillée , affez
obfcure, &on peut le dire aujourd’hui,
allez mauvaife : mais on s’imagina
qu’elle contenoit les véritables
élémens de la Phyfique ; & dans
cette perfuafion, on l’étüdia avec
foin. Cette étude, bien loin d’en faire
çonnoître tous les défauts, ne fer-
vit au contraire qu’à la faire efti-
mer toujours de plus en plus. Quoi-
qu slriflote veuille tout expliquer
avec des móts (d), fans donner aucune
railbn, parce qu’il ne doute
de rien, qu’il entend tout fans rien
comprendre, on crut qu’effettive-
ment il ne fe trompoit pas. Ses vues ,
fa hardielfe & fa grande fagacité ,
le firent regarder comme le plus
grand Phyficien qui eût paru dans
le monde. On s’imagina même ne
pouvoir faire de progrès dans la
Phyfique qu’en fui vant fa méthode ,
& cette opinion produifit un effet
tout contraire,
Ç ’efi ce que firent bien voir les
Philofophes qui parurent à la re-
naiffance des Lettrés. Les premiers
ayant jugé que le véritable moyen
d’étudier la Phyfique avec fuccès ,
(d ) Voyez le Difcours préliminaire du troifièjne Volume, pag. xxvyi.
cétoic
P R E B I M I N A I R E . ix
c’étoit de faire des obfervations,
inventèrent les verres convexes &
concaves, & découvrirent la propriété
que l’aimant a de fe diriger
au nord. Un Moine Anglois de l’Ordre
des Frères Mineurs, il connu
: fous le nom de Roger Bacon , com-
• pofa plufieurs Ouvrages de Phyfique
pleins de vues nouvelles très-
propres à accélérer les progrès de
cette fcience. C ’étoit principalement
fur l’optique qu’il avoit travaillé
; & en examinant les loix de
la réfraction de la lumière, il avoit
préfumé l’invention des lunettes. Il
publia aufli plufieurs fecrets ; mais
tout cela n’étoit que des matériaux
très - précieux fans doute, & non
une méthode pour fe conduire dans
l’étude de la Phyfique. Il falloit fur-
tout découvrir cette méthode, &
c’eft ce que cherchèrent Ramus, le
Chancèlier Bacon, Gajfendi & Def-
cartes. Ce dernier Philofophe en
donna une excellente ; mais comme
il embraffoit toutes les connoiffan-
cçs humaines, fa méthode n’étoit
pointaffezparticulièreàlaPhyfique.
Les Difciples de ce grand homme,
qui fe dévouèrent aux progrès
de cettè fciènce, s’imposèrent cette
tâche; & en attendant qu’une heu-
reufe idée fécondât leurs recherches
, ils firent des obfervations fur
tous les phénomènes de la nature ;
je dis tous les phénomènes , car il
n’en eft aucun qui ne foit dureffort
de la Phyfique. Elle a pour objet la
pâture & les propriétés des corps
en général, & en particulier celles
des fluides, de l’air, du feu, de
l’eau, de la terre, des météores
ignés & aqueux, des vents & des
feux fouterrains. En un mot , & les
corps céleftes, & les productions de
la terre, & le méchanifme des êtres
animés, & le fpeétacle du c ie l,
forment l’étude du Phyficien. Il ob-
ferve tous les effets, & en afligne
les caufes.
L ’obfer vation, l ’expérience & le
raifonnement font donc les moyens
qu’on doit mettre en oeuvre pour
acquérir cette qualité ; & tels furent
ceux qu’employa le premier
Phyficien moderne. Rohault , qui eft
ce Phyficien, comprit que la feule
manière de faire des progrès dans la
fcience à laquelle il s’étoit dévoué;,
c’étoit de réunir le raifonnement
avec l’expérience. Il les concilia-, &
forma ainfi non-feulement le meilleur
& le plus complet Traité de
Phyfique qui eût paru jufq-u’alors,
mais aufli un Ouvrage très-eftimé
encore, aujourd’hui, & qui le fera
fans doute dans tous les temps.
L e célèbre Boyle fon fucceffeur
s’attacha à faire une collection de
faits fur l’Hiftoire naturelle, & des
effais fans nombre, afin de connoî-
tre les véritables agens de, la nature.
Ses recherches furent im-
menfes, & fes découvertes importantes;
mais il fe borna aux obfervations
& aux expériences.. Plus
hardi que lu i, Hartfoeker voulut
çonnoître les caufes des effets. Dans
b