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L E ME R Y.*
C * E t o i t un beau temps que la
fin du dernier fiècle. Tout confpi-
roit à étendre la fphère des connoiflan-
çes humaines. La terre fe peuploit de
Philofophes , & on travailloit en tous
lieux à perfectionner les fciences. Chacun
cultivoit les heureux talens dont la
nature i’avoit favorifé. Tandis que Bur~
nu imaginoit le commencement du monde
& la conftru&ion du globe que nous
habitons , les Chymiftes continuoient
fans relâche à faire i’analyfe des corps,
dont ce globe eft compofé.
Ofwald Crqllius décrivoit les procédés
de ces Philofophes .avec la plus grande
fidélité 6c la plus fcrupuleufe exactitude.
II étoit admirateur o.utré. de Paracelfi.
Il admettait comme lui les influences des
aftres , la Chiromancie, la reflemblance
des corps céleftes 6c fublunaires, 6c vou-
loit les faire fçrvir d e . fondemens à la
Médecine. Ces extravagances firent un
peu tort à fes travaux fur la Chymie.
On prit de-là occafion de les décrier,
ôc de méprifer cette fcience.
Un Chymifte habile, nommé Tache-
riius , ne vit point fans émotion cet égarement.
Il voulut faire l’éloge de la Chy-
mie, 6c compofa trois Ouvrages dans
lefquels il la porta aux nues.: C’eft par
des voies chymiques, dit-il, que la nature
produit tous les êtres qui compo-
fent l’univers; que tout eft; mû,dirigé,
accru, diminué 6c détruit. Le corps humain
éft un fourneau de Chymie, où fe
préparent, fe macèrent 6c fe digèrent
les alimens nécefîaires à fa fubfiftance 6c
à fa confervation. Et voici comment Ta-
chcnius raifonnoit : L’acidité de certaines
liqueurs corrodent les métaux : c’eft donc
un acide qui dilfoud les alimens dans l’ef-
tomac. Lorfqu’on mêle les acides ayec
des aromates , qui font extrêmement
âcres, il fe fait une violenté effeçvef»
cence qui produit une grande chaleur :
de même l ’acidité du chyle produit la
chaleur naturelle , en fe mêlant avec
le fang : 6c fl le chyle & le fapg ,.en
fe mêlant , forment une liqueur, qui
foit âcre , il y a alors.une fièvre ardente.
Et comme le.nitre , le fel. marin
& le fel ammoniac refroidiflent l’eau,
c’eft à ces matières mêlées dans le fang
qu’il faut attribuer, le , friflon de la. fié-,
v r e , &c.
Ce fyftême de Chymie , tput ridicule
qu’il étoit, réconcilia beaucoup de
perfonnes avec cette fciençe ; mais on
fe plaignoit toujours que les Chymiftes
affeftoient un langage obfcur 6c myfté-
rieux qui étoit inintelligible ; qu’ils
avoient des idées creufes qui ne s’accor-
dpient point .avec .celles qu’un iioinme
fenfé doit avoir, telles que la fympathie
des métaux avec les pjanè.tes & avec lès
principales parties dii corps humain ;
qu’ils fe vantaient ridiculement, devoir
un alkaeft qui diflblvoit tout , 6c qu’pn
n’avoit jamais.,vu ; enfin qu’ils çfécri-
voient leurs opérations d’u.ne manière
fi énigmatique, 6c chargées.’de tant de
circonftances inutiles & impofllblès ,
qu’on pouvoit douter de la vérité de
ces operations, ou penfer qu’il y avoit
déjà mauvaife foi dans leur procédé.
Il étoit temps de difliper les ténèbres
naturelles, ou affe&ées de la Chymie,
de la réduire à des idées plus, nettes &
plus fimples, .& d’abolir la barbarie de
ion langage. Le Chymifte dont je vais
.écrire l’hiftoire , s’impofa cette tâche, 6c la remplit avec le plus grand fucces.
Nicolas L e m e r y ( c’eft le nom de ce
Chymifte) naquit^ à Rouen, le 17 No-
? ^°S,e. M Lemcrj par AI, de Fogteneüe. Difîionnaire hijlorique'de Médecine} a r t . Lcmery. E t fes O u v r a g e s .
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