IV D I S C
chofes. Avant lu i, on parvenoit à
la connoiffance de ces lignes par
ce principe : La différence de deux
quantités inégales peut s’ajouter
plufieurs.fois à elle-même, en telle
forte qu’elle furpaffera une quantité
finie propofée de la même efpè-
ce. Mais quelque beau que fût ce
principe , il n’étoit point du tout
évident. La méthode à'Archimède
étoit au contraire aulïi lumineufe
que féconde. Elle cofififtoit à comparer
les figures curvilignes aux figures
reftilignes, en circonfcrivant
celles-ci autour de celles-là , afin
d’avoir leur différence, quideve-
noit par cette opération plus petite
qu’aucune quantité donnée. Par
cette méthode , ce grand homme
fitplufieurs belles découvertes dans
la théorie des courbes,; & il eft à
croire qu’il fe fût élevé à celles de
nos jours, fi des çirconftances particulières
ne l’euffent diftrait de
cette étude.
On fait que Hieron, Roi de Sy- ■
racufe -, pria Archimède, qui étoit
fon parent, de chercher un moyen
de connoître combien on avoit mêlé
d’argent dans une couronne d’or
qu’il avoit fait faire, & que cette
recherche conduifit Archimède à
l’étude de la fcience du mouvement
des eaux, dont il découvrit les principes.
Ces principes font, qu’un
corps plongé dans un liquide, déplace
un volume d’eau égal à fon
poids ; qu’un corps plus léger que
l’eau y fumage ; qu’il y eft entiè-
O U R S
rement plongé, s’il eft de même
pefanteur fpécifique que Peau ; Sc
qu’il tombe au fond, s’il eft plus pe-
fant. Il inventa aufli quelques machines
pour l’épuifement des eaux,
qui font allez connues. Cette étude
tenoit fi fort à celle de laMécha-
nique, qu'Archimède paffa , fans
prefque s’en appercevoir, de l’une
à l’autre.
Architas de Tarente avoit déjà
jetté les premiers fondemens de
cette fcience. C’étoit à la fois un
habile Géomètre & un grand Général.
Il commanda fept fois l’Armée
des Tarentins, &ne fut jamais
vaincu. On canoniferoit aujour-
d hui ( fi je puis me fervir de ce ter-
nié).!Un Général qui auroit fèrvi
avec tant de gloire. Mais cette habileté
néceffaire pour vaincre , étoit
peu de chofe aux yeux d’Architas.
Il eftimoit infiniment plus les découvertes
qu’il avoit faites dans les
Mathématiques , parce quelles
étoient fon propre ouvrage , que
les victoires qu’il avoit remportées,
auxquelles tant de têtes avoient
coopéré. Il n’eft pas même douteux
qu’Arc hit as ne fût oublié, s’il n’avoit
été que Héros.
Indépendamment de quelques
inventions méchaniques , ce Ma-'
thématicien' s’étoit rendu recommandable
par les efforts qu’il avoit
fait pour founiettre les loix du mouvement
aux loix de la Géométrie.
C étoit un projet Q\x Archimède mit
à exécution avec le plus heureux fuc-
P R E L 1 M I N A I R E . V
cès. Il développa tellement la pro-
greflion des puiffances, qu’il affura
qu’il 'n’y avoit point de réfiftance
qu’il ne fût capable de vaincre.Don-
nez-moi un point, dit-il, & je foule-
verai laT erre.Cela parut impofïible;
mais il eft démontré que le lévier
feul peut produire cet effet. Il faudrait
, à la vérité, qu’il eût plufieurs
millions de millions de lieues de longueur
*. Mais Archimède diminuoit
cette longueur, en combinant les lé-
viers. Il découvrit auffi les loix de
l’équilibre, en fufpendant des poids
égaux à la même diftance du point
d’appui.
Toutes ces découvertes avoient
acquis à Archimède la plus belle
réputation. On leregardoit dans le
monde comme un Dieu fur terre,
& c’étoit l’oracle qu’on confultoit
dans toutes les occafions. Il foutint
feul le fiége de Syracufe par des
inventions & des machines également
extraordinaires & ingénieufes,
avec lefquelles il défoloit les Aflié-
geans. Il n’eft aucun Hiftorien de
l’Antiquité qui n’en ait parlé. Cet habile
Mathématicien avoit encore inventé
d’autres machines purement
agréables qui font peu connues.C’é-
toitune Orgue hydraulique qui for-
moit un concert, dans lequel on en-
tendoit des voix, des flûtes & des
fons d’autres inftrumens ; des lanternes
qui s’entretenoient d’elles-mê-
*’ Cette longueur eft déterminée dans le
Phyjique, art. Lévier.
mes, & une machine compofée de
quatorze lames d’ivoire, qui repré-
fentoit différentes figures, & qui fer-
voit à aider la mémoire : Solebat que
nobis ptteris his loculus ad confirmant
dummemoriamplurimumprodejfie, dit
Fortunatiams dans fon De Arte merrie
a. Je rapporte les paroles de
cet Auteur, pour juftîfier ce que
j’avance. O n ne concevra pas aifé-
ment comment des lames d’ivoire
pouvoient aider la mémoire. Mais
on ne s’eft pas mieux expliqué fur
les machines d'Archimède. Tout ce
qu’on en a dit eft fort vague. Qu’eft-
çe que c’étoîent, par exemple, que
des lanternes qui s’entretenoient
d’elleS-mêmes ? C ’eft fans doute la
faute de cet habile Géomètre, fi
nous ne fommés pas mieux inftruits
à cet égard : car comme il ne faifoit
cas que de la théorie de la Mécha-
nique, il dédaignait toutes ces inventions
qu’il regardoit comme des
jeux d’efprit peu dignes de confédération.
Voilà pourquoi il oublia
de les décrire, & qü’ôn n ’en a par
conféquent qu’une connoiffance fi
imparfaite.
• Ce grand homme mourut deux
cens douze ans avant J. C. Jufquea-
là on avoit négligé l’Aftrononsiie , &
cette fcience étoit prefquë à naître
encore, tandis quelaMéchanique,
l’Hydraulique, & fur-tout la Géométrie,
avoient fait beaucoup de
Dictionnaire univerfel de Mathématiques O1 de