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dans les manipulations, étoient regardés
comme de grands Chymiftes, quoique
ce ne fuffent que des ouvriers fans principes
, 6c qui travailloient au hafard. On
ne croyoit point qu’on pût en établir
pour l’étude de la Chymie. Mais le Livre
de Lefevre deflilla les yeux de tout le
monde, 6c cette fcience fut déformais
une branche confidérable de la Philo-
fophie.
Aufli toute l’Europe favante lui fit
l’accueil le plus diftingué. Il fut fur-tout
fi goûté en Angleterre, que Charles I I ,
Roi de la Grande-Bretagne, ayant formé
un laboratoire de Chymie à Saint-James,
l’une de fes Maifons Royales, afin de
féconder les travaux de la Société Royale
qu’il venoit d’établir (c ) , jetta les yeux
fur notre Phiiofophe pour diriger ce
laboratoire. On lui en fit la propofition
de la part du R o i, 6c Louis X IV lui
ayant permis de l’accepter, il fe rendit à
Saint-James. On eftime que ce fut en
1664. Il publia l’année fuivante de fon
arrivée, un Difcours fur-h grand cordial
du Sieur .Walther Rauleigh. .
Mais ayant reçu des libéralités du Roi
d’Angleterre tous les fecours qu’il pou-
voit délirer pour la perfection de la
Chymie, il s’appliqua à l’étude de cette
fcience avec une nouvelle ardeur. Le
nombre 6c la qualité des inftrumens
qu’on lui fournit, l’argent dont on ne le
îaifla pas manquer, le mirent en état de
faire un grand nombre d’expériences. Il
fit plus d’opérations en un an, qu’il n’au-
roit ofé en tenter pendant le cours de fa
v ie , s’il eût travaillé à fes dépens.
Ce furent d’excellens matériaux pour
augmenter fon cours de Chymie. Aufli
en publia-t-il en 1669 une fécondé édition
bien fupérieure à la première ; 6c il
en donna en 1674 une troifième, qui eft
la dernière qu’il ait publiée. C ’eft vraisemblablement
peu de temps après cette
publication, que Lefevre paya le tribut
à la nature. Je dis vraifemblablement,
VR E:
car on ne fait point exaftement quand il
eft mort, 6c comment il efl: mort.
Ce Chymifte étoit grand admirateur
de Paracdfe, qu’il loue fans ceffe dans
fon cours de Chymie. Il étoit fort lié
avec le célèbre Boylc ; & on prétend
qu’il avoit'donné à ce Savant le fecret
d’une compofition qu’il appelloit Ens
pritnum Balfami, par laquelle il préten-
doit rendre la jeunefle 6c la vigueur aux
animaux décrépits. Du moins Boyle en
parle ainfi dans fes ouvrages; mais il ne
dit point en quoi confiftoit cette compofition.
C’étoit ici un Paraceljîfme, fi on
peut parier ainfi. On a vu que Paracdfe
fe vantoit d’avoir découvert un remède
univerfel ; 6c L e f e v r e ne croyoit pas
la chofe impoflible, comme on en peut
juger par ce qu’il en dit dans fon cours
de Chymie.
Au relie, cet Ouvrage mérite les plus
grands éloges, par la préciiion avec laquelle
l’Auteur a décrit tous les procédés
de cette fcience, 6c par fa fidélité 6c fon
exa&itude dans l’expofition de fes expériences.
Il ne refie plus qifà faire connoî-
tre le fyfiême ou la marche de ce Phiiofophe
, pour achever fon hifioire.
Analyfe de la Chymie de L E FEVRE*
Tous les corps ou mixtes font com-
pofés de cinq fubfiances , qui font, le
phlegme ou l ’eau, Vefprit ou le mercure »
le foufre ou l’huile, le fel 6c la terre.
Le phlegme eft la première fubftance
du mixte, qui fe montre à la vue, lorsque
le feu agit fur lui. On la voit premièrement
en forme de vapeur ; & lorf-
qu’elle efl: condenfée, elle fe réduit en
liqueur.
Vejprit eft une fubftance extrêmement
pénétrante : elle incife, ouvre, 6c atténue
les corps les plus folides 6c les plus fixes,
Elle empêche que le phlegme ne fe corrompe
, le rend pénétrant, 6c lui prête
toute fon aftivité,
(c) Voyez fur cet éwbliffcraent i’Hiftoirc de BojU, dans le fixièrae volume de cette Hifioire des Fhilofyhet
mdemts.
Ce
l e f e v r e : T 7
Ce qu’on appelleJoufre eft une fubftance
feléagineufe, qui s’enflamme facilement,
parce qu’elle eft d’une nature combuftible,
& c’eft par elle que les mixtes font eux-
mêmes çombuftibles. Elle eft le premier
principe de chaleur, & ne fe corrompt
jamais. Elle réfifte au froid, & ne fe gèle
point. Elle adoucit, l’acrimonie du Tel,
fe coagule & fe fixe par fon moyen ; mais
elle dompte l’acidite des efprits de telle
forte que les plus puiffantes eaux fortes
ne peuvent avoir prife fur elle. Dans la
compofition du mixte , cette fubftance
fert à lier la terre, qui n’eft que poudre,
avec le fel : elle tempère la féchereffe du
fol’ & la grande fluidité de l ’efprit.
Le phlegme, l’efprit & le foufre, font
des principes volatils qui fuyent le feu,
lequel les fait monter & fublimer en vapeur
: ce qui fait qu’ils ne pourraient
donner ai! mixte la fermeté requife pour
ia dureté ., s’il n’y avoit deux autres
fubftances fixes & permanentes. La première
eft une fubftance fimple qui n’a
aucune qualité notable. La fécondé eft une
fubftance qui réfifte au feu, qui fe difloud
dans l’eaù, & à laquelle on a donné le
nom de ,fel. ■
C ’eft un corps fec, friable, doué d’une
humidité intérieure, qui eft fixe & in-
combuftible, c*eft-à-dire qu’il réfifte au
feu, dans lequel il fe purifie. 11 ne fouffre
point de putréfa&ion, & peut fe confer-
ver fans être altéré. Il eft le fiége de toute
la nature , le centre où toutes les yertus
naturelles aboutiffent , la véritable fe-
mence des chofes, qui n’eft: qu’un fel
congelé, cuit & digéré ; tellement que fi
Ion fait bouillir quelque femence que ce
foit, on la rend fterile dans l’inftant, par-
ce que cette vertu féminale confifte en
un lel tres-fubtil qui fe réfoud dans l’eau.
La terre eft le dernier principe. C’eft
une fubftance fimple qui forme la folidité
tki mixte : car lorfqu’elle eft jointe au
fe l, elle caufe la corporéité, & par con-
foquqnt la continuité des parties : étant
melee avec l’huile, elle donne la.vifco-
fite & la ténacité : elle donne’avec le fel
la dureté & la fermeté,, & lorfqu’elle
prédomine dans un corps , elle' le rend
pefant, tardif, froid & ftuptde, s’il eft
permis de s’exprimer ainfi.
Suivant que ces principes ou ces
fubftances font unies, les mixtes font
parfaitement ou imparfaitement com-,
pofés.
Le corps imparfaitement compofé eft
celui qui n’a qu’une légère coagulation
de quelque principe, qui n’eft pas de
longue durée, & qui n’a point de maî-
treffe forme fubftantielle qui le rende
différent de fes principes. Telle eft la
glace ou la neige, qui ne font différentes
de l’eau que par la j on tri on de quelques
qualités étrangères.
Le mixte parfait a au contraire une
forme fubftantielle principale , diftinûe
des principes qui le compofent , & qui
eft par Conféquent de plus, longue durée ,
comme les minéraux, les végétaux & les
animaux.
Le corps qui eft parfaitement compofé
eft animé ou inanimé. Il eft animé
lorfqu’il eft doué d’une ame ou d’une
force vivifiante, & il eft inanimé lorfqu’il
eft privé de toute vie apparente,’
qui confifte au fentiment & au mouvement
fenfible.
Il y a deux efpèces de corps inanimés,
Les uns font tirés de la terre, & les autres
viennent des mixtes mêmes, foit animés,
foit inanimés. Ceux qui font tirés des entrailles
de la terre, s’appellent Minéraux.
On en diftingué. de trois efpèces : de
métaux, de pierres, & de moyens minéraux
, qu’on appelle aufli Marcaftites.
Le métal eft un mixte qui s’étendfous
le marteau , & qui fe fond au feu. Les
marcaftites font fufibles au feu, mais elles
ne s’étendent point fous le marteau. Et
les pierres ne s’étendent point fous le
marteau , ni ne fe fondent pas au feu.
%Les moyens minéraux font des fofliles
qui ont une nature moyenne entre les
métaux & les pierres, parce qu’ils participent
en quelque chofe de l’effence de
ces deux corps. Ils conviennent avec les
métaux par leur fufion, & appartiennent
aux pierres par leur friabilité. Ce qui
compofe & unit ces mixtes, ce font ou
des fucs métalliques diffous ou condenfés,
c