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les troncs d’arbres, d’où elles femblent
prendre nailfance, & que leur tige eft ronde
, lifle 8c couverte d une peau tiquetée
comme la peau des ferpents.
Enfin la plante nommée par le P. Plum
i e r faururus ou queue de léfard, eft
une plante rampante qui s’attache contre
les rochers 8c les arbres voifins : fa tige
principale 8c fa racine font prefque fem-
blables : il y a feulement cette différence,
que la couleur de la racine eft blanchâtre
, 8c que celle de la tige eft d’un
verd un peu pâle, marquetée de taches
de couleur de pourpre.
C ette plante poulfe un ou deux fruits
femblables à la queue d’un léfard, d’environ
un pied de long, 8c de près d’un
demi-pouce d’épais par en bas : ils font
d’un verd pâle 8c rayés par deux fpirales,
qui s’entrecroifant , forment de petits
lofanges, dont chacun a une petite éminence
ronde fituée à l’angle inférieur. Le
P . P l u m i e r dit que ces fruits font foli-
des , tendres, fucculents & infipides.
Cela paroît contradictoire j car comment
une chofe peut-elle être fucculente 8c in-
fipide en même temps ?
O n trouve encore dans l’ouvrage de ce
B otanifte, la defcription de quelques
plantes qu’il ne diftingue par aucun genre.
La fleur de la paflion eft la plus finguliere.
Quand elle eft épanouie, la moitié d’en
bas repréfente une coupe pentagone, du
milieu de laquelle s’élève un piftil garni
de cinq étamines, 8c quifoutient un jeune
fruit furmonté de trois petits clous :.on y
voit aufli la colonne, les bras tout tachetés
de points rouges : la tête des clous eft
fendue dans quelques-unes de ces Heurs,
& on y découvre'les plaies couvertes d une
poufliere jaune fort menue.
Le clématite & l’apocyn, que décrit
enfuite le P. Plumier , méritent aufli
une attention particulière. La première a
cette propriété, que fon fuc fait paroîyre
des ulcérés quand on en frotte quelque
partie du corps. Les gueux s’en fervent
pour exciter la compaflion, 8c on nomme
cette plante herbe aux gueux, à caufe de
cela. Ce mal apparent n’eft pas dange-
feux -7 les gueux le font paffer facilement
M I E R.
en lettivant avec de l’eau, ou en y applfc*
quant des feuilles de poirée. A l’égard de
l’apocyn , il a deux écorces qui contien-*
nent une matière filamenteufe femblable£
â la moufle d’arbre , fous- laquelle on-
trouve fon fruit qui eft tout rempli d’une <
efpece de coton très fin, très mollet
fort blanc, dont on fe fert aujourd’hui,
pour faire une forte de velours fembla-,
ble au velours de coton.
Notre Philofophe étoit bien connu-,
avant fon départ pour l’Amérique ; mais ,
fa defcription des plantes de ce pays ac-;
crut beaucoup fa réputation. La grande
eftime qu’on-faifoit de fes lumières, lui
proeuroit de fréquentes- vifites de ceux
qui cherchoient à s’inftruire. Un Marchand
Droguiûe de Paris, qui faifoit fon-
commerce avec beaucoup d’intelligence ,
le consulta un jour fur la cochenille. C’eft-
une fubftance qui donne une belle couleur
de pourpre j. on l’apporte de l’A métrique
en petits grains convexes , cannelés
d’un côté, 8c concaves de l’autre. Or il-
s’agifloit de favoir ce que c’ëtoit que cette
fubftance. On favoit qu’on trouvoit les»
grains de cochenille fur le figuier d’Inde
nommé opuntia, dont les fruits font rouges
8c teignent en couleur de fang les-
urines de ceux qui en ont mangé $ mais;
on ignoroit à quel titre ces grains appar-
tenoient à cet arbre} & le P. P l u m i e r découvrit
que chaque grain eft le ventre»
d’un petit infeéte couvert d’écailles., ÔS:
qui fe conferve par fa dureté,tandis que les-
autres parties fe deflèchént 8c périflenr*
C ’eft ce qu’il apprit au public dans une?
Lettre qu’il fit imprimer dans le Journal
des S avant? du mois d’Avril i <394, fous
ce titre : Réponfe du P . P l u m i e r à
M. Pontmet, Marchand Droguijle à Pa~
ris, fur la cochenille.
Les preuves qu’il donna de cette vé*
rité , ne parurent pas allez convaincantes
pour pérfuader tout le monde \ mais
il revint à la chargé quelques années
après, lorfqu’il eut en mains les témoignages
8c les matériaux néeeflâires à une
aémonftration "complette. En attendant
qu’il eut reçu ces témoignages 8c ces matériaux
j il publia un ouvrage curieux &;
P L U M I E R. >4 5
lïngiflier, intitulé : L 'a n de tourner ou de
faire en perfection toutes fortes d'ouvrages
izu tour.
Ce livre étoit fans doute bien étranger
à fes études de l’Hiftoire naturelle j mais
il avoit reçu dans fa jeuneflè les premières
leçons de cet art de fon pere : il
s’en étoit même amufé depuis , autant
que fes autres occupations pouvoient le
permettre : c’étoit fon diverriflement j 8c
£omme un homme de génie ne fe délafle
jamais fans fruit, il avoir perfedionnécet
jarr fans chercher â y parvenir. Ce travail
étoit trop utile au public pour ne
pas l’en gratifier ; & c’eft ce qui le dé-
-termina à le mettre au jour.
11 ne facrifia â cet ouvrage que le temps
«éceflaire pour le faire imprimer. Il reprit
tout de fuite l ’étude à laquelle la nature
l’avoir deftiné 8c qu’il cnltivoit avec
tant de fuceès.
Un jour en herborifant fur la montagne
de Lure , en Provence, pendant
J’é té , il fut tout d’un coup couvert d’une
quantité incroyable d ’une efpece de moucherons
, deux fois plus gros que les moucherons
ordinaires. Tous ces moucherons
avoient les ailes & le corps teints d ’un
bleu aufli éclatant que l’azur le plus vif.
Il en écrafa quelques-uns fur du papier
.qu’ils colorèrent d’un très beau bleu oé-
lefte , 8c il conferva ce papier fans que ce
Bleu air jamais perdu fon éclat. 11 fie part
de cette découverte au public, par une
•Lettre qui parut au mois de Septembre
•de 1705, dans les Mémoires de Trévoux.
Il publia en même temps, 8c dans les
■ mêmes M émoires, fa fécondé Lettre fur
la cochenille, pour prouver évidemment
que cette fubftance qui donne une fi belle
couleur de pourpre, eft le ventre d’un in-
Teéèe defïéché.
Il y a apparence que c’étoit ici un des
dxuits des différents voyages qu’il avoit
feics i l’Amérique j car le Miniftere d e
•Trance avoit été fi latis'fait -de fa deferip-
ition des plantes de ce pays, qu’il l’y avoit
jetivoye ä-diveriesrepL'ifes pour y faire une
^nouvelle récolte , ou pour y glaner les
plantes qu’il n’avoit point apperçues.
O n ignore abfolument les époques de ces
courfes} mais on fait qu’il faifoit aufli
facilement le voyage de l’Amérique, que
celui deVerfailles, & , on peut le dire en
faveur de fon amour pour la Botanique,
avec bien plus de plaifir.
Quoi qu’il en foie, il apportoic à chaque
voyage quelques nouvelles plantes ;
8c en recueillant toures ces plantes, il £e
trouva allez riche pour en compofer un
volum e, lequel parut en 1703 fous ce
titre : Nova Plantarum AmefLcanarum généra.
Prefque toutes les plantes que l’Auteur
décrit dans ce volume étoient connues
des Botaniftes anciens & modernes :
prefque tous en avoient parlé dans leurs
ouvrages. C’eft aufli ce que nous apprend
notre Philofophe en donnant â
chaque plante le nom de ces Botaniftes.
Ainn la plante de l’Amérique qu’on
trouve dans le livre de Béton , eft appelée
Belonia. Celle dont parle Gefner eft
nommée Gefneria. La plante que décrit
Jean Cafpar Bauhin eft défignée fous le
nom de Bauhinia. Ainfi des autres. L’Auteur
paie à chaque article un tribut de
louanges â ces Auteurs. 11 donne une notice
de leur vie 8c de leurs talents, 8c
jette en paflànt des fleurs fur leur tombeau.
Cette addition enrichit fon livre,
8c en rend la leéture agréable.
Au refte, notre Botanifte donne dans
ce li vre la defcription & les figures de 106
nouveaux genres de plantes, qü’il avoit
deflînées dans les ifles de l’Amé-riqüe. Il y a
joint- un catalogue de toutes les èfpeces
de plantes qu’il a encore deflînées dans ces
ifles, 8c dont les genres font marqués dans
les Inftitutions Botaniques de Tourne-
/orCf(eï )-n.’ éto.i t poin■ t ici_ -toute la moiflon
qu’il avoit faite en Amérique : il avoic
encore dans fon cabinet la defcription
8c les figures d’environ neuf cents plantes
Américaines, deflînées par lui même
, 8c l’hiftoire naturelle d’un grand
nombre d oifeaux, de poiflbôs,' de coqiiilm
(1) Voyez ci-après l’Hiftoire de Tour ne fort.