phore avec ébulitïon , il jetta dans la
phiole un demi-gros de mercure ,. 8c la
fecoua fortement pendant deux ou trois
minutes. Par cette opération le phof-
phore s’amalgama avec le mercure, ce
qui produifit un nouveau phofphore très-
lumineux ; car en le portant dans un
lieu obfcur , il fit paroître ce lieu tout
en feu.
Notre Philofophe avoit d’autres idées
fur les phofphores; mais il voulut les
laiffer mûrir avant que de faire de
nouvelles expériences; 8c comme il étoit
curieux de connoître les métaux, il alla
voir les mines de Saxe , de Hongrie r de
Bohême 8c de Suède.
Il trouva à Stokolm un laboratoire de
Chymie que le Roi venoit d’y établir, 8c
que le premier Médecin de Sa Majefté
Suédoife ( M. Hierna ) devoit mettre en
crédit. Homberg offrit fes connoiffan-
ces à ce Directeur du laboratoire , qui
furent acceptées avec tranfport; 8c il contribua
ainfi aux premiers fuccès de ce
nouvel établiffement.
Ce ne fut pas un travail perdu pour lui ;
car il ébaucha dans fes opérations plusieurs
belles découvertes, auxquelles il
fe réferva de donner la dernière main à
la fin de fes courfes. Son deffein en voyageant
étoit uniquement d’obferver les fin-
gularités de l’hiftoire des pays , & de
s’inftruire des induftries des Artiftes dans
leurs travaux.
Toujours animé par ce motif, du fond
du Nord il fe rendit en Hollande, d’où il
vint en France pour la fécondé fois. Son
père, qui neleperdoit pas de vue, jugea
qu’il étoit temps de le fixer. Il difpofa
un mariage, 8c le manda de venir le trouver
pour le conclure. Notre Philofophe
ne crut pas devoir refufer cette fatisfac-
tion à fon père ; mais comme il étoit prêt
à partir, il reçut un ordre du Roi de venir
parler au Miniftre. C’étoit M. Colbert qui
le mandoit, 8c il étoit aifé de deviner
quel étoit le motif de cet ordre. Ce Mi-
nifire, qui vouloit peupler la France de
gens de mérite, 8c qui faifoit un tas infini
de celui d’HoMBERG , lui fit des offres
très-preffantes ôc très-avantageufçs, pour
l’engager à s’arrêter à Paris. Notre Phifd--
fophe balança fur le parti qu’il devoit
prendre, 8c enfin fe détermina à accepter
ces offres.
M. Homberg n’apprit point fans-douleur
cette nouvelle. C e ne fut pas encore là
le plus mauvais fervice qu’on lui rendit
en France. Homberg avoit été élevé
dans la Religion prétendue réformée, qui
étoit la Religion de fon père ; mais on lui
fit connoître à Paris que cette réforme
étoit une illufion. Les preuves qu’on lui
en donna lui deflîl-lèrent les yeux, 8c il
n’héfita pas de l ’abjurer pour entrer dans
l’Eglife Romaine. Ce dernier trait alluma,
la colère de fon père. Il éclata , 8c mani-
fefia toute fon indignation en le déshéritant.
C’eft en idj&i que notre Chymifte fît
abjuration. Il n’eut plus dès ce moment
d’autre reffource pour fubfifter que les
bienfaits- qu’il tenoit de Louis le Grand.
par les mains de fon illuftre Miniftre.
Il pouvpit & il devoit même compter fur
fon mérite, 8c il fongea férieufement à
en tirer parti.
Il fe lia avec les Savans les plus diftin-
gués , 8c les perfonnes. de la plus grande
confidération. 11 connut particulièrement
M. l’Abbé de Chalucet, depuis Evêque de
Toulon, qui entêté de l’Alchimie, tra-
vailloit avec une efpèce d’aventurier à la
découverte de la pierre philofophale.
Homberg regardoit ce travail comme
bien, inutile ; mais le Chymifte de M. de
Chalucet, qui avoit intérêt qu’on ne détrompât
point ce Prélat, fit préfent à
notre Philofophe d’un lingot d?or prétendu
philofophique, qui étoit de très-bon
o r , 8c qui valoit bien quatre cent livres.
Homberg obferva de plus près qu’il
n’avoit fait encore la conduite de cet
homme qui en favoit tant, 8c craignit
par un excès de prudence d’en trop favoir.
Il rompit même tout commerce avec
M. de Chalucet, pour n’étre pas obligé de
s’expliquer.
Il paroît que ce Prélat ne fit aucune
démarche pour le rétablir. Prévenu comme
il l’étoit en faveur d’un charlatan , il
pe pouYoit apprécier les talens d’HoMBerg
. D’ailleurs ces talens avoient bien
perdu de leur prix depuis la mort de
M. Colbert arrivée en 1683. Perfonnene
s’intéreffoit aux fciences , 8c les Savans
fans proteâion étoient affez négligés.
Notre Philofophe ne jugea pas à propos
de reftervplus long-temps dans une
Ville où l’on ne diftinguoit plus les gens
de mérite. Il en fortit en 1687 pour aller
à Rome. Quoique fans biens, ne recevant
plus rien de fa famille depuis fon abjuration
, il efpéra fe tirer d’affaire en exerçant
la Médecine , 8c le fuccès répondit parfaitement
à fes efpérances. Un jufte discernement
8c fes connoiffances phyfiques
8c chymiques lui faifoient découvrir très-
fouvent la caufe des maladies , 8c les
remèdes convenables. C’en étoit affez
pour avoir beaucoup de malades, qui lui
procuroient fuffifamment de quoi vivre
honorablem ent.
Cet exercice de Médecine le ramena à
l’étude de la Phyfique. Elle lui devenoit
néceffaire pour le traitement des maladies,
8c fon inclination le portoit encore
à cette étude. En travaillant dans fon cabinet
, il fe fou vint delà découverte qu’il
avoit faite dans fon premier voyage d’Italie
, du fecret duphofphore de la pierre
de Boulogne ; 8c il crut mavoir point
©bfiervé là-deffus tout ce qu’il auroit pu
©bferver.
H trouva aifément de ces pierres dans
Rome., 8c en calcina une. Dans cette opération
, il apperçut que l ’exhalaifon ful-
fureufe de cette pierre étoit - extrêmement
fubtile : il remarqua même qu’elle
traverfoit tous les corps qu’elle rencontrait.
Pour s’affurer du fait, il enferma
dans des boîtes de fer,. de l’argent 8c du
laiton ; 8c les ayant expofés à l ’exhalaifon
de la pierre, il vit avec étonnement en
ouvrant la boîte que l’argent étoit devenu
couleur d’o r , 8c le laiton couleur
d’argent.
Le hafard confirma cette découverte.
Il avoit mis une pierre de Boulogne calcinée
dans un tiroir où étoit une montre
d’argent. Au bout de huit ou dix jours,
comme il cherchoit quelque chofe dans
ce tiroir, il trouva la montre d’argent
dorée, 8c toutes les roues du mouvement
argentées ; mais quinze jours après , la
boîte devint tout-à-fait noire, de même
que les roues-de la montre , qui étoient-
fi.fort corrodées, qu’on ne put jamais-
les- nettoyer ,• ni les faire fervir comme
auparavant.
Ces expériences le conduifirent à»d’au--
très fur la même matière. Un jour e»
calcinant du fel par la chaux v ive , il fut
furpris de voir que ces matières s’étoient
fondues. Il mit ce mélange dans un mor-'
tier, qu’il battit avec un pilon, afin d’in-'
corporer mieux les deux matières fondues
, 8c en les pilant, il apperçut qu’&
chaque coup de pilon elles- paroiffoient
lumineufes. Il ne douta pas dèsdors qu<?
ce ne fut ici la compofition d’un nouveau;
phofphore, 8c fes recherches confirmé--
rent fa conjeâure ; car il trouva un beaiï
phofphore par l ’opération fuivante.
Il mit dans un creufef une partie de fefc
ammoniac en poudre , 8c deux parties*
de chaux éteinte à l’air , 8c expofa ce
creufet à un petit feu de fufion. Lorfque
le creufet commença à rougir, le mélange
fe fondit en s’élevant 8c fe gonflant. Il le
remua pour hâter la fufion ; 8c lorfqu’il
vit .qu’elle étoit parfaite ,. il verfa ce
mélange dans un baflîn de cuivre, où il
fe refroidit, 8c forma une matière folide
grife 8c comme vitrifiée, qui étoit un:
véritable phofphore. En effet, lorfqu’or*
frappe fur cette matière avec quelque
corps dur, elle paroît en feu.
Il eft vrai que fi la matière fe caffe, on*
ne peut plus répéter Inexpérience. Pouf
parer à cet inconvénient, notre Philofophe
imagina de tremper des baguettes
de fer dans le mélange lorfqu’i l fut en
fufion. Elles en fouirent toutes couvertes;.
8c quand l'a matière fut refroidie*
il fit la même expérience qu’auparavant*
qu’il répéta tant qu’il voulut.-
IL fit encore un. autre eflài avec fon;
phofphore. Il en écrafa un morceau, 8c:
le mit ainfi broyé dans un flacon de erifi-
tal, dans lequel il verfa une liqueur acide:
comme l’huile de vitrioL IL s’éleva d’à»
bord une grande fumée. Homberg bom~
cha alors la bouteille avec du papier*