pojfèder, & il nen fortira que quand on
aura abjuré Ariftote, Avicenne & Galien,
& promis une foumijjîon parfaite au feul
P A R A C E L SE .
En attendant il travaillait toujours
pour le bien de l'humanité, en cherchant
par les fecours de la Chymie de nouveaux
remèdes , & il en découvrit un
qui mérite d’être connu. CTell un élixir
fait avec quatre onces de myrrhe d’A lexandrie
, d’aloes hépatique , de fafran
oriental, humefté avec de bon efprit-
de-vin alkoholifé > mêlé avec du foufre
reélifié, & fournis à une manipulation
très-favante. Cet élixir que Paracelse
appelle le baume des Anciens , qui eft
connu des Chymiftes fous le nom à'Elixir
de propriété y échauffe les parties roibles,
ôc les préferve de putrefa&ion. Il a la
fprtu confervatrice, fur-tout pour ceux
qiii font parvenus à l’âge de cinquante
ou foixante ans.
Notre Philofophe étoit à Saltzbourg
lorfqu’il compofoit cet élixir ; qu’il faifoit
des opérations de Chymie, & qu’il écri-
voit fur la théorie de cet art. Il y mourut
dans une auberge, au milieu de fa carrière
, ôc dans la chaleur de fes compofi-
tions, le 24 Septembre 15 4 1 , âgé de
48 ans. On prétend que fes ennemis l’em-
poifonnèrent. D’autres foutiennent que
ce fut l’excès du vin qui le mit au tombeau.
On n’en fait pas davantage fur fa
mort. Il fut enterre dans l’Hôpital de
Saint Sébaftien à Saltzbourg , à qui il
avoit donné le peu de bien qu’il avoit.
On mit fur fa tombe une Epitaphe qui
fait l’éloge de fon fa voir, &: qui honore
fa mémoire : la voici.
Conditur hic Philippus Theophraftus .,
injignis Medicince Doclor , qui dira ilia
vulnera, lepram, podagram , hydropijim ,
ali a que infanabdia corporis contagia , mi~
rificâ arte fufiulit, ac bona Jua in pa/upe-
res dijlribuenda collocandaque honoravit.
Anno 1S41, die 24 Scptemhris , vitam
cum morte commutavit.
Aurea pax vivis : requies eterna fepultis.
Cette Epitaphe eft fans doute l’ouvrage
d’un desdifciples de Paracelse,
qui a voulu flatter fon maître même
après fa mort, en ne le nommant que Théo-
phrajle. C’eft pouffer loin l’adulation.
Mais ces difciples étoient des enthoufiaf-
tes pour la gloire de notre Philofophe.
Ils embrafsèrent fes opinions, & crurent
à fes promeffes. Ils lièrent leurs
dogmes avec la Religion, dont ils empruntèrent
le defpotifme , la pompe &
les myftères. Ils cherchèrent en tâtonnant
à fuivre les traces de leur maître,
& leurs travaux leur valurent des con-
noiffances réelles.C’eft à eux qu’on doit
la découverte des efprits volatils d’urine ,
ceux de corne de cerf, de fang, & d’autres
fubftanees animales. Ils ont fait con-
noître plufieurs remèdes oubliés , comme
le mercure, l’antimoine, le foufre, le
nitre, l’opium & le fer, dont ils ont fait
différentes préparations utiles. Enfin ils
ont fini par publier les ouvrages de Pa racelse
, en les imprimant fous ce titre z
Operum Medico-Chymicorum , Jive Paru-
doxorum , tomi duodecim. La première
édition parut à Francfort en 1603 en
quatre volumes in-40 , & la fécondé à
Genève en 1658 en deux volumes in-
folio.
Paracelse avoit l’humeur inégale.
Il paffoit brufquement de l’étude à la débauche
, & fe livroit à l’une & à l’autre
avec excès. Son imagination toujours
échauffée lui faifoit faire bien des écarts,
dont fes moeurs fe reffentoient. 11 avoit
cependant le coeur excellent. Il étoit libéral
jufqu’à la prodigalité. Tous les mois
il faifoit faire un habit neuf, & donnoit
celui qu’il portoit au premier homme
qu’il rencontroit. Il revenoit même fou-
vent chez lui fans habit & fans le fou.
Mais quoiqu'Oporin fon Secrétaire fut
bien perfuadé que l’argent lui manquoit
abfolument, Paracelse ne laiffoit pas
que de lui montrer une bourfe d’argentT
lorfqu’il fe Ievoit, fans que 4e Secrétaire
pût comprendre d’oîi il l’avoit eue.
C’étoit ici un tour de gibecière que
notre Philofophe faifoit pour en impofer
à Oporin. Il avoit la manie ou la foi-
bleffe de paffer pour un homme tout-à-
fait extraordinaire, ôc il l’étoit à coup
fur. Il fe vantoit de pofféder le fecret de
la pierre philofophale, qu’il n’a voit pourtant
pas. Il prétendoit qu’on ne peut être
bon Médecin fans être un peu Magicien ;
ce qui fignifie apparemment, fans être
un peu charlatan. Il exaltoit à tous propos
les myftères & les abfurdités de la magie,
& appuyoit de tout fon pouvoir les promenés
extravagantes des Sorciers.
On lui a encore reproché d’avoir confondu
le facré avec le profane, les fables
avec les héréfies, la raifon avec la religion.
On l’a accufé aufii d’être un impie ; &
Oporin qui a demeuré deux ans avec lui,
dit que pendant ce temps - là il ne l’a
jamais vu ni entendu prier Dieu. Il dit
aufii qu’il avoit une grande averfion pour
les femmes. On a imaginé des hiftoires
pour expliquer cela. Les uns ont écrit que
Paracelse avoit été mutilé par un fol-
dat ; & d’autres veulent que ce foit par la
morfure d’un pourceau. On foutient ces
contes par un autre conte ; c’eft que le
vifage de ce Philofophe & d’autres indices
marquoient qu’il étoit eunuque.
Si Paracelse s’étoit fait moins d’ennemis
, au lieu de débiter ces fables ridicules
, on aiiroit expliqué fon éloignement
des femmes, en difant que fes grands travaux
ne lui permettoient pas de le diftraire
avec elles, & qu’un homme qui a tant
écrit & tant opéré pendant le cours d’une
vie fi courte, n’a pas pu avoir le temps
de faire fa cour au beau fexe ; mais en
difant cela on auroit loué ce Philofophe,
& on vouloit au contraire le décrier.
Rendons plus de juftice à ce grand
homme, en terminant fon hiftoire par ces
vérités. On doit à Paracelse l’art de
préparer des médicamens parle moyen de
la Chymie ; celui de la Chymie métallique
; la connoiffance des vertus de l’opium
& du mercure ; celle des trois principes
, fa voir le fe l, le foufre & le mercure
, que Bajîle Valentin n’avoit fait
qu’entrevoir. Avant lui, le langage de la
Médecine étoit un compofé de Latin, de
Grec & d’Arabe ; & Galien avoit une
autorité aufii defpotique dans les Ecoles
de Médecine, qu'Ariflote dans celles de
Philofophie. La théorie de fa Médecine
étoit fondée fur leurs qualités, leurs degrés
& leurs tempéramens ; & toute la pratique
de cet art confiftoit à faigner, à purger, à
faire vomir, & à donner des lavemens.
Paracelse blâma & cette théorie &
cette pratique, & fit voir aux Médecins
combien elles étoient bornées. Il publia
les véritables maximes de la Médecine ;
écrivit fur la Chirurgie, qu’il entendoit
très-bien, & fit connoître les principaux
remèdes pour guérir toutes fortes de
maladies.
Le Chancelier Bacon l’accufe de faire
mentir quelquefois l’expérience, de ne
pas vouloir toujours entendre fa voix , &
d’imaginer fes réponfes ; il avoue cependant
que fes principes font fondés dans la
nature, & qu’on en peut tirer beaucoup
d’avantages. Mais celui qui a le mieux
apprécié notre Philofophe, eft Gantherus
d’Andernac. Par àCELSE eft, dit-il , un
très-habile Chymifte. II a mis dans fes
ouvrages d’excellentes chofes : il y en a
mêlé aufii un grand nombre de frivoles
& de fauffes, & a répandu une fi grande
obfcurité fur les meilleures, qu’on ne
peut pas toujours les entendre & en profiter.
Il feroit à fouhaiter , ajoute ce Savant
, que Galien eût été moins diffus &
plusexaft,& Paracelse moins obfcur
& plus fincère. Mais chacun a fes bonnes
qualités & fes vices : il faut profiter du
bon, & laiffer le mauvais.
Voilà un jugement vrai & judicieux. I!
eft certain que Paracelse a vérifié cette
vérité de morale : Il n’y a point de grand
genie fans un peu de folie : nullum magnum
ingenium fine mixturâ dementice•
Bij