long récipient, on fufpend une plume 6c
un morceau de plomb , par le moyen d’un
relïort qu’on peut gouverner en dehors
à l’aide d’une verge , qui fort du récipient.
Après avoir pompé l’a ir, on
tourne la verge, & à l’inftant le reffort
lâche la plume 6c le morceau de plomb,
qui tombent ensemble, 6c parviennent
en même temps au fond du récipient :
ce qui fait voir que les corps, quoique
de pefanteur très-inégale, le meuvent
également vite dans leur chute, 6c que
les vîtelTes des corps dans cette chute
ne font point en raifon de leur poids ,.
mais de leur volume , comme Galilée,
rav .>it penlé.
C’eft en 1656 que la machine pneumatique
fut découverte , 6c par confé-
quent que ces belles vérités parurent.
Otto de G uericke en a voit déduit une autre
importante , qui étoit également inconnue
; c’eft que plus l’air eft comprimé,
plus 1a force éiaftique augmente , 6c au
contraire. B oy le découvrit encore
qu’on pou voit rendre l’air treize fois plus
denle en le comprimant, qu’il ne l’eft
dans fon état naturel.
Avec cette machine, il fit plufieurs
autres découvertes fur l’a ir, également
curieufes , d’après lefquelles il crut devoir
conclure ; 1 °. Que c’eft l’élafticité
de l’air qui élève 6c loutient le mercure
dans un tube vuide d’air ; 20. Que l’air
peut fe produire de différentes manières,
& qu’on en peut tirer du pain , des rai-
fins , des plantes , de la moutarde & des
pommes : mais il ôbferva que cet air artificiel
donne des effets différens de l’air
ordinaire comprimé, 6c qu’il y a à peu
près le même rapport entre les effets
de ces deux airs, qu’il y en a entre ceux
de l’air comprimé , 6c ceux de l’air non
. comprimé, ou dans fon état naturel.
Dans tout ce travail fur l’air, il découvrit
une chofe utile, c’eft que la viande
peut fe conferver long-temps dans l’air
comprimé.
Il ccmmuniquoit fes découvertes à
des Savans, qui s’affembloient chez le
Do&eur Wiskins, Principal du Collège
de Wadham. Cette affemblée fe te~
noit quelquefois chez hii ; car ces Savans
faifoient tant de cas de fes luniè-
re s , qu’ils cheahoient toutes les occa-
fions de lui donner des marques de leur;
eftime. Cela tormoit une efpèçe d’Aca--
demie, digne par fes travaux d’une forme-
folide.
Elle la reçut aufli bientôt. En 1658,
le Roi d’Angleterre donna des Lettres
patentes pour l’autorifcr à tenir des af-
lèmblées lous le titre de Société Royale
de Londres. Cet établiffement fit grand
plaifir à Bo y LE. Il abandonna tout
pour lui donner de la conliftance, 6c en
retirer les plus grands avantages. Comme
l’un des principaux membres de cette
Académie , il fentit qu’il étoit de fon devoir
de répondre à la confiance qu’on
lui avoit témoigné, & à la bonne opinion
qu’on avoit de fon mérite.
Il vint à Londres, 6c fe logea chez
fa foe ur, Comteffe de Rarielaugh, qui
l’aimoit tendrement, 6c qui prit de lui-
un foin tout particulier. L à, délivré de
tous les embarras du ménage, vivant dans
le célibat, il deftina fon temps, les con-
noiffances & fes grands biens à l’avancement
des fciences 6c à la gloire de la Société
Royale.
On elpéroit beaucoup de lui : il avoit
en effet toutes les qualités néceffaires
pour rendre les hommes favans 6c vertueux.
A une grande ouverture d’efprit,
fe joignoient de beaux fentimens de Religion.
Il avoit un refpeét fi profond pour
D ie u , qu’il ne prononçoit jamais fon
nom fans faire une paufe. Il prerioit même
tant d’intérêt pour fon culte , que le
Comte de Clarendon crut entrer dans les
vues du Créateur , en follicitant notre
Philofophe à embraffer l’état Eccléfiafi
tique. Il lui fit envifager les plus hautes
efpérances dans les dignités de cet état ;
mais B o y l e , qui avoit des intentions
très-pures, regarda ce motif 6c ces efpérances
comme des raifons pour ne
point s’engager dans les .Ordres facrés.
Se vouer à D ieu, chercher à être Mi-
niftre de J. C. par intérêt 6c par amour
des grandeurs humaines , lui paroiffoit
une çhofe horrible. Il avoit alors 33
B O Y LE.
hn$, & quoique ce fut l’âge où les honneurs
de ce monde flattent ta n t, il n’ef-
timoit que l’état libre 6c indépendant. Il
croyoit encore pouvoir dans cet état de-
fintéreffé rendre plus de fervice à la Religion
par fes difcours 6c fes écrits, qu’en
la prêchant par devoir. Il favoit que les
ennemis de la Religion ne font pas beaucoup
d’attention aux difcours des Prêtres,
& qu’ils difent que c eft leur métier ,
& qu'ils font p ayés pour cela. D’cùil con-
cluoit que moins il auroit de part à l’éràt
Eccléfiaftiqlie, plus il opéreroit de fruit.
Il perfilta donc dans la rélolution qn’;|
avoit prife de vivre en Philofophe, &
de préférer cet état aux polies lès plus
éminens. Ainfi il reprit la fuite de fes
études. Il commença par mettre en ordre
fes expériences fur l’air pour les publier.
Elles parurent en 1661 , foiis ie
titre d'Expériences Pkyjico - méchaniqùes
fu r la nature de l'air .*■ ( Phyjico - rnech 'a-
nical experiments upon the fpring and
Weight ô f the air). Il n’avoit pas cependant
terminé lès recherches fur les
propriétés de cet élément, mais il lès
abandonna pour examiner les chofes plus
en grand. Il voulut connoître toute la
nature. Dans cette vue il établit des principes
généraux qui dévoient le conduire
à la découverte du méchanifme de fes
plus beaux Ouvrages.
On croyoit alors que le nombre des
élémens des corps 6c des principes chy-
miques étoit déterminé, 6c on diftin-
guoit les élémens des principes : mais
notre Philofophe trouva que c’étoient
là deux erreurs. Il reconnut d’abord que
le nombre des élémens 6c des principes
eft incertain ; en fécond lieu, qu 'élémens
6c principes font une feule 6c même
chofe ; 6c enfin que le fel, le foufre 6c
le mercure ne font point les premiers
ou les plus fimples principes des corps,
félon l’opinion reçue, mais que ce font
feulement les premières comportions
des corpufcules ou des particules les plus
fimples.
Ce fut là le fujet d’un Livre qui parut
en 1661, fous le titre de The fceptical
2 3 Chymift, c’eft - à - dire le Chymifte fcep-
tique.
D e la connoiffance des élémens des
corps, B o y l e pafl’a à celle des corps
même. A l’aide d’une fuite de réflexions
6c d’expériences, il forma une théorie
des corps, qui en dévoila 6c leur nature
6c leurs propriétés générales. Voici
une idée de ce beau travail.
La matière de toits les corps eft la
même. C’eft une fubftance étendue, di-
vifible 6c impénétrable , 6c les corps ne
diffèrent entr’eux que par la modification
de la matière. Cette modification
provient des divers mouvemens auxquels
elle eft eh proie : ce font eux qui
forment la différence des corps. Ainfi
cette variété innombrable dès corps dépend,
i°. D e la figure des parties qui
les cômpofent ; 20. De leur repos; 30.
D e leur mouvement ; de forte que quand
la matière a été créée, elle a été douée
de ces qualités J la grandeur, la figure ,
le repos 6c le mouvement.
Ces qualités primitives fuppofées, il
eft évident que lés parties des corps doivent
avoir une fituation déterminée, 6c
c’eft l’arrangement des parties d’un corps
qui forme là contexture 6c fa modification.
Suivant que cette contexture 6z
cette modification varient, les qualités
du corps varient aufli. Car fi la difpofi-
tion particulière du corps doit produire
quelqu’effet, la puiffance qu’il a de le
produire fuppofe qu’il a les qualités propres
pour cela.
Quant à la forme des corps, on peut
fuppofer qu’elle doit fon origine à cette
alfociation d’accidens, qui eft nécef-
faire pour former un corps de telle ou
telle efpèce , dont la contexture totale
peut s’appeller leur forme.
Maintenant lorfque les accidens requis
pourconftituer une nouvélle efpèce, concourent
enfemble, il y a génération d’une
nouvelle efpèce, la matière préexiftante
recevant une nouvelle modification. Et
quand cette modification eft détruite,
le corps eft dit fe corrompre! A l’égard de
la putrélàâion, c’eft une forte de cor