4 ° P L U M I E R .
tôt le P. Maignan. Ses Supérieurs l’en-
voyerent à Rome, apparemment pour
le faire connoître du Générai de leur Ordre.
Il y continua fes études de Mathématiques,
Sc cultiva en même temps
la Peinture, la Sculpture, 8c Part de
tourner: mais ledefirde s’inftruire Payant
engagé à aller entendre les leçons de Bo
tanique que donnoit au Couvent Royal
de la Trinité un de fes Religieux , il fen-
tit renaître le goût qu’il avoit apporté en
naiflant pour cette fcience ; de forcé qu’il
quitta infenfiblement les Mathématiques
pour en faire une étude particuliere.Voiei
le compte qu’il rend lui-même de ce commencement
qui a eu des fuites fi heure
ufes.
»» Je dois j dit i l , la première incli-
» nation que j’ai eue pour l’étude des
» plantes aux curie ufes démonftrations
»> que le R P. Philippe Sergeant, très
» habile Pharmacien , Religieux de no-
m tre Ordre , de la province de France ,
*»_ 8c M. François de Onuphrïïo y Méde-
w çin Romain, firent dans notre Cou-
9» vent Royal de la Trinité du Monta
» Rome. Je quittai dès-lors infenfible-
*» ment l’étude des Mathématiques, qui
9» avoit fait jufqu’àce temps-là ma prin-
» cipale occupation , pour m’appliquer à
9» la Botanique. L’obéiffance m’ayant
Il rappelle dans ma province , j’obtins
» de mes Supérieurs la permiflion de
» parcourir les côtes de Provence , 8c les
99 montagnes des Alpes, pour y décou-
„ vrit ce qu’il y a de plus curieux en ma-
9» tierc de plantes : j avois même réfolu
9» de faire un nouveau pinax, ou Recueil
9* général des plantes, avec leurs figures,
»» 8c j en avois déjà un nombre .'confidé-
» rable de delfinées , lorfqu herborifant
9> le long des côtes de Marfeille, l’occa-
9» fion fe préfenta de faire le voyage de
» l’Amérique- M. Begon , fi connu des
9» Savants, qui trouve au milieu de fes
« grands emplois des moments à donner
9» à l’étude des fciences, étôit pour lors
99 Inrendapt des Galeres à Marfeille. Il
» fouhaitoit, pour fatisfaïre aux ordres
»» du R o i, de trouver quelqu’un qui pue
» faire le voyage de nos ifles Antilles
a ( où il avoit été Intendant ) potin
» y faire la recherche de tout ce que la
» nature y produit de plus rare Si de plus
» curieux. 11 en fit la proposition à M. Su-
» rian, fort capable non feulement dans
» la ccnnoiffance des plantes , mais aulli
» dans les fecrets de la Chymie, 8c il lui
w donna en même temps commiflion de
» chercher quelqu’un qui fût en état de
»» l’aider dans l’exécution de ce deflein.
»> M. Surian m’en fit U propofition : j’y
y» donnai les mains avec plaifir, 8i nous
99 entreprîmes quelque temps après le
*» voyage par les ordres de Sa Ma-
» jefté(i)».
Le P. Pl u mier partit donc pour les isles
Antilles avec M. Surian : il y herborifa
pendant deux ans, 8c il y deflina près de
fix cents plantes différentes, dont il donna
la defeription à fon retour 11 offrit le fruit
de-fon travail à Louis X I V , qui le reçut
très gracieu/emeniT : Sa Majefté lui en témoigna
fa gratitude par une penfion
affez confidérable , 8c par le titre de fon
Botaniffe qu elle lui conféra. Elle ordonna
en- même temps que /on ouvrage leroit
imprimé à fon Imprimerie royale , 8c que
les planches qui dévoient 1 accompagner >
feroient gravées à fes dépens.
Cet ouvrage parut en 1693 fous ce
titre : Defeription des plantés de l*Amérique
avec leurs figures, ùl y décrit trois
genres de plantes : favoir, les fougères,
les hémionites, les polypodes, les langues
de cerf 8c les capillaires ; c’eff le
premier genre. Le fécond genre eft formé
de plantes inconnues des Botaniffes , 8c
auxquelles il a donné le nom d'arum , de
dracontiüm 8c de faururus. Les périplo-
ques , c’eft-à-dire les plantes qui montent
en grimpant fur les arbres, compofent
le troifieme genre.
On diftingue trois fortes de fougères ,
des fougères mâles, des fougères femelles
8c des fougères aquatiques. Notre Boca-*
nift$
(1) Définition dfS Planter de l'Amérique, Préfaçç,
P L U M I E R . 4»
trîfte en décrit de ces différentes efpeces
fans les défigner. La première reffemble
à un petit palmier : la tige eft droite 8c
ifeft garnie de branches qu’au fommet,
où elles font difpofées en rond de même
que celles des palmiers. Au haut de cette
tig e , il y a environ douze branches étendues
en rond, qui repréfentent affez,
quand elles font jeunes, la volute d’un
chapiteau ionique ou la croffe d’un Evêque
: elles font toutes couvertes de petites
écailles pointues , rouffes 8c argentées
dans leurs bords.
La fécondé fougere que décrit le
P. Plumier , forme encore un arbre.
Cette fougere eft épineufe & à larges
feuilles : fes racines font chevelues, noires
, difperfées en gazon, 8c forment
quelquefois un tronc, 8c quelquefois des
tiges qui font une efpece de buiffon noir
fort épineux 8c épais comme le corps
d’un homme.
La fougere de marais, dorée, à feuilles
de langue, eft encore une fougere qui
mérite d’être diftinguée parmi celles
qu’on trouve dans la defoription des
plantes de l’Amérique : elle a quantité
dé racines fibre ufes 8c rouffeâtres , qui
jettent une toupe de tiges de neuf à dix
Îûeds de long , prefque aufli groffes que
é petit doigt : elles ont de chaque côté
une vingtaine de feuilles longues d’environ
un pied , 8c larges de près de deux
Îiouces, lefquelles ont la figure d’une
angue émouffee. Ces feuilles font men-
braneufes & folides comme du parchemin
: leur couleur eft un verd agréable,
& quelques-unes d’entre elles font couvertes
par derrière d’une poufliere dorée.
Liiémionite eft une plante fembiable
à ia langue de cerf, avec cette différence
pourtant, que fes feuilles ont deux grandes
oreilles à leur bafe. Cette plante
croît dans tous les lieux humides 8c ombrageux.
La plante appellée polypode ne fleurit
point : elle croît dans les forêts, dans les
vallées, & fur ies montagnes ombrageu-
fes. Ce n’eft que dans les puits 8c le long
dés ruiffeaux 8c des ravines que vient la
langue de cerf : il y en a de plufieurs
Tome F U I .
efpeces. Celles des Antilles different
des langues de cerf vulgaires qu’on a en
France, en ce que leurs feuilles font plus
grandes. Cette plante a ordinairement
huit à dix feuilles de dix pouces de long ;
leur couleur eft un verd gris : elle ne
fleurit point.
Tout le monde connoît le capillaire.
Les Botaniftes en diftinguent de différentes
fortes, parmi lefquelles on eftime
fur-tout celles du Canada 8c du B réfil :
celles des isles Antilles reffemblent affez
aux autres. On fait que cette plante eft
une efpece de fougere dont les feuilles
font odorantes 8c d’une faveur très agréable
.L
a plante que le P. Plumier nomme
arum j s’attache contre les troncs d’arbres,
de la même façon que les lierres. Sa tige
qui monte en ferpentant, a un peu plus
d’un pouce de groffeur : les feuilles viennent
au bout des branches alternativement
fort proches les unes des autres , 8c
fes fruits naiflent parmi les pédicules de
ces feuilles : leur enveloppe , qui a dix
pouces de hauteur, eft comme étranglée
vers le tiers de fa hauteur : la couleur de
fa partie fupérieure eft un verd très beau ;
& la partie inférieure eft d’une couleur de
feu fort agréable. Cette enveloppe renferme
une tige qui reffemble à deux pi*
Ions joints enfemble par un col fort étroit,
dont la couleur eft vermeille. Le pilon
fupérieur eft comme doré 8c tout buriné
par deux lignes fpirales qui montant
l’une à droite 8c l’autre à gauche, compofent
un vaiffeau dont les carreaux font
joints par une efpece de future. Le pilon
inférieur eft divifé en carreaux exagones,
dont les extrémités s’emboîtent l’une
dans l’autre, il y a dans le fond de chacun
de ces carreaux, une boule fort blanche
j 8c comme leur couleur eft d'un très
beau verd, il femble quon a enfoncé
une perle dans une émeraude. On pei^c
juger par la defeription de cette plante,
des autres efpeces a arum.
Les plantes que notre Philofophe décrit
fous le nom de dracontiüm _, ne font
que des ferpentaires} 8c on fait que les
ferpentaires naiflent particuliérement fui: