R Ê A
R éaumur voulut dévoiler la nature des
perles fines. Après avoir fait des obferva-
tions convenables, il aflura qu’elles font
toutes formées d’un fuc qui s’eft extra-
vafé de quelques vaiffeaux rompus, 8c a
été arreté entre des membranes, 8c qu’ain-
fi les perles font l’effet de quelque ma-
ladieou de quelque dérangement de l’animal.
Comme l’air 8c les aliments rendent
les habitants de certains pays Injets à certaines
maladies, de même, dit notre
Philosophe, les eaux des mers 8c des rivières
, que les poifïons refpirent, 8c qui
les nourriffent en partie, leur caufenc
bien des incommodités. Des moules de
même efpece ont des perles d'ans quelques
rivières, 8c n’en ont point dans
d ’autres. Nos huîtres nous feroient peut-
être beaucoup plusprécieufes , files eaux
de nos mers leur étoient auflî malfài-
fantes que celles de la côte de la Pêcherie
le font aux huîtres qui y vivent : au lieu
que les perles font rares dans nos huîtres,
elles y feroient peut être communes,
parceque ces coquillages feroientplus fu-
iets à la pierre qui forme les perles.
Cependant, quelque vraifemblable
que foit cette explication, plusieurs Na-
■ turaliftes eftimés ne croient pas qu’on
puiffe l’adopter. Le célébré S t e n o n , par
exemple , penfe que la matière des perles
n’eft autre chofe que celle qui forme la-
nacre de la coquille, 8c non un excrément
des huîtres, ni une concrétion graveleufe
du fuc nourricier dans les huîtres vieilles,
ou attaquées de maladies. G ’eft encore
un fentiment qu’on foutiendroit peut-
être plus - difficilement que celui de
R é a u m u r .
C ’éroit dans fon cabinet que notre
Philofophe faifoit toutes ces recherches.
Elles dévoient le conduire naturellement
à des occupations qui exigent le recueillement
8c la retraite : mais R é a u m u r
ne fuivis point de méthode à cet égard,
parceque fon- efprit fe prêtoit à tout.
Auflî du fond de fon cabinet il fe tranf-
porta tout d’un' coup fur toutes les r ivières
aurifères, ou qui roulent de l’or,
pour connoître la quantité de ce métal
qu’elles contiennent. 11 chercha enfuite
V M Ü R.
des moyens de ramaflércetof,& d’ende^
terminer le titre j 8c il trouva que l’or déf
la riviere d eC e ze eft à 1 8 karats 8 grains*
c’eft-à-dire qu’avant d’avoir été affiné i l
contient près d’ un quart de fon poids en
cuivre ou en argent3 que celui du Rhône
ne contient qu’un fixieme de ces matieresf
étrangères, il eft à 20 karats 3 que l'or dit
Rhin eft plus p u r , il‘ eft à 21 karats un*
quart 3 8c enfin que celui de l’A riege effc
encore plus p ur, étant à 22. karats un
quart. Ces découvertes font expofées dans
un-Mémoire favant, imprimé parmi ceux
de l’Académie des Sciences de 1718 fous
ce titre , E J fa is de l ’ H if lo ir e d e s R iv iè r e s
& des- RiujJ'emix du R o y a um e q ui ro u len t
d e s p a i lle t t e s d ’o r j av ec d e s o b fe rv a t io n s
f u r la maniéré d on t on ram a ffe c e s p a i lle t te
s , f u r le J a b le av ec le q u e l e lle s f o n t m êlées
j & f u r leu r t itr e .
L ’inquiétude eft générale fur le dépé~
riffèment des bois de ce royaume, 8c
peut-être cette inquiétude n’eft-elle que-
trop fondée C e n’eft pas feulement dans-,
les grandes villes où l’on fe plaint que l e
bois de toute efpece devient rare 3 on*
fait les mêmes plaintes dans la plupart
des pays où il eft le plus commun. C ’eftr
une réflexion que fit notre Philofophe ,~
& qui fixa fon attention. L ’utilité publique
, celle qui intérefle le plus grand-
nombre des citoyens, FaffeCfcant toujours
plus que les Amples curiofités naturelles*
i l abandonna leur étude pour s’en occn-
per. 11 chercha donc â prévenir ce dépérif-
femenc en employant les moyens les:
plus convenables pour cela. Ceux qui lui
parurent les plus expédients furent que les-
terreins deftinés aux bois donnaffent tout
le bois dont on a befôin en France 3 que
ces terreins fuflenr parfaitement mis en-
valeur 8c fur-tout qu’on empêchât leur
produit de diminuer.
Nos bois fe rcduifent à deux efpeces
générales, dit R é a u m u r , aux futaies 8c
aux taillis , c’eft-â-direauxbois de chauffage,
8c aux bois deftinés à l'ouvrage.
Pour augmenter les premiers , ce grand
Naturalifte voudroit qu'on fît des bois de-
châtaigniers qui fourniflent de belles 8c
bonnes charpentes 3 & à l’égard des-taillis^
R Ê À U M U R , é *
î l defireroit qu’on réglât leur coupe aux
âges les plus favorables. Les âges favorables
ne font -pas les mêmes pour
tous les pays , 8c pour les taillis ;de
toute efpece de bois. Et pour déterminer
ces âges 8c ces terreins, il fait-
droit faire des réglements, ; particuliers
pour chaque province & pour chaque partie
de province y conformément aux expériences
que notre Philofophe prefcrit.
Un autre moyen de multiplier les bois
en France, ce feroit de chercher fi les
pays étrangers n’ont point des arbres qui
nous feroient u tile s , 8c qui croîtroienc
aifément dans le royaume. Les maron-
niers ' d’Inde, dont nous avons vu les
progrès en fi peu d’années, ne font pas
apparemment les feuls arbres des pays
éloignés qui croîtroient bien chez nous 3
il y en a d’âutrçs probablement moins
beaux , mais dont nous tirerions plus de
produit.
Il faut lire dans le Mémoire de Ré a u ^-
m u r toutes les reflources qu’il fuggere
pour multiplier nos bois.* 11 eft imprimé
dans les M ém o ir e s d e l yA c a d ém ie d e s
S c ie n c e s avec ce titre : R é f le x io n s f u r l ’ é ta
t d e s b o is du royaume & f u r le s p r é ca
u t ion s q u ô n p o u r to it p ren d re p o u r en
em pêch er le d ép é r ijfem en t , & p o u r le s
m e t tr e en valeur. C ’eft une chofe étonnante
que la grande connoiflanee que ce
Savant a fur cette matière. 11 connoît
tout ce qui a rapport à cet objet : il a tout
vu : on diroit qu’il a paflfé fa vie dans- les
forêts* 8c qu’il a toujours vécu avec
des payfans , des agriculteurs 8c des
bûcherons. Mais ce qui eft encore plus
admirable, c’eft la facilité avec laquelle
il pafle d’un objet à un autre, quelque
différence qu’il y ait entre eux. Lorfqu’il
écrivit fur les b o is , il venoit de publier
1 t>. une D e f c r ip t io n d ’une m in e d e 1e r du
p a y s d e F o i x , av ec q uelqu es r é f le x io n s f u r
La m aniéré d on t e lle a é t é fo rm é e j 2°. une-
H i f lo ir e d es G u êp e s ; 3° . des R em a rq u e s
f u r le s co q u ille s fo j j i le s d e q uelqu es cantons,
d e la T o u ra in e , & f u r le s u t ilit é s q u o n e n
t ir e ; 4 ° . un M o y e n d e mettre le s ca r rojfes
& l e s b e r lin e s en é ta t d e p a j f e r p a r des. ch e m
in s p lu s é t r o it s q ue le s . ch em in s o rd in
a ir e s , & d e f e r e tir e r p lu s ' a ijém e n t d es o r n
iè r e s p r o fo n d e s ; 5 un E c r ie f u r la nature.
& la fo rm a t io n d e s ca illo u x . Il n’eft pas.
poflible d’analyfer toutes les productions
de notre Philofophe. Cette analyfe for-,
meroit un jufte volume. 11 faut fe borner
aux découvertes les plus intéreflTantes fur
la fcience à l’étude de laquelle il s’é-*
toit fpécialement dévoué, je veux dire
l ’Hiftoire Naturelle.
Celles qu’il fit fur le noftoch font de
ce nombre. Le noftoch eft un corps fpon-
gieu x , d’une figure irrégulière, d’un verd
brun un- peu tranfparent, tremblant au
toucher comme une gelée, qui ne fe fond
pas entre les. d o ig ts , que l’on a de la
peine à déchirer , comme fi c’étoit une
feu ille , 8c qui n’a cependant ni fibres ni
nervures. On le trouve fur divers terreins,
mais principalement fur des fables, fur
des allées de jardin , 8c après de grandes
pluies d’été. Il fe conferve tant que le
temps eft humide, 8c fe deffeche 8c péric
par le vent 8c par le foleil.
C e corps avoit été regardé par les anciens
Naturaliftes comme une efpece de
miracle ou de la terre ou même d u
ciel : on l ’appelloit F lo s ,t e r r a % F lo s ec e lu
M . M a g n o l 8c T o u r h e fo r t , plus éclairés
ou plus fages que cès gens-là , rangèrent
le noftoch parmi les plantes 3, mais ce n’é—
toit qu’unefimple conjecture. R é aum u r ,
qui ne fe contentoit pas de conjectures,
examina la chofe de plus près, 8c il trouva
que le noftoch eft une feuille qui boit
très avidement l’eau. Quand elle s-en
eft abreuvée 8c remplie , elle parole
dans fon état naturel : hors de là elle f&
plifle, fe chiffonne, 8c n’eft plus recon-
noiffable, ni même facile à appercevoir ::
de là vient qu’elle paroît naître fubice*-
ment 8c prefque miraculeufement. après
la pluie. Lorfqu’il revient de la pluie furie
noftoch bien defféché-, bien déguifé j.
il renaît ou reparoît auflï-tôt, 8c fero-
ble toujours également difpofé à fouf-
frir ces alternatives.
Cette feuille eft une efpece de plante .
fans racines : elle végété comme les plantes
de mer qui n’en ont p oint, 8c qui-
s’imbibent par tous les pores de leur fub