D I S C O U R S
arae métallique, d’une fubftance
moyenne, d’un mercure plus vif
que le mercure ordinaire, fans dire
ce que c’eft que cette ame, cette
fubftance, ce mercure; êt il eft à
'croire qu’il n’en favoit rien lui-
même. Ce font des mots dont on fe
payoit au défaut de raifons, lorf-
qu’ôn commença à cultiver les
fciences.
Bajile Valentin fuccéda à Arnauld
de Villeneuve êt à Raimond Lulle,
en qualité de Chymifte. Il naquit
en 14. i j , & fut Religieux Béné-
diêtin à Erfort, Ville capitale de
la haute Turinge. Il s’attacha à
faire fervir la Chymie à la Médecine
: Suffi le regarde-t-on comme
le fondateur de la Pharmacie-chy-
mique. Il a reconnu êt établi le
premier trois principes chymiques,
le fel, le foufre & le mercure.
Deux Hollandois ajoutèrent aux
découvertes de Valentin d’autres
découvertes importantes. Ils inventèrent
l’art d’émailler, êt écrivirent
fur les inftrumens néceffaires aux
opérations chymiques, fur les fels
& les huiles des métaux. Mais ces
connoiffances précieufes étoient
couvertes d'un voile myftérieux;
& en général leur manière d’écrire
nuifoit plus aux progrès de la
Chymie, que leurs expériences ôc
leurs découvertes n’y dontribuoient.
Car il eft encore plus avantageux à
la perfection de cette fcience, de
décrire clairement les expériences
qui n’ont rien produit, que d’ex-
pofer obfcurément celles qui ont
procuré quelque découverte.'
C ’eft ce que reconnut le premier
Paracelfe. Génie ardent êc impétueux,
véritablement capable des
plus grandes chofes., il forma le
projet de donner un nouvel éclat
à la Chymie, en la traitant avec
méthode : mais ce ne fut qu’un projet.
Ses découvertes & fes nouvelles
vues le flattèrent tellement, qu’il
nepenfaplus qu’à en tirer parti, ôc
oublia fon entreprife. Il crut tenir
en main les fecrets de la nature ; ôc
fe fixant d’abord au principe de la
vie de l’homme, il voulut rendre
l ’homme immortel, ou du moins
foutenir fon exiftence pendant plu-
fieurs fiècles.
Après avoir établi êc bien reconnu
un efprituniverfel qui anime
tous les êtres, il chercha un moyen
d’extraire cet efprit des plantes ; &
lorfqu’il l’eut trouvé , il ne douta
plus qu’il ne pût revivifier l’homme,
le rajeunir ôc le renoüveller. Cet
efprit étoit une liqueur extrêmement
fubtile, qui étant bue, devoit
opérer cet effet.
Comme Paracelfe étoit un homme
extraordinaire, êc que fon grand
favoir le rendoit très-recommandable
, ce fyftême eut des partifans.
La difficulté confiftoit à réuffir dans
l’opération que ce Chymifte pref-
crivoit,afin d’extraire cet efprit des
plantes, êt de vérifier le fait par
l’expérience : deux chofes abfolu-
ment néceffaires pour ajouter foi à
fes promeffes ; Ôc c’eft ce qui refis
encore à prouver.
P R E L I M I N A I R E . vi j
Ce n eft pas qu’on n’ait fait des
tentatives à cette fin ; mais elles
n’ont eu qu’un demi-fuccès, en
fuppofant qu’on foit obligé de croire
ce qu’on nous en rapporte (a).
Car quand cet efprit univerfel en
circulant dans toutes les parties du
corps, feroit capable de leur donner
une nouvelle v ie, il ne pourroit
rajeunir l’homme & le rendre immortel
, que dans le cas où toutes ces
parties exifteroient ou ne feroient
point altérées, ou du moins que le
principe de leur production êt de
leur accroiffement ne feroit point
détruit. Sans cette condition abfo-
lument effentielle, l’efprituniverfel
eft fans force êc fans vertu, parce
qu’il ne fauroit agir que fur des
choies qui exiftent.
On peut comparer l’effet de cet
efprit dans le corps de l’homme, à
celui des liqueurs injectées dans un
cadavre. Un fameux Anatomifte du
dernier fiècle , nommé Ruyfch , in-
jeCtoit une liqueur chaude êc préparée
dans les vaiffeaux des cadavres,
êc leur donnoit par ce moyen
le luftre, l’éclat ôc la fraîcheur de
la jeuneffe. On les prenoit pour des
perfonnes vivantes profondément
endormies. L ’homme fembloit continuer
de vivre après fa mort. Mais
ce n’étoit prefque que fur des cadavres
d’enfans qu’on pouvoit produire
cette merveille, parce que
tous les vaiffeaux 6c toutes les ramifications
y font encore en bon état;
aulieu que dans les vieillards, plu-
fieurs de ces vaiffeaux font entièrement
fermés, êc fou vent même déchirés.
Du moins il ne pouvoit y
avoir d’autre raifon qui pût empêcher
le fuccès de l ’opération. Car la
liqueur dont Ruyfch fe fervoitpour
fes injeûions, étoit fi fubtile, que
les parties des vaiffeauxles plus éloignées
de leurs ramifications, celles
qui étoient auffi déliées que les fils
des toiles d’araignées, devenoient
fenfibles. Affurément la liqueur de
Paracelfe pour revivifier l’homme ,
ne pouvoit être plus pénétrante.
Quoi qu'il en foit,cefuttoujours
une idée heureufe d’appliquer la
Chymie à la Médecine, c’eft-à-dire
de chercher dans cette fcience des
remèdes à nos maux. Auffi les plus
célèbres Médecins de ce temps-là
approuvèrent cette idée, ôc travaillèrent
de concert à former un art
chymique , qui eût pour objet la
préparation des médicamens.
C’eft par ce travail qa’Agricola,
Vanhelmont, Pioraventi, Glauber,&te,
trouvèrent plufieurs remèdes , 6c
découvrirent les moyens d’allier ,
de diffoudre 6c d’affiner les métaux.
Il eft vrai qu’ils opéroient fans principes
, êt qu’ils étoient encore plus
redevables au hafard qu’à leurs pénibles
recherches. Il falloit pourtant
établir des principes, fi on vou-
loit perfectionner la Chymie ; car
une pratique fans théorie , n’eft
qu’une routine qui ne petit point
( a ) Vo yez ci-après i’hiftoire de Paracelfe.