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être s’en croire l’auteur. Dans cette per-
fuafion, il publia en 1 606 la defcription
& l’ufage de ce compas, fous ce titre : Le
opera^ioni del compajji geometrico & mu-
tare.
Ce Livre paroiffoit à peine, qu’un Géo*
mètre nommé Baldejfar ( ou Balta^ar )
Capra publia un ouvrage, dans lequel il
»’attribua l’invention du compas de proportion
, dont il donna la conftru&ion
ôc l’ufage dans un traité intitulé : Vfus Cf
fabrica circini cujufdam proportionis per quem
omnia fere tum Euclidis tum Mathemati-
corum omnium problemata facili negotio re-
folvuntur. Galilée n’étoit pas ménagé
dans cet ouvrage. Il crut qu’il étoit de
fon honneur d’y répondre ; c’eft ce qu’il
fit dans un écrit imprimé à Venife en
1 607, fous le titre de Défenfe de Galileo
Galilei contre les calomnies Cf impojîures
de Baldejfar Capra,
Il y a apparence qu’il étoit alors à
IVenife, quoiqu’on ignore la raifon de ce
voyage ; car il eft certain que c’eft dans
cette ville qu’il apprit l’invention du Té-
lefcope, dont la date eft de 1609. Il eut
d’abord de la peine à ajouter foi à tout çe
qu’on difoit fur les effets du nouvel inf-
trument. D ’après la defcription qu’on lui
en fit, il jugea que la lumière en fe bri-
fant dans les verres dont il étoit compofé,
devoit produire ces effets. Il chercha en-
fuite quel pouvoir être l’arrangement
de ces verres. Il fit faire un long tuyau,
& garnit les deux extrémités de deux
verres, dont l’un étoit convexe Ôc l’autre
concave. Le fuccès couronna fes travaux.
Il apperçut à travers ce tuyau que les
objets paroiffoient trois fois plus gros
qu’ils ne l9étoient. I l en eut bientôt conf-
truit un autre, qui groflît trente fois ôc
davantage : il fe hâta de s’en fervir pour
obferver le Ciel.
La Lune fut le premier objet qu’il y
confidéra. Elle étoit alors prefque nouvelle
ou peu éclairée. Elle parut comme
dentelée dans les bords. I l vit enfuite que
ces inégalités étoient des éminences fur
la furface de la Lune femblables à des
montagnes. Sa curipfité le porta à me-
furer la hauteur çjç ces éminences ; il
trouva par un moyen géométrique fort
ingénieux, qu’elles étoient plus élevées
que la plus haute montagne de notre globe
: d’où il conclut que la Lune eft un
corps femblable à la terre.
Les découvertes' qu’il fît en confidé-
rant les Etoiles, ne le flattèrent pas moins
que celles qu’il avoit faites en obfervant
la Lune. Il vit que ce qui formoit la voie
la&ée n’étoit qu’une multitude d’Etoi*
les exceflivement petites , comme l’a*
voient conjecturé les Philofophes anciens.
Il en découvrit auflï plufieurs autres; ÔC
il étoit fur le point de prendre un état
plus détaillé des Aftres du Firmament,
lorlque le Grand Duc de Tofcane le rap-
pella à Pife. Ce Prince fentit combien il
étoit important qu’un homme comme
Galilée ne vécût point ailleurs que
dans fes Etats, dont il devoit être la lumière
ôc la gloire. Il l’établit chef & directeur
des études, & le combla d’honneurs
ôc de. bienfaits.
Notre Philofophe répondit à ces honnêtetés
comme il devoit le faire, &fans
perdre de temps, reprit la fuite de fes
obfervations. Le 8 Janvier de l’année
1 6 10 , il apperçut trois Aftres autour
de la Planète nommée Jupiter. I l crut
d’abord que c’étoient trois Etoiles, I l les
obferva encore la nuit fuivante, & reconnut
qu’ils avoient changé de place,
ôc que leur configuration n’étoit pas la
même que le jour précédent. Bientôt
après il apperçut auprès de Jupiter un
quatrième Aftre de la même efpèce que
les trois autres. J 1 n’eut rien de plus 3
coeur que de connoître la nature de ces
Aftres. Il les obferva pendant deux mois,
ôc ces obfervations lui apprirent que Jupiter
eft entouré de quatre petites Planètes
( connues fous le nom de Satellites )
quitournent autour de lui : il les nomma
Aftres Médicées ou Aftres Médicis, en l’honneur
de la Maifon de Médicis , qui le
protégeoit particulièrement, ôc il les fit
eônnoître aux Savans dans un ouvrage
qui parut au mois de Mars de la même
année 1 6 10 , fous le titre de Nuncius
ftdereus.
Çe n’çtpitiçi qu’une annonce. GalIï-^B
GA L 1
continua d’obferver ces Aftres jufqu’à ce
qu’il eût affez d’obfervations, afin de
former une théorie de leurs mouvemens.
I l crut fon travail fini au commencement
de 1613 , & il prédit leurs configurations
pour deux mois confécutifs.
De Jupiter il paffa à Vénus. Son Té-
lefcope lui fit voir des phafes femblables
à celles de la Lune. Cela nç l’étonna point,
parce qu’il penfoit que ce phénomène étoit
une fuite de la nature de cette Planète ;
mais il fut bien furpris, lorfqu’en regardant
Saturne, à l’aide de cet inftrument,
il vit à fès côtés deux efpèces de globes,
qu’il prit pour des Satellites immobiles.
I l fe trompoit ; car ayant obfervé cette
Planète deux ans après, il ne trouva
plus ces prétendus Satellites.
Ces obfervations avoient été interrompues
par une difpute qu’il eut en i é n
avec un Jéfuite nommé le P. Scheiner.
C ’étoit un Profeffeur de Collège , qui
obfervoit quelquefois, &qui à l’aide d’une
bonne lunette, fut affez heureux pour
découvrir des taches dans le Soleil, dont
il cherchoit à déterminer le diamètre apparent.
Il fe glorifioit beaucoup de cette
découverte ; mais étant allé en Italie, il
apprit avec amertume que Galilée s’en
faifoit honneur. Il fe plaignit hautement
& en appela au jugement des Savans.
Notre Philofophe le laiffa crier, & publia
quatre Dialogues en Italien, dans
lefquels il traita le P. Scheiner de vifion-
naire, qui fuppofoit des obfervations Ôc
des expériences, pour les ajufter à fes
idées. Ces Dialogues parurent fous ce
titre : Dove ne i congrejji diqualtro giornate
Jî difeorre fopra i due majfimi fiftemi del
mondo Ptolemaïco Cf Copernicano. Le Jéfuite
fut d’autant plus fenlîble à ce traitement,
que la grande réputation de Gal ilée
, en fixant l ’attention de toute l’Europe
, formoit un fort préjugé en fa faveur.
I l ne crut donc pas devoir fe jufti-
fier. La vengeance lui parut plus douce ôc
plus décifi ve. Dans cette vue, il dénonça
à l’Inquifition les quatre Dialogues,
comme contenant des propofitions hérétiques.
L ’héréfie confîftoit en ce que l’Auteur
admettoit le fyftême de Copernic,
L É E. 3t
c’eft-à-dire, le mouvement de la Terres
quoiqu’il ne fe déclarât pas ouvertes
ment.
En conféquence de cette dénonciation,’
ce grand Mathématicien fut cité à Rome
a la fin de l’année i t f i y , pour comparaître
devant le Saint Office. On le mit en
prifon , & on le détint jufqu’à ce qu’il fe
rétraftât. C ’eft auflï ce qu’il offrit de faire
au mois de Février 1616. On lui pré-
fenta alors deux propofitions extraites de
fon Livre , qu’on déclara abfurdes ôc fauf-
fès en Philofophie, formellement héréti-,
ques ôc contraires à l’Ecriture Sainte. La
première propofition étoit que le Soleil
eft au centre du monde ; ôc la fécondé ,
que non - feulement la Terre n’occupe
pas le centre du monde, comme il eft dit
dans l’Ecriture, mais encore qu’elle fe
meut autour du Soleil. Voici les propofitions
énoncées dans les propres termes
des Inquifîteurs.
I . Solem ejfe in centro mundi Cf immobi-
lem motu locali, eft propofitio abfiirda Cf
falfa in Philofophia, Cf formaliter heretica ,
quia eft exprefsè contraria Sacra Scriptura.
II. Terram non ejfe centrum mundi, nec
immobilem, fed moveri motu etiam diurno,
eft item propofitio abfurda Cf falfa in Philo-
fophiâ Cf Theologiâ confiderata, ad minus
erronea in fide.
Le 2 y du même mois de Février on
prononça fa fentence, qui portoit qu’il
renonceroit à fes opinions hérétiques, avec
défenfes de les maintenir de vive voix ou
par écrit, ôc de les infpirer à qui que ce
fût. G alilée promit de fe foumettre à
ce décret, ôc il fut élargi. Il réfolut pourtant
de fe venger, ôc en attendant qu’il
en eût l’occafion , il s’occupa de la réfif—
tance desfolides, quil vouloit foumettre
à des loix. C ’étoit une fuite de fes médi-
tations^ fur la Méchanique. Ayant établi
des principes déduits de la nature des
bois, il découvrit ces vérités : i° . La
réfiftance des corps dans leur rupture eft
proportionnelle aux quarrés de leurs côtés
femblables. 2°.Un cylindre creux réfifte
plus que s’il étoit folide. De là il conclut
qu’il y a un terme de grandeur , au-delà
duquel un corps fe romproit au moindre