être poflîble de le foutenir. L ’autre , intitulé
, Des diffèrent accident de la vue, eft
beaucoup plus intéreffant & plus folide.
Il contient une théorie très-belle de l’optique,
dans laquelle on trouve tout ce qui
peut arriver à la vue, fuivant la différente
conftitution de l’ofeil, ou les différens acci-
dens qui peuvent lui furvénir. 11 y a furtout
dans ce Mémoire un calcul très-fin pour
connoître l’extrême dé licatéffë de la rétine
fur laquelle fe peignent les objets,- & celle
des filets du nerfoptiquequilacompofent.
L’Auteur fuppôfé qu’oh petit voit facilement
à quatre mille toifes de diftarice
une aîle de moulin à vent de fix pieds de
large. L ’oeil étant fuppofé d’ün pouce
de diamètre , la peinture de l’aîle fur la
rétine fera la huit millième partie d’un
pouce. Mais la huit millième partie d’un
pouce eft un peu moins que la fix cent
foixante-fixième partie d’une ligne. Or
on eftime la largeur d’une ligne égale à
celle de dix cheveux : la largeur de l’aîle
du moulin n’eft donc que la foixante-
fixième partie de la largeur d’un cheveu.
E t fi la largeur d’un cheveu n’eft que la huitième
partie d’un fil de ver à foie, comme
on le penfe, la peinture de l’aîle du moulin
dans le fond de l’oeil eft la huitième
partie de la largeur d’un fil de ver à foie.
Maintenant puifque cette peinture fait im-
preflîon fur le nerf optique, il faut tout au
moins qu’un des filets du nerf optique n’ait
de largeur que la huitième partie de celle
d’un ver à foie : fa grôfleur n’eft donc que la
foixante-quatrième partie de celle d’un filet
de ver à foie, ce qui eft inconcevable;
car chacun de ces filets du nerf optique eft
un tuyau qui contient des efprits.
En travaillant à l’optique , l a Hire
n’avoit pas perdu de vue la Méchàniquë
qu’il avoit étudiée avec fuccès.Cette étude
lui avoit fait connoître l’état aéluel de
cette partie des Mathématiques, & ce qui
manquoit à fa perfection, Il rouloit depuis
ce temps daris fà tête un projet d’une nouvelle
Méchanique ; & à mefure que fes Mé*
moires furlaPhyfique qu’il publioit avec
ceux de l’Académie, lui laiffoient quelques
momens de loifir, il jettoit fur le papier fes
nouvelles idées fur la Méchanique, Elles
formèrent les matériaüx du Traité fur
cette fcience, qui parut en 1 69y fou$ ce
titre : Traité de Méchanique, où Von explique
tout ce qui efi nécejjaire dans la pratique des
Arts, & les propriétés des corps pefants, lef -
quelles ont un grand ufage dans la Phyji-
que, Grc.
Ce Traité eft fondé für ce principe uni-*
que : c’eft que daris l’effort des puiff'dncès,
toutes chofes étant égales d'un côté & d’autre,
les ejfotts fönt égaux , 8c toutes les propositions
font démontrées à la maniéré
des anciens Géomètres. 11 contient là
théorie de la Méchanique, & l’application
de cette fcience aux Arts ; de forte qu’on y
trouve le méchanifme du mouvement dé
quelques animaux , celui de l’effort dès
cordes mouillées pour élevér dé gros fardeaux
, quelle eft la forme la plus avanta-
geufe des bras des moulins qui font jouer
des piftons, la conftrùétion d’une roue qui
fert à élever l’eau, oit le frottement n’elt
pas fenfible,&c. Toutes ces chofes font
très-curieufes, 8c rendent ce Livre fort piquant.
Pour en donner une idée, voici
comment l’Auteur explique l’effort des
cordes mouillées.
Quand le chanvre dont on fait les cof-
des éft verd, fes tuyaux font remplis d’une
sève qui le nourrit. Cette sève fe def-
sèche peu à peu dans la fuite, en paffant à
travers des pores des tuyaux, fans que l’air
puiffe remplir la place qu’elle occupoit; caf
l’expérience apprend que l’eau pafle facile*
ment par des ouvertures où l’air ne fauroit
paffer. Les efpaces de ces petits tuyaux
font comme autant de petits vafes vuides,
qui font par conféquent preffés par l’air.
Lorfque l’eau touche par dehors ces petits
tuyaux , elle s’infinue aifément au dedans,
en paffant à travers de leurs pores,
parce que l’air de dehors qui prefîe fur
les tuyaux , la pouffe pour la faire entrer.
Cela pofé, l’effort que l’on fait en tortillant
les fibres du chanvre pour former
la corde, lé réduit à un très-grand nonir
bre de petites cellules qui ont la formç
d’un fuleau, de façon qu’en s’enflant q
leur milieu, leurs extrémités fe rapprochent
, ’8c la corde fe raccourcit.
$i l’on füppofé donc qu’une' corde qui
a
a un pouce de diamètre, & qui eft chargée
d’un poids, augmente en diamètre de la
groffeur de deux lignes, en fe raccourcif-
fant d’un pouce fur fix pieds de longueur
quand elle fera mouillée,elle enleveradans
ce raccourciffement un poids de cinq cent
foi xante- quatorze livres & deux tiers.
En voici le calcul.
Une corde d’un pouce de diamètre fur
fix pieds de long, a deux cent vingt-deux
pouces & fix lignes de fuperficie. Qu’on
mouille cette corde dans le temps que le
mercure eft à vingt-fept pouces & demi
dans le baromètre , il faut alors quinze
livrés & demie de mercure fur un pouce
quarré, pour contrebalancer le poids de la
colonne d’air fur la même bafe. Le poids
de l’atmofphère fur la fuperficie de la
corde fera donc dans ce même temps de
trois mille quatre cent quarante-huit liv.
Mais dans l'équilibre il faut que la force
du poids qui foutient la corde foit égale à
la force du poids de trois mille quatre cent
quarante-huit livres. Or la force de ce
poids éft de fix mille huit cent quatre-vingt
feize,produit du nombre trois mille quatre
cent quarante-huit par deux lignes de chemin
qu’il eft en état de faire. Par conféquent
fi l’on divife ce produit par douze
lignes, qui eft le chemin que la corde fait
en fe raccourci fiant, on aura cinq cent
foixante-quatorze livres & deux tiers,
comme ond’avoit avancé.
Tous les Mathématiciens convinrent, &
font convenus depuis, qu’on ne peut pas
donner une explicatiçn plus naturelle &
plus vraie de l’effort des cordes mouillées.
Encouragé par ce fuffrage , l a PI ir e
forma le projet de dévoiler par ce calcul
la force des mufcles du corps humain
pour élever des fardeaux. Il compofa à
cette fin un Mémoire qui parut en 1
dans les Mémoires de l’Académie Royale
des Sciences, fous ce titre : Examen delà
force de L’homme pour mouvoir les fardeaux,
tant en levant, quen portant G? en tirant,
laquelle efi confîderée abfolument Gr par com-
paraifon à celle des animaux qui portent Gr
qui tirent comme les chevaux. Dans ce Mémoire,
il fuppofe d’abord qu’un homme
dé taille médiocre & qui eft fort, pèfe cent
quarante livres ; & il confidere que cet
homme ayant les genoux en terre, peut fe
relever en s’appuyant feulement fur la
pointe des pieds, & les deux genoux étant
toujours joints enfemble; mais cet effort fe
fait par le moyen des mufcles des jambes
& des cuiffes : donc les mufcles des jambes
& des cuiffes ont la force de lever cent
quarante livres.
L ’expérience apprend auffî qu’un pareil
homme peut fe redreffèr encore, quoiqu’il
foit chargé d’un poids de cent cinquante
livres, en forte que la force des mufcles
des jambes 8c des cuiffes peut élever un
poids de deux cent quatre-vingt-dix li vres,
favoir cent cinquante livres du poidsdont
il eft chargé, 8c cent quarante livres du
poids de fon corps.
Le même homme eft encore en état de
lever de terre un poids de’cent livres placé
entre fes jambes , en ployant feulement le
corps, & en prenant ce poids avec les deux
mains comme avec deux crochets, & en le
redreffant enfuite. Les feuls mufcles des
lombes ont donc la force de lever un
poids de centfoixante-dixlivres, cent livres
du poids, 8c foixante-dix livres de la
moitié de la pefanteur de fon corps : je dis
la moitié; car dans cette fituation, la
partie du corps de l’homme qui fe meut,
eft eftimée pefer la moitié de fon corps.
A l’égard de la force des bras pour tirer
ou pour élever un fardeau , on l’évalue à
cent foixaote livres , ce qui dépend de la
force des mufcles des épaules 8c des bras.
En effet, un homme élève aifément par
l’effort feul de fes bras le poids de fon
eorps& vingt livres. C ’eft un fait démontré
par l’expérience. Mais les mufcles des
bras & des épaules peuvent en fe retirant
élever un poids de cent foixante livres,
pourvu que le corps ne foit pas penché ;
car dans, ce cas, les bras ne pourront
foutenir ce poids, à moins que les mufcles
des lombes n’euflent la force de
foutenir en même temps la partie fupé-
rieure du corps avec le poids. Et fi les jarrets
étoientencore ployés,il faudroitque
les mufcles des jambes 8c des cuiffes fiffent
un plus grand effort,puifqu’ils doivent foutenir
lepoid. ce cent foixante livres, 8c
L