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d r e les chofes en g r a n d , & de fentir les
avan tages d’une h yp oth è fe q ui embrafle
l’ explica tion des phénomènes c o n n u s ,
& qui en fait naître d’ autres ; mais il
c o n v ien t que lesperfonnes é cla irées goû ten
t l’efprit fy ftém a tiq u e , & qu’ elles
eftiment particulièrement n otre Philo-
fop h e pou r a v o ir é té doué de ce t efprit.
Syflême de Phyjique de MoLIERES.
L a maxime fondamentale de l’ étude
d e la P h y f iq u e , c’eft de ne pas multip
lie r les principes fans néceftité , & de
dédu ire les effets de la nature des fup-
pofitions les plus Amples. D e cette maxim
e on peut conc lu re que le fy ftêm e
géné ral de la nature confifte en ce q u e ,
i ° . L ’univers fenfible a é té formé d’une
feu le fubftance qu’ on nomme matière ,
laque lle eft étendue en lo n g u e u r , larg
eu r & p ro fon d eu r , impénétrable ou cap
a b le d’ im p u lfio n , & diviflble en plu-
fieurs parties qu’ on appelle corps. 2 ° .
Q u e dès le commencement du m o n d e ,
la matière a é téd iv ilé e & fou d iv ifé e d e la
m mière la plus convenable à la produ ction
des effets par un agent général app
e lé force mouvante : caufe univerfe lle
de toutes les figures & de tous les mou-
v em en sd e s c o r p s , ou de tous les chan-
gemens de fituation des parties de la
mad è re les unes à l ’éga rd des autres.
3°. Q u e la fo r c e mouvante fe diftribue
dans les co rps par la feule impulfion &
fans aucune réfiflance de leur p a r t , de
te lle forte qu e la moindre force eft c a pable
de mettre le plus grand corps en
mou vement. 4 0. Q u ’ un corps a d’autant
plus de vitejfe qu’ il parcourt plus d’e f-
p a ce dans un certain tem p s , &. d’autant
plus de force qu’ il a plus de v îte fle .
En un m o t , on peut ne fuppofer dans
l ’univers que de la matière & du mouvem
en t , qui fe diftribue dans fes parties
p a r la feule im p u lfio n , & déduire par
o rd re de cette (impie fuppofitiontou s les
effets que nous y admirons.
C e la p o f é , il eft très - p robable que
tou t l’ efpace qu’occupe l’univers fenfible
n’a d ’abord é té exa&ement rempli
E R E S .
qu e d’ une feu le fubftance homo g èn e
étendue , impénétrable & d ivifib le ;
qu’enfuite ce tte fubftance a été fou divi-
fé e par la fo r c e mou vante de la façon
q u ’il c on v en o it le m ieux pour que c e m ouvemen
t & cette divifion & lou d ivifion
y fubfiftent perpétuellement ; q ue la forc e
mou van te continu e fans cefl'e à fe d if-
tribue r dans toutes les parties de la matiè
re , félon les lo ix des Méchaniques *
par la feu le entremife du c h o c ; q u ’enfin
de toutes les façons ima g in ab les , félon
lefqu elles la matière a pu ê tre mue y
dans la fuppofition que tou t eft p le in ,
la feule qui peut être durable , eft q u ’elle
a é té diftribuée en tourbillons fphéri-
q u e s , qui fe balancent m u tu e.lem en t,
& ce s tourbillons en d’autres tou rbillons
incomparablement plus petits , ainfi de
fuite.
D e ce tte d ivifion & fou divifion en
tou t f e n s , proviennent deux fortes de mat
iè r e s ; l’ une fubtile &C fans pefanteur ,
laque lle étant r é u n ie , peut forme r des
parties fenfibles qu’on nomme corps ; &C
ces corps ne font pefans que parce que
leurs parties ont perdu la forme de petits
tourbillons.
Suivant les lo ix de la Méchanique ,
le s planètes ont dû être autrefois des
étoiles fixes ; ca r une planète étant fu p -
p o fée un corps femblable à la terre', eft
un o u v ra g e fi c om p liq u é , qu’ il n’eft pas
poftible de co n c e v o ir q u ’elle ait pu tirer
méchaniquement fon o rig in e de la rencontre
fortuite des particules de la matiè
re pefante , éparfe çà & là dans le
tou rb illon folaire. Entraînée dans ce
to u rb illo n , les planètes fe font arrêtées
à une certaine diftance de fon c e n t r e ,
& ont é té pouflees v ers l’ équateur de
la cou che du tourbillon où elles fe font
arrêtées & y ont circu lé continuellement.
D an s leur m o u v em e n t , le plan de
l’ équateur de leur tourbillon fe t ro u v e
dans le plan de l’équateur du grand tourbillon
, & fe meut dans le même fens
que celu i de ce tou rbillon. Maintenant
fi o n fu p p o feq u e le tourbillon folaire eft:
moifis comprimé d’un certain cô té que
pa r-tou t aiLleurs, les planètes qu’i l en -
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traînera décriront néceftairement & con tinue
ront à dé crire des o v a le s dont le
fo le il fera un d e leurs f o y e r s , & dont
les plans s’entre-coup eront tou s & pafle-
ro n tp a r le centre de ce t aftre.
En circulant a in f i, les v ite fles de ch aqu
e planè te d o iven t ê tre entr’elles en
raifon in v e r fe de fes diftances au fole il :
c e qui e ft la prem ière lo i aftronomique
d e Kepler9 v é r ifié e par les obfe rva tion s ;
ca r il s’enfuit de-là que le ra y on v e& eu r
d ’une p lan è te , en parcourant fon o rb e ,
d é crira des aires proportionnelles au x
temps. En effet ,%dans le tou rbillon fphe-
r iq u e , les points de i’ équateur étant à une
ég a le diftance du centre de leurs m o u -
v em e n s , do iven t néceftairement a v o ir
une ég a le v îte ffe . A in fi un de ces points
do it pa rcourir en temps égaux des arcs
ég a u x , & fon r a y on v e â e u r doit déc
r ire en temps ég aux des aires égales ,
& pa r conféquent des aires proportionnelles
au x temps.
Il fuit encore q ue les diftances m o y en nes
de d eux planètes font en tre elles
com m e les racines cubiques des quarres
des temps de leurs révolu tion s : ce qui
e f t la fécondé lo i de-Kephr (d). C e la fe
p ro u v e a ifém en t, en admettant que le
tou rb illon folaire n’ eft pas exa&ement
fp h é r iq u e , & qu’ il eft inégalement c om primé.
A l’éga rd de la lu n e , dont les mou-
vemen s font fi ir ré gu lie r s , elle e f t emp
o r té e par le tou rbillon de la t e r r e , &
c e s irrégularités font produites pa r d eu x
caufes. L ’ u n e , c e font les parties du tou r b
illon q ui environne la t e r r e , & q ui font
chacune à part leurs révo lu tion s autour
de fon c e n tre , fuivant les lo ix de la c ir culation.
L ’autre caufe e ft le tou rbillon
en tie r de la terre autour du centre du
fo le il. C e s d eux caufes étant com b in ées ,
produifent le mouvement de la lune
a v e c toutes fes irrégularités.
L e s tourbillons ne font pas feulement
la caufe des mou vemens des co rps cele
fte s ; ils fon t aufti c e lle d e tous les^ phénomène
s de la nature. L ’air , 1 eau ,
l ’huile , le v if - a r g e n t , & généralement
tou t c e qu’on appelle fluide, e ft com p o fé
d e petits tourbillons ; de façon q u un milieu
com p ofé de petits tou rb illon s q ui
fe balancent lib rem en t, eft un flu ide .
C a r dans un m ilie u , le mou vement n e
peu t y être uniforme & p e rm an en t , s il
n’eft en tou rbillon ; &C la plus p etite g o u t te
d ’un fluide ne peu t ê tre un feul tourb
illon , mais un amas d e petits tou rbillon
s ; ca r on peut d iv ife r la moind re
g o u t te d’eau fans q u ’elle ce ffe d’e tre eau.
U air eft donc un amas de petits tou r billons
comp ofés des petits tou rb illons
de l’ éther : ce q ui le rend p e fan t , d iv i-
fible , tranfparent & p o r e u x ; car ce s
tou rbillons ont la p roprié té de p e f e r ,
d’ être d iv ifib le s , & de donner paffage à
la lumière. Son élafticité dépend de la
fo r c e qu’ont toutes les p a rtie s , q ui com -
pofent ce s petits tourbillons dont il e ft
fo rm é , à s’éloign e r de chacun des centres
autour defquels elles circu lent.
Veau e ft un fluide : c ’e f td o n c un amas
de petits tou rbillons q ui fe balancent
mutuellement. C ë s to u rb illo n s , q ui fon t
en co re un amas d e petits tou rbillons du
fécond é lém en t, font comp ofés de petits
tourbillons du prem ier é lém en t, lefqu els
ont chacun à. leu r cen tre un g lobu le p e fant
q ui c ircu le autour du g lobu le princ
ip a l , q ui eft au centre de chacun des
petits tourbillons.
Vhuile e ft en co re un amas de petits tou rbillons
du prem ier é lém e n t , com p ofés
de tourbillons incomparablement plus
p e t it s , q u i ont chacun un g lobu le pefant
à leu r centre. L e feu eft p roduit aufti par
le mouvement circu laire des petits tou rbillons
du premier é lém en t, & fon action
ne fe communique au x corps qu e
par l’entremife des molécules de l’huile.
A l’égard du fel9 il eft com p ofé de
molécu le s q ui ont la form e fp h é r iq u e ,
pa rce qu e ce tte form e eft une fuite du
( J ) V o y e z l ’ e x p o l ï t i o n d e c e s L o i x d a n s i H i f t o i r c d e Kepler
m o d e r n e s .
, T o m . V d e c e t t e H i f t o i r e d e s P h i lo f o p h e i B