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piller ce Livre en une infinité dyendroits. Notre
Philofophe s’en plaignit au Confeil du
R o i, & cette plainte avoit formé un procès
dont le Jugement auroit coûté cher au
Plagiaire ; mais cet Auteur ayant promis,
fous les peines de droit, qu’au cas qu’il
fît une nouvelle édition de fon Ouvrage,
il retrancherait ou ckangeroit tout ce qu’il
avoit pris dans les Expériences Phyfiques,
POLINIERF., fous cette condition expreffe,
difcontinua fes pourfuites. Les Imagers
copièrent auffi les gravures de ce Livre.
En un mot, on fe para par-tout des découvertes
de notre Philofophe, que le
Public fêtoit toujours de plus en plus.
Encouragé par fon fuffrage, il fe dif-
pofoit à donner une quatrième édition
de fes Expériences, plus riche encore en
nouveautés que la précédente , lorf-
qu’une mort fubite vint terminer fa carrière
& fes travaux. Cela arriva le 9
du mois de Février 1734. Il étoit à fa
maifo.i de campagne des Pillieres à Cou-
lonce, près de Vire, Ô£ il avoit 63 ans.
Après fa mort, fa famille donna au
Public la nouvelle édition de fa Phyfi-
que qu’il préparoit. Elle parut en cette
même année en deux volumes in-12. Et
on en a donné une cinquième édition en
ï 74i.
P o l i n i e r e étoit Do&eur en Médecine,
& Membre d’une Société des
A r ts , établie à Paris fous la prote&ion
de M. le Comte de Clermont, Prince du
Sang , laquelle n’exifte plus. 11 étoit d’un
flegme & d’une douceur admirables,
frugal, laborieux, infatigable, obligeant,
toujours égal. Il fut regretté de tous ceux
qui le connoifloient, & il luffifoit de le
voir pour le connoître. Il étoit extrêmement
retiré, foit à Paris, foità Vire
fa patrie, ou il n’a voit guères de commerce
avec le commun des hommes. Il
ne fe lioit qu’avec des efprits attentifs
8c curieux : fon front fe déridoit alors,
& il les écoutoit 8c leur parloit avec
plaifir.
II alloit régulièrement chaque année
à Paris vers la fin du cours des Claffes,
pour y faire des expériences phyfiques,
& U retournoit à Vire aux vacances. Il
avoit époufé dans ce lieu Marguerite
AJfelin, foeur de M. Affelin , Do&eur de
Sorbonne, Principal du Collège d’Harcourt
, qui a remporté le Prix de Poëfie
à l’Académie Françoife en 1709, trois
Prix de Poëfie aux Jeux Floreaux en
1713 , ôc qui a publié en 1715 un Poëme
fur la Religion, qui eft affez eftimé. Il a
eu de cette époufe quatre enfans, dont
l’un Julien-Pierre Poliniere, eft Doâeur
en Médecine, 6c l’autre Daniel Poliniere,
Prêtre, eft Prieur de Sainte Anne de Vire,
6c deux filles nommées Jeanne 8c Marie.
P o l i n i e r e ne fe bornoit pas dans
fes Ouvrages à éclairer l’efprit : il tra-
vailloit en même temps à former le coeur
pour la Religion. Plus fes recherches ôc
les découvertes devenoient abondantes,
plus elles lui fourniffoient de nouveaux
motifs de faire connoître l’Auteur de la
nature.
Dans l’avertiflement de fon Livre, il
dit que l’étude de la Phyfique eft un pré-
fervatif contre la faufte fcience, la crédulité
6c la fuperftition. Il veut qu’on ne
la confidère pas feulement comme la voie
la plus courte 6c la plus fûre pour connoître
l’eflence, les propriétés des corps,
6c le fyftême de l’univers; il prétend
encore qu’elle nous conduit 6c nous élève
jufqu’à la connoiflance de l’Etre fuprê-
me , parce que fa puiflance 8c fa fagefle
infinies fe découvrent pour a’mfi dire à
nos yeux d’une manière fenfible dans les
loix immuables que les expériences phyfiques
nous apprennent qu’il a impofées
à la nature.
En parlant des forces mouvantes, il
dit qu’on y reconnoît un léger vefiige
de la toute - puiffance de Dieu, qui fe
préfente à nous dans les différentes machines
, ou l’efprit humain, qui en eft
comme un rayon, emploie les foibles
forces du corps pour produire, ôc même
pour augmenter à l’infini des efforts extraordinaires,
6c par conféquent pour
mouvoir des fardeaux prodigieux.
Et dans les expériences de l’air, après
en avoir fait connoître les deux grandes
propriétés, la pefanteur 6c le reffort,
frappé de voir dans la nature un équilibre
parfait de toutes fes «forces, il le
regarde comme l’ouvrage de la fageffe
du Tout-puiffant, qui emploie avec tant
d’art ces agenS formidables à notre con-
fervation , plutôt qu’à notre deftruffion.
En contemplant, dit-il , comment cette
petite quantité d’air que nous refpirons
peut réfifter à la malle entière de l’at-
mofphère qui nous environne, peut-on
s’empêcher de reconnoître la bonté du
Créateur, qui nous conferve au milieu
de ces forces terribles qui nous affiégent
pendant toute notre v ie , & dont nous
ne pourrions prévenir les effets fans un
fecours vifibîe de fa providence ?
En un mot, notre Philofophe fait voir
que parmi les avantages de l’étude de
la Phyfique, le plus intéreffant eft de
nous convaincre de l’exiftence d’un Etre
fuprême, qui a tout produit & qui conferve
tout.
S y s t è m e d E x p é r i e n c e s
D E P O L I N 1 E R E .
Expériences fur la Méchanique.
1. Suivant le Syftême de Defcartes ,
la.caufe de la pefanteur des corps dépend
de l’effort de la matière fubtile qui
le meut autour de la terre plus vite
qu’elle. Pour imiter ce mouvement » on
prend des morceaux de cire à cacheter,
& on les met dans de l’eau contenue
dans un vafe rond dont le fond eft en
forme d’un grand plat. On meut enfuite
rapidement ce vafe, & les morceaux de
cire s’éloignent du centre. Et lorfqu on
l’arrête fubitemant, l’eau continuant encore
fon mouvement circulaire, ces parties
de cire fe raffemblent au centre
L’eau ainft mue imite le mouvement
de la matière fubtile qui fe meut autour
4e la terre, & les petits morceaux de cire
imitent les parties de la terre qui fe raffemblent
en une maffe ronde.
2. Mettez dans un tuyau de verre de
cinq ou fix lignes de diamètre,, ferme
par un bout, du verre broyé en poudre
groffière, de l’huile de tartre faite par
défaillance, de l’efprit de vin coloré fur
le fel de tartre, ou de la teinture de fel
de tartre, & de l’huile de pétrole distillée:
Bouchez enfuite l’autre extrémité
du tuyau qui eft ouverte.
Ayant agité un peu ce tuyau pour
brouiller ces quatre chofes , fi on le
remet en repos, le verre broyé reprend
fa place , c’eft à-dire tombe au fond ,
& les autres liqueurs fe féparent & fe
mettent auffi chacune en leur place, fui-
vànt leurs degrés de pefanteur ou de lé-
géteté.
On explique par cette expérience comment
, après que les petites parties de
la matière furent créées pêle-mêle, &
difperfées confufément, la terre, l’eau,
l’air & le feu ont pris chacun leur place.
Le verre broyé repréfente la terre,
l’huile de tartre l’eau, l’efprit de vin
coloré l’air , & l’huile de pétrole diftillée
le feu.
3 ! Attachez à deux bras d’une balance
deux poids qui foient en équilibre en-
tr’eux. Plongez un de ces poids dans un
vafe prefque plein d’eau. Ce poids deviendra
plus léger, & par conféquent
l ’autre poids paiera d’autant plus que celui
qui eft plongé aura perdu de fon
poids. Et ce poids eft égal à celui du volume
d’eati qu’il déplace.
Car lorfque le poids eft plongé dars
l’eau, il occupe une place qui feroit occupée
par un pareil volume d’eau. Ce
volume d’eau feroit foutenu par l’eau qui,
l’environne : donc l’effort que cette eau
environnante feroit pour le foutenir, eft
employé à agir contre la pefanteur du
poids qui eft plongé aûuellement dans
l’eau, & à le foutenir. Voilà pourquoi
la pefanteur du poids eft diminuée de la
valeurdupoids d’un pareil volume d’eau.
Ainft cette expérience apprend qim
la pefanteur relative que perd un corps
dans un fluide, eft donnée à ce fluide.
4. Liez les deux ouvertures de deux
veffies enfemble, & faites entrer dans
la première un petit tuyau de bois que
vous attacherez avec la veffie. Sufpen-
dez le tuyau qui fort de la velue à un
point fixe , & attachez un poids de dix
à douze livres à l’extrémité inférieure de
H ij