
E L O G E
n e z , ou p^r rapport à leurs fyfteraes particuliers, ou fans aucun fyileme. Par
là on eft en état d'étudier cette Plante dans les Auteurs qui en ont parlé, fans
craindre de lui attribuer ce qu'ils auront dit d'une autre, ou d'attribuer à une
autre ce qu'ils auront dit de celle-là. C'eft un prodigieux foulagement pour
Ja tnemoire, que tout fe réduife à retenir 14. figures de Fleurs, par le moyen
defquelles on defcend à 673. Genres, qui comprennent fous eux 8846. Efpeces
de Plantes, foit de Ter re, foit de Mer , connues jufqu'au temps de ce Livre.
Que feroit-ce s'il falloir connoître immédiatement ces 8846. Efpeces, &
cela fous tous les noms differens qu'il a plû aux Botaniftes de leur impofer? Ce
que nous venons de dire ici deraanderoit encore quelques reflriftions ou quelques
éclairciiîemens, mais nous les avons donnez dans l'Hiftoire de 1700. où
le fifteme de M. de Tournefort a été traité plus à fond & avec plus d'étendue.
Il parut être fort approuvé des Phificiens, c'eft à dire (& cela ne doit jamais
s'entendre autrement) du plus grand nombre des Phificiens. Il fut attaqué
fur quelques points par M. Rai , célébré Botanifte & Pliificien Anglois,
auquel M. de Tournefort répondit en 1697. par une DiiFertation Latine adreffée
à M. Sherard, autre Anglois, habile dans la mêmefcience. La difpute
f u t fans aigreur, & même airez polie de part & d'autre, ce qui eft alTez à remarquer.
On dira peut-être que le fujet ne valoit gueres la peine qu'on s'échaufràt
-, car dequoi s'agiiToit-il ? De favoir fi les fruits fuiEfoient pour établir
les Genres, fi une certaine Plante étoit d'un Genre ou d'un autre. Mais on
doit tenir compte aux hommes, & plus particulièrement auxfavans, de ne
s'échauffer pas beaucoup fur de legers fujets. M. de Tournefort dans un
Ouvrage pofterieur à la difpute, a donné de grands éloges à M. Rai, & même
fur fon Sifteme des Plantes.
Il fe fit recevoir Dofleur en Medecine de la Faculté de Paris , & en
1698. il publia un Livre intitulé Hiftoire des Tlantes qui naiffent aux envirous
de Taris, avec leur ufage dans la Medecine. Il eft facile de juger que celui
qui avoit été chercher des Plantes fur les fommets des Alpes & des Pirenées,
avoit diligemment herborifé dans tous les environs de Paris, depuis qu'ilyfaifoit
fon fejour. La Botanique ne feroit qu'une fimple curiofité, fi elle ne fe
rapportoit à la Medecine; & quand on veut qu'elle foit utile, c'eft la Botanique
de fon Pays qu'on doit le plus étudier , non que la Nature ait été auiîî
foigneufe qu'on le dit quelquefois, de mettre dans chaque Pays les Plantes qui
devoient convenir aux maladies des Habitans, mais parce qu'il eft plus commod
e d'employer ce qu'on a fous fa main, & que fouvent ce qui vient de loin,
n'en vaut pas mieux. Dans cette Hiftoire des Plantes des environs de Paris,
M. de Tournefort ralTemble outre leurs differens noms & leurs defcriptions,
les Analifes Chimiques que l'Academie en avoit faites, & leurs vertus les mieux
prouvées. Ce Livre feul répondroit fufiifamment au reproche que l'on fait
quelquefois aux Medecins, de n'aimer pas les Remedes tirez des Simples,
parce qu'ils font trop faciles, & d'un effet trop prompt. Certainement M.
de
E L O G E DE M. DE TOURNEFORT.
riP Tournefort en produit ici un grand nombre, cependant ils font la plupart
aiTez S g e " , & il femble qu'une%:ertaine fatalité ordonne qu'on les delirera
% T Z t ^ c o t p " r ? r m ! l Ï o T v . . g e s de M^ de-Tournefort un Livre, ou
du moins u n ^ p L i e d'un Livre, qu'ü n'a pourtant pas fait imprimer. Il porte
Su?t tTe i v l l Botanica, five clalogus TlanUnm, quasah ahquotanm^
^HTrto Reno Varsfienfl ftudwfis md-^gkavit vtr clarifmus Jofef bus VMon de
f o Z e f r l h air Medtcusi ut m^Tauti Herma,nu Tarai.fi Batav. -Prodro
S s é c Amftelodn^^^^^ 1699. Un Anglois nommé M. Simon VVarton, qui
Z i t étudié trois ans en Botanique au Jardin du Roi fous M. de Tournefort,
fit ce Catalogue des Plantes qu'il y avoit vues. , . ,
Comme les Eîemens de Botanique avoient eù tout le fucces que 1 Auteur
même pMvoit defirer, il en donna en 1700. uneTraduñion Latme en faveur
S t r a n g e r s , & plus ample, fous le titre de I„ptuttones Ret Herbar,^, en
tro s v S e s in 4 dont le premier contient les noms des Plantes diftnbuees
f d o n le fifteme de l'Auteur, & les deux autres leurs figures tres-bien gravees.
A la tête de cette Traduft ion eft une grande Preface ou Introduft ion a la Botanique,
qui contient avec les principes du fflerae de M. de Tournefor t ,ingenieufement
& folidement établis, une Hiftoire de la Botanique & des Botaniftes,
recueillie avec beaucoup de foin & agréablement ecrite. On naura
pas de peine à s'imaginer qu'il s'occupoit avec plaifir de tout ce qui avoit rap-
Dort à l'objet de fon amour.
Cet amour cependant n'étoit pas fi fidelle aux Plantes , qu il ne fe portât
nrefque avec la même ardeur à toutes les autrescuriofitezde laPhifique,Pierres
figurées Marcaftites rares, Petrifications & Criftalhfations extraordinair
e s , Coquillages de toutes les efpeces. Il eft vrai que du nornbre de ces fortes
d'infidelitez on en pourroit excepter fon goût pour les Pierres : car U
crovoit que c'étoient des Plantes qui vegetoient, & qui ayoïent des graines:
il étoit même aflTez difpofé à étendre ce fifteme jufqu'au métaux, & il lemble
qu'autant qu'il pouvoir il transformoit tout en ce qu'il aimoit le mieux. 11 ramaflbit
aufiTi des habillemens, des armes, des inftrumens de Nations eloignees,
autres fortes de curiofitez, qui, quoi-qu'elles ne foient pas forties immédiatement
des mains de la Nature, ne laiflent pas de devenir Philofophiques,pour
qui fait philofopher. De tout cela enfemble il s'étoit fait un Cabinet luperbe
pour un particulier, & fameux dans Paris; les Curieux l'eftimoient a 4?. ou
50000. livres. Ce feroit une tache dans la vie d'un Philofophe qu'une iigrande
dépenfe, fi elle avoit eû tout autre objet. Elle prouve que M. de 1 ournefort
dans une fortune aufli bornée que la fienne, n'avoit pti gueres donner à
des plaifirs plus frivoles & cependant beaucoup plus recherchez. _
Avec toutes les qualitez qu'il avoit, on peut juger aifement combien il etoit
propre à être un excellent Voyageur, car j'entends ici par ce terme, noti ceux
qui voyagent fimplement, mais ceux en qui fe trouve & une cunohte torc
* • StCîl