
D U L E V A N T . Lettre I.
la ¿tant, le cap Melier doit être le cap Drepanum
de p'tolcmée, puilqu'il eft au delà, & au couchant
dugolphe d'Amphimalc , que roii fuppofe avec
riifon ctre.celui de la Sude : touc cela feroic fans
difficulté , Il ce n'crt qu'on appelle aujourd'hui
UFmta de Drepano^ un autre cap lîtué au Levant
du golphe de la Sude, en venant vers Ret imo, &
c'elc la reßemblance des noms de Drepanum & de
Ici Punta de Drepano , qui fait ici tout l'embarras.
Ou Ptolemee avoit été mal informé de cette côte;
ou l'endroit qui en fait mention eli corrompu; ou
les gens du pays ont depuis ce temps-là renverfé
les anciens noms. Si l'on veut préférer la defcripîion
iip:
de Ptoleméc à celle de Strabon , la rade de
Rctinio, fera celle d'Amphimale ; la Punt a de Drepano,
le cap Drepanum; Paleocallro qui eft vis-àvis
la Sude , fera la ville de Cydonia. Il faudra
iiidre le cap iVLélicr pour le cap Cyamum ; le cap
>pada pour l^facum , & celui des Grabufes pour
CÔrycMS ; mais ne vaut-il pas mieux fuppofer que
Ptolemée a parlé du golphe de la Sude fous le nom
d'Amphimale , que de l'accufer d'avoir oublié le
plus beau port de l'Jfle, pour faire mention d'une
rade découverte & dangereufe? On ne fçauroit tirer
aucun éclaircilfemcnt du dénombreufement
que a Pline a fait des villes de la même côte : il
les nomme fans exa^itude, quoiqu'il femble qu'il
ait voulu les parcourir du couchant au levant.
Pour revenir au cap Mélier ou Maleca , comme
prononcent les Grecs & les Italiens, fi l'on prend
Amphimale pour la Sude , le nom de Maleca en
efl peut-être l'abrégé , comme le nom de la ville
d'Aix eft certainement le fquelet à'Aqjicefexù^. On
a d^abord retranché Ampbu comme une choiè inutile
& embarraffante ; de Malla on a fait Maleca ou
Meleca ; & de Meleca on a fait Melier.
Nous retournâmes à la Canée nous décharger
de nôtre moillou, & nous n'en partîmes que le 24.
Mai, pour aller à Retimo. On concha à Stilo,
village à dix milles de la Canée. Le 25-. nous dinâmcs
à Almyron, à dix nulles de Stilo. Al^nyron
eft un petit fort à quatre m-auvais baftions à
l'entrée d'uiie gorge tout près de la plage : on fe
repofe à côté du fort dans un cabai-et où l'on ne
trouve que deux grands Sophas, de l'eau, & du
catfé; ainfi l'on y mourroit de faim, fi l'on y arrivoit
fans'proviiîons : à quelques pas du cab;iret
coulent deux belles fources, Tune d'eau douce, &
l'autre d'éau falée, d ' où vient le n om t> à^Almyron: on
marche pendant quelque temps fur le boird de la
plage, au bout de laquelle il faut paiïèr une petite
rivière ; enfvtite pendant plus de quatre milles , le
chemin eft aifreux, pratiqué dans les rochers jufques.
à la vue de Retimo : ce chemin eft pave, pour
a Hi/l. nat. lUd.
b K^fÄUfof, falfiis.
C IJi« Thiûph. Hiß. Plant.lib. e. w.'í.a.i/.dlúuv MuaU. Diofc.Ui.
j, cap. 10.
Ciiicus Carlins: folio, acaules, gummifei , atuleatus, floie
1 3
ainfi dire, de la plante nommée ^ Ixla^ par Théophrafte,
& Chamdeon blancfes interprètes aufil
bien que par Diofcoride : je l'ai rangée fous le
genre de Cnicus., à caufe de la ftru6lnre de fa fleur
& de fon fruit. Columna en a donné une excellente
figure : celle du Carduus pïnea T'heophrafti de
Profper Alpin , la repréfente lors qu'elle eft en
graine, & que fes feuilles font paifées, ou rôties,
pour mieux dire, par la chaleur du foleil. Tiieophrafte
remarque que cette plante donne de lagom- .
me en Grèce : les habitans la mâchent tout comme
le maftic de Scio-, non feulement pour cracher;
mais pour adoucir l'haleine : cette plante eft fort
commune dans les Ifles derArchipel,cnGrécCjen
Italie, en Portugal.
d R E T I M O eft la troifiéme place du pays:
les Turcs la prirent en 1647. & depuis ce temps-là
elle eft gouvernée par un Pacha, fournis au Viceroi
de (Jandie. Retimo s'étend fur le por t , & nous
parut plus gaye & plus riante que la Canée, quoiqu'elle
foit plus petite & enceinte de murailles plus
propres à fermer un parc, qu'à défendre une place
de guerre. La citadelle n'a été faite que pour garder
le port : elle eft far u n écueil efcarpé, avancé
dans la mer , & feroit très-forte fi elle n'étoit dominée
par une roche plate , qui cft fur le chemin
d'Almyron. Cette citadelle commande un fort
que l'on avoit conftruit à l'autre extrémité de la
ville, pour la fùreté du port : ce fort eft à prefent
ruiné & le port tout à-fait négligé. Les vaiiïèaux
de guerre venoient autrefois mouiller dans la darfe
au defibus de ia-"citadclle; aujourd'hui les barques
& les marfiliancs peuvent à peine s'y retirer.
e Pendant que ks' Turcs alTiégeoient Famag^
oufte., dans l'Ifle de Chypre , Ali BaiTa Capîtan
Pacha voulut tenter une irruption en-Candie f : on
avoit fi bien pourvû à toutes les places , qu'il n'y
eût que Retimo de faccagée par Ûlus-Ali Générai
des vaifi^eaux de Barbarie.
L a campagne de Retimo n'eft que rochers du
côté du couchant : elle eft fort belle fur la route
de Candie. On ne voit tout le long de la marine
que jardins que l'on arrofe par le moyen de grand-s
puits à bafcule : on y mange des cerifes plus précoces
que dans le refte de l'Iile : tous les fruits y
font de meilleur goût : la foye, la laine , le miel,
la cire, leladanum, les huiles & les autres denrées
en font plus recherchées : les eaux de cette
ville fortent à gros-bouillons du fond d'un puits
dans une vallée étroite , à un quart de lieuë de la
ville, tirant vers le midi : la décharge de cette belle
fource eft conduite à Ret imo ; mais on en laifCè
perdre plus de la moitié. On a bâti fur le chemin
qui conduit à la vallée, une aiTez belle Mofquée,
B 3 dans-
, purFiireo Corol. Inft, Rei Heib. si-
Ctlumna fart. I. Pr'^p. ^l/f. Exot. 124.
d ?'/9u.um. -Proi, C'/»!»-. iib. i-- mp. 17-
' Ritliynma. fim. Bijt'. rm. lib. 12.
e Eu IS72.
i Lcuml. Si^i'^l. ~AmAL