
' i 8 V O Y A G E D U L E V A
Pal-ais dc Fianceii In pointe dujonr , précédé de
i l maifon, accompiigiié dedour.e Gentilshommes
de fa fuice, & de toute la nation. Il trouva à la
marine les deux Commandans des vaiifcaux du
Roi , & 30. Officiers ou Gardes-marine nommez
par Mr. Didaui pour lui faire cortege, Mr.
r Ambailiideur s'embarqua dans fon canot ; & tout
ce corrége le fuivit dans pkilicurs caïqaes, Le
Chiaoux Bachi attendoic Son Excellence fur le
port du côté de ConQantinople avec les Janiflaires
de la Porte, & 60. chevaux des Ecuries du
Grand Seigneur ; celui qui ctoit deilinc pour Mr.
l'AmbalTadeur ccoit richement harnaché.jLa marche
commença par lis Janillàires de la maifon de
Son Excellence, fix valets de chambre, vingt-cinq
valets de pied de f.i livrée, & iîx ellaficrs vêtus à
la Turque qui marchoient à la téce & autour de
f o n cheval : les Drogmans marchoient après ill
m a i f o n , & enfuiteks douze Gentilshommes.
L e ChiaoQX Bachi précédé de les Chiaoux alloic
immédiatement devant Mr. de Fcrriol , parce
qu'ayant voulu prendre la droite , Son Excellence
lui dit de fe mettre à fi gauche , s'il n'aimoit
mieux paRer devant-; & ce fut le parti qu'il accepta.
Mr. iWmbafladeur étoit fuivi des Officiers
d e l à marine qui marchoient deux à deux chacun
dans fon rang; toute la nation fuivoit'dans le
même ordre. On traverfa à cheval la premiere
cour du Ssrrail; mais on fut averti qu'il falloit
mettre pied à térre à la porte de la fecondecour.
Son Excellence defcendit de cheval & fut reçcu
par huit Capigis qui le précédèrent jufqu'à la
fale du Divan.
A rentré dc la fécondé cour, quatre mille JaniiTaires
qui étoient ferrez prèz de la muraille à
droite , partirent comme un trait pour aller prendre
des jattes de 'Ris qui bordoient le chemin par
o ù l'on paifoit. S .E. entra dans la iale du Divan,
dans le même temps que le Grand Vizir y ent
r o i t p a r une autre porte. Après s'être ftluez ,
Mr. l'Ambaifadear fe mit à la place qui lui avoft
été préparée, & le Grand Vizir fur ùnbanc avec
trois Vizirs à fa droi te, & les deux Cadilefquers
à fa gauche. On rendit la juftice,. & l'on remit
•plufièurs Requêtes répondues , à ceux qui les
avoient prefentées : enfuite on donna à îaver à
Mr. l'AmbaiTadeur & au Grand Vizir en même
temps, mais en deux baffins ditferens ; celui que
l'on prefenta à S. E. étoit d'argent, & celui du
Grand Viiîr, étoit dc cuivre. On donna auffi à laver
aux Viiîrs, aux Capitaines des vaiifeaux du Roi ,
& à ceux qui devoient manger aux cinq tables
qui furent fervies dans la même Sale. Mr. l'Ambaifadeur
mangea feul , les Capitaines des vaif-,
féaux avec les Vifirs , les deux Cadilefquers '
a Telkidg!, e'eft: l'OiHeiec qui porte les îettres du Grand ViiTr
« ¿".1 Hauicffe , quand il s'agit d'afiâires inipoxunt e i , èi «jui cn
niangirent fculs, & fix pérfonncs ..ommic,,,,!
S . E am deux autres tables avec Icsorin?"
Officiers de l'Enyire. Ce, cinq t abS" »
fervies égalementde plus dc trente plats cli,„! ' '
que l'on mettoit fur la table I^m % L • ° '
& que l'on retiroit prefqnedans l'inllant '
Quoique les ragouts des Tutes foient bien Ht I
ferens des nôtres , S. E. ne laiffa pas „„„ '
re honneur à cc repas , dc goûter prefqie de to. I
ce qu'on Im fervit : au foriir de table ou " '
encore à laver.
M a u r o c o r d a t o le pere , & le S. FoiUon » .
m i e r D r o gma n du Roi , fcrvitent d'Ii,te,„i .
p e n d a n t le d îné. II y a'.oit une feuêltï S
a u - d e f f u s de la tabl e d e M r . l'AmbaflKdeaf „ '
S o n Excellence apercent le G r a n d Seignetitlpi,!
fleurs repnfes. L e dîne fini , & la ripoiife I
G r a n d Seigneur e'tant v enue pour admettre M,
l ' A m b a i f a d e i i r , on fit apporter dans la Salédii 1
D i v a n , un Mi roi r que S o n Eicel lcncedevoi t ta.
ncr à Sa Haoteffe la glace droit de 8,. p„S
de haut, fur 61. de large; tout le monde en
rut furpris , & te Grand Seigneur le confide,'ai 1
travers la jaloiifle oti il fe iftet ordinaireineiitpn
dant le Divan. Le Miroir fut mis à la porte dtk
Sale d'aodiance , avec une Pendule beaucoup plu!
belle que celle qui avoir été' prefentie an Gt,i,j
Vifir,&une piece d'Horlogerie admirable ,1mih|.
le outre les heures & les minutes , marquoillt |
mouvement de la Lune, les degre?, du froid&iii
chand , & les variations des faifons. Il v ii-n
outre cela vingt Velles d'étoffes d'or ttès-ricte
& quantité d'autres vefles dn pins beaudrapiAlgleterre.
Le prefent fut trouvé li magnifique,nit
le Grand Vifir fit demander à Mr . l'AmSilliidiir
s'il étoit de la part du R o i , on de la (ieliiic:il
répondît que c'étoit dc fa part.
L e Grand VÍ2Ír écrivit à Sa HautelTe pmt
f ç ^ o i r fi l'on introdniroit Mr. l'Ambaffldeur; le
a TelUgt qui porta la lettre , apporta la rfpoi. .
fe duGrand Seigneur que le Grand Vilîr (¡aifií
porta fur fon front avant que de la lire. Apièi
qu'il en eûtfait la le&i re, les Officiers dclliDS
pour conduire Son Excellence le menèrent dani
un endroit de la Cour où l'on diftribna foi-Hiin
& dix veftes à ceux de la fuite ; & Mr. l'Ambiffadeur
s'afilt fur un banc couvert de drap rouj;e,
où il reçeut la (ienne. Jofqn'alors tout s'étoit piff
c dans les regles, & Son Excellence ne poavoit
que fe louer des honneurs qu'il avoit reçeus : ims
quand il fallut entrer dans l'appartement dn Grand
Seigneur , le Chiaoux Bachi piqné de ce que M(.
l'Ambaffadeur lui avoit refufé la droite pendant
la marche, vint dire à Maurocordato qui étoit i
côté dc Son Excellence, qu'il s'était nppercea qu''!
avoii
tappoitc 1« icponrsï.
I fon épce, & qu'il n'ctoit permis à perfon
I . d'entrer dans la chambre du Grand Seigneu
L des armes. Mautocordato vouloir diflimuler
cholé, d'autant mieux que l'épée de Mr . l'Am-
'iiliàdcar étoit couverte de fon a Caftan ; mais
I i! fhiioux Bachi l'ayant menacé de s'en plain-
„ Grand Vifir , il crut ne pouvoir pas fe
Sc'nferd'^" parler à Son Excellence, & il lui
dit, a ï « d"»'';"'' Pci"« fcr l? vilagc , qu on
' • 'pouvoir voir le Grand Seigneur avec des ari
. & qu'il le prioit de quitter fon épee que le
Chiaoux Bachi venoit d'appcrcevoir. Mr. l'Amtiflaticur
lui répondit, yw'i» portaíít l'í-pee it 11s
¿:ii!l r«a ? » été pratique par Mr. de Chi-
' ..muí'-, tí í*' l'épée M n t partie de thabiUe-
,sl tnsfi/ii, ••«'rM la principale, il ne quitteit
fmt h fieme. Cette cont,eflation fut portée au
GrandViiir qui n'étoitpas encore ibrti de la Sale
duDivan ,&qui fit dire à M r . l'AmbaiTadeur qu'il
ne verroit point le Grand Seigneur avec des árales.
Son Excellence cita encore l'exemple de Mr .
de Châteauneuf, & dit qii'il ne lui co-anenoit pas de
mr m m f f t grand Prmee que Sa Hautefe , fan,
avoir tous les ornemens qni compofent l'habit Fran-
. pis. La difpute dora une heure entiere, Maurocordato
portant les paroles de part & d'autre:
enfia le Grand Vifir fit propofer à Mr. l'Ambaffadeur,
que s'il entroit fans épée, le Grand Seigneur
écriroit une Lettre au Roi pour le disculper
de l'avoir fait. Son Excellence répondit, qu'U
voit pus befoin d'excufe pour une faute qu'il ne
mJoitpas commettre. Le Grand Viiîr repartit ,
qu'il donneroit une attenation iignée de lui & de
tous le Grands de l'Empire, pour fûreté que jairais
aucun AmbaiTadeur ne verroit à l'avenir le
Grand Seigneur avec des armes. Mr. l'AmbaiTadm
répliqua , que la Porte pouvait changer fon
Cérémonial pour l'avenir , que ce ferai alors Paf
faire de [es fucceffeurs de toutes A
rná^. c^u'll ne fouffnroit pas qu'on
lin k ker aux Ambajfadeiirs les ho
rnçat par
àmm en poffejfion ; qu'a'jant celui d'être iont le pre-
ils
•mrdes Araipajj'adeurs Chrétiens ^¡'il aiieità donner
às regles , ce ferait pour augmenter leurs privileges
en lieii de confentir qu'on les diminuât. Le Grand
Vifit fit dire à Son Excellenceque s'il s'obflinoit
àgarderfon épée, il ne verroit point le Grand Sei-
RQeiirqai étoit pourtant venu dc quinze licuëfi,à
Çoiifiautinople pour lui donner audiancc. Mr.
l'Ambaffadeur fit réponfe, que ceferoit un grand
malheur pour lui', r/iais qt^ quelque félicité, qu'il y
Sa Hauteffe nil'achepteroitpoint aui
#(»< de lagloire du Rot fon maître , ni enfroflitpn
le carañcre dont ,l étoit honoré. Le Grand
^"ilir ajouta , que jamais aucun Ambafladeur n'a-
»fflt ÏCÛ le Grand Seigneur avec des armes, Son
N T. Lettre XII. 15
Excellence repartit , que Mr de Chiteauneuf étoit
homme d^ honneur, ^ qifil n'auroit pas ofé impofer
au Roi fon maître ; qtt'il étoit encore à Conjlantino'
pie qu'on pou-hoit le faire appeller pour rendretérnoignage
à la vérité-: qtt'il étoit furpris qu'on cherchât
h lui faire un femUable procès, mais qu'il prote(
loit qu'on lai ôteroit plutôt la -die que fan épée.
Maurocordato ne fçachant píos que dire, propofa
S Mr . de Ferriol de prendre confeil des Officiers
François. Son Excellence répondit , que dans
les chofes qui regardoient la gloke du Roi f a Maître
, il était h feul Interprète de fis vohntez. Maurocordato
alla denouveau parieran GrandVîfir,&
au retour il fe fervit de menaces, difant à Mr.
l'Ambaffadeur , qu'il allnmeroit un feu difficile
à éteindre , & qu'il feroit caufe d'un grand malheur
; Tant pis pour le plus foible , répliqua Mr . de
Ferriol , mais je ne quitterai mon épée qu'avec
la vie, l'honneur de mon caraéhere y étant attaché.
Alors le Grand Vifir envoya les plus anciens
Capigis-Baehis pour dire à Mr . l'Ambafiîadeur que
c'étoit vouloir introduire une nouveauté dans le
Cérémonial , & qu'ils pouvoient l'affûrer qu'ils
n'avoient j.amais veià aucun Ambaffadeur prendre
andiance du Grand Seigneur avap fon épée. Mr.
de Ferriol perflita à dire , que Mr. de Châteauneuf
étoit four le moins attfft croyable qu'eux. Le Janiffaire
Aga vint enfuite avec les principaux Officiers
de fon Corps pour afl'ûrerMr. l'AmbaiTadeur
que , tout Officier Général qu'il étoit de
la premiere milice de l'Empire , il n'étoit jamais
entré avec des armes dans la chambre du Grand
Seigneur ; que le Grand Vifir même , quoique
Lieutenant de Sa HautefiTe , n'avoit pas cc privilege.
Mr. de Ferriol lui répondit , que h
Grand Vifir àf lui étoient Sujets , qu'amfi la Loi
était pour eux ; mais qu'avant l'honneur de reprefenter
la Perfonne d'un grand Prince , il n'étoit
pas dans la même dépendance. Les deux Cadilefquers
vinrent à leur tour ; & après eux les Vifirs
à trois queues , & tous les Officiers de la
Porte pour cfEiyer dc faire changer d'avis à Mr.
rAmbaffadeur, mais ils le trouvèrent inébranlable.
Le Grand Vifir à qui on avoit fait rapport
de tout ce qui s'étoit pafie , s'imagina pouvoir
obtenir par furprifc , ce qu'il n'aïoit pù gagner
par fes foibles raifons , fur la fermeté de Mr . de
F e r r i o l ; il lui .fit dire qu'il étoit temps d'aller à
l'Andiance où il étoit attendu. Mr. l'Ambaffldeur
demanda fi ce feroit avec fon épée, on lui
répondit qoc ouï. Il marcha donc , & quand
il fut arrivé à la porte de l'appartement du Grand
Seigneur , il tourna la tète pour voir fi les quinze
perfonnesflu'il avoit nommées pour entrer avec
lui dans la chambre de Sa Hautefle & pour
lui faire la reverence, le fuivoient, Il vit avco
.G » lu r -
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