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pointe de I'lilc de Saint George, où l'on avoit prcpai
c un grand buchcr iwcc du goudron , de peur
que le bois qael>.]uc icc qu'il liât, ne brûlât pas afvÎcc
par lui-même : les rcitcs de ce malheureux
cadavre y furent jettez & confumez dans peu de
temps : c'étoit le premier jour de Janvier 1701.
N o u s vîmes ce fou en revcn;mt de Delos ; o n pouvott
bien l'appeller un vrai feu de joye, puiiqu'on
n'entendit plus de plaintes contre le Froncohicai ;
o n fe contenta de dire que le diable avoit été bien
attrapé cette fois-là, & l'on fit quelques chanlbns
pour ie tourner en ridicule.
Dans tout l'Archipel ou eit perfuadé qu'il n'y a
que les Grecs du rite ,^rec, dont le diable ranime
les cadavres : les hal^itans de l'Ifle de a Santorin
appréhendent fort ces Ibrtes de loup-garous : ceux
de Mycone , après que leurs vilîons furent diflipées,
craigaoient également les pouriuites des Turcs
à celles de l'Evique de Tine. Aucun Papas ne
voulut le trouver à Saint George, quand on brûla
c e corps, de peur que l'Evêque n'exigeât une fomme
d'argent pour avoir fait déterrer & brûler le
mort ûns ilx permiffion. Pour les Turcs, il eft
certain qu'à la première vilîtc, ils ne manquèrent
pas de faire payer à la communauté de Mycone , le
fang de ce pauvre diable, qui devint en toute manière
l'abomination & l'horreur de fon pays. Après
cela ne fauc-il pas avouer que les Grecs "d'aujourd'hui
ne font pas grands Grecs, & qu'il n'y a chez
eux qu'ignorance & fuperftitïon?
Quelque bon elprit qu'ils ayont, ils manquent
d ' i n l h - u a i o u , & ne fçavent que ce qu'ils ont appris
par la tradition bonne ou mauvaife ; ainlî il
n'eft pas furprcnant qu'ils foient encore dans leur
ancienne hérclîe touchant le Saiut Efprit qui ne gocede pas du Fils , fuivant la plûpart de leurs
o f t e u r s ; m a i s qui eiî-ce qui s'embarralTe chez eux
des difputes de Théologie, li ce n'eft quelques Moi -
nes de Mont e Sauto?La plûpart des Papas, dont
aious voulions fçavoir les fenrimens fur cette matière
ne fçavoient pas l'état de la queftion. Ils font
beaucoup"mieux inUruits far l'Euchariftie, & répondoient
hardiment & comme en colère, croyans
q u ' o n foupçonnoit leur foi, ^ H y efi corporcllewejit
, quand ou leur demandoit de quelle manière
ils croyent que Jefus-Chrift eft dans la fainte
Hoftie.
A fégard du Kugatoire, ils ne fçavent à quoi
s'en tenir; la plûpart s'imaginent que perfonne ne
fera j t i^é qu'à la fin du monde : & quoi qu'ils ne
déterminent pas le lieu où font dérenuës les ames
des morts ¡ulques au jour de la refurreflion , ils
ne lailfentpas de prier pour les trépaifez, dans l'efperance
que la mifeneorde de Dieu fera fléchie par
.leurs p r i è r e s i l y en a même quelques-uns parmi
A G E
eux , qui croyent que les peines d'Enfer en feront
pas éternelles ; mais comme ils font trcs-muuvnis
Géographes, ils font auflî cmbarralîèz à placer l'Enfer
que le Purgatoire.
N o s Millionnaires trouvent de grandes difficultez
à ramener les Grecs à leur véritable crovaucc,
f u r touc dans les villes éloignées des côtes où 1«
cku-itez du Roi ne fçauroient parvenir aifèment. Il
s'en faut peu que leur devotion cnvcrs-~j.cs Saints,
I & principalement envers la Sainte Vierge ne dégénéré
en idolâtrie ; on fait brûler avec grand ibiu
une lampe devant fon image tous les Samedis; ils
l'implorent inceflàmment, & la remercient des bons
fuccès de leurs affaires ; leur parole eft aliurée loifqu'ils
la donnent en baiiimt ou en touchant rini;ige
; mais auiTi ils la grondent quelquefois, & l'apollrophent
dans leurs malheurs : tout cela fe racommode
bien-tôt, ils reviennent aux baifers, ils
la nomment , c La Toute Sainte , & lui laillèut eu
mourant quelques vignes ou quelques chan:ips : la
plupart des Chapelles lui font dédiées, les Papas
n'y perdent rien ; ils font héritiers nez, pour aiiiii
dire, de tous les biens de la Vierge.
d Quoique les Chapelles Gréques ne foient pas
propres, on ne lailîè pas d'y faire l'Office régulicrenient
tous les Dimanches & Fêtes; cet office cil
f o r t long & dure plus de cinq ou fix heures. Après
les prières ordinaires on lit quelques endroits de
l ' E c r i t u r e faiute, & même la vie des Saints en grec
vulgaire; on nous aillira qu'il y avoit bien des faits
apocryphes dans ces fortes d'hiftoircs : on s'appuye
pendant tout ce temps-là fur dès e béquilles
dont toutes les Eglifes fout bien fournies ; il ne
leroit pas poiïïble de fe tenir iî long-temps fur fes
pieds fans ce fecours. L'office commence de grand
matin, felon la coûtume des premiers Chrétiens,
& d'ailleurs les Grecs prient plus tranquillement
pendant le fommei l des Turcs : on s'allemble donc
à l'Eglife dès les deux heures après minuit ; on y
porte à manger & à boire.
Les Fêtes de campagne font fort célébrés parmi
eus ,;ia veille de ces jour s fe poJÎè en danfes. chants,
& feftins ; la moufqucteric fait grand bruit dans
les Lies de l'Archipel ; celui qui fait le plus de fra-
'cas, paiîè poiu: le plus brave : le jour de la Fcce
eft deftiné pour les mêmes divcrtiiîcmcns, pourvû
que l'on paye quelque chofe aux Officiers Turcs
pour avoir la liberté de fe r é joui r ; ils s'en melenr
eux-mêmes, fur tout pendant la nui t , de peur d'être
cenfurez : les plus jolies femmes des Mes ne
manquent pas de s'y trouver , •& l'on ne penfe à
rien moins qu'au Saint que l'on doit fêter : au lieu
de l'invoquer, • o n mange des crêpes & des f beignets
à l'huile ; quelquefois au lieu de fève, on y
mêle un g parat, & celui à qui il tombe en partage
©««•«^-fíí, ramafceni
Theflalonicenfis. Vtnn. 1
g Pelile mmnoyt d'ttrim,
O' Nísf Qií<r*vfst. Vena.
D U L E V A
,11 le Roi de l aFi t e ; Dieu fçait fi l'on y boi t ,& fi
,.„, y X de bons mots : leur _m>>n,ére de danier ell
'S'^^inguliére & ne varie guéres ; eeva qui im-
S f c tiennent ordinairement par le bom d'un
mniichoir- le garçon fait mille bonds, tandis qiie
n ne'fe r lm& prefque pas : les plus eelebres
Je ces fêtes font celles de a famt Michel, de faint
A u S de faint Nicolas, de &int George des
miinnte Martyrs. Autrefois on y reeitoit le pai
i y r i c i u c du Saint dont on celebroit la meinoire ;
S i ne fe pratique plus dans les Illes de l'Archipel:
celui qui fait la dépenfc de la fête donne feulement
à manger à quelques pauvres , & e'eft luie nriitalioii
des b banquets des premiers Chretiens, anlquels
laint c Piètre, fiint d P a u l , & funt f Jiide
aouvoieiit beaucoup il redire. Que ifauroient-ils
pas dit ces fiiiits Apôtres contre certaines friponneries
des Curei i f l icjour des Rois, par exemple,
& aux fêtes de Pâques, fous prétexte de donner gratuitement
de petites bougies aux enfans , ils vendent
bien cher les cierges qu'il diftribuent aux graiv
"es perfonnes , femblables à ces charlatans , qui
ne font pas payer leurs vifites aux malades ; mais
qui s'en recompenfent bien fur leurs remedes Dans
la plûpart des viUages le premier Dimanche de
N T. Lettre IIL S',
Carcme, chaque Eimillc porte un E pain à quatre
cornes marquées de même que le milieu dn paui_,
au nom de Jefas-Chrill; le Papas le benit &,diltribni:
les cornes à quatre perfonnes de la famille,
maîtres ou valets ; le milieu cft pour quelque cinquième
qui s'y trouve par hazard, & ces cinq perfonnes
font au Curé la fomme de i i . ou i f . fols,
fur l'alTurance qu'il leur donne que ce pain a plus
de vertu que le pain bénit ordinaire : enfin les
C u r e i reçoivent les parroifliens les plus l é l n a la
porte de l'Eglife avec un verre d'eau de vie a la
m a i n , bien aifurei que ce verre leur attirera une
cruche de vin , & quelque pièce de gibier. 11 le
commettoit bien de ces fortes d'abus parmi nous
avant l'établilftment des Séminaires : il faut regarder
ces faintes maifons comme autant de pepiiiieres
où fe forment les vrays PaReurs & les faints
Prêtres ; mais on n'oferoit efterer que 1 o n employe
de long-temps nn remede fi filutaire clans
l'Eglife GréqSe. Les couvents de Monte Santo,
quelque réguliers qu'ils paroiffent fourniflînt les •
fourbes les plus dangereux, bien loin « l eve r des
hommes Apoftoliques capables de rétablir la dilcipline
Ecclefiaffique. J'ai l'honneur d'etre avec uni
profond refpea, &c. '
l e t t r e î V.
^E'^CRI'PTION'DES ISLES 'DE VARG ENTIFJRE ,
MlLO,'DE SITHJNTO, ET'DE SERT HO.
T>E
M o NSEIGNEUK ,
Il eft fi dangereux de paffer de Candie aux Ifiès
de l'Archipel for des batimens du pays, que nous
n'ofâmes pas l'entreprendre ; le trajet eft de cent
milles, & ces bâtimens font des h bateaux de doule
ou quiiree pieds de long, qu'im vent de Nord
tm peu violent renverfe fans peine ; ci'aillenrs il n y
a p o i n t d e r e p o f o i r en chemin, & c'eft un grand
malheur en fait de voyages de mer de ne fçavoir
où relkher quand on eft menace d'une tenipete:
nous prîmes donc le parti d'attendre une tarqiie
Françoife ; heureufement il s'en trouva a la Oanee
une de celles à qui vous défendez d aller courir
d'une Ifle à l'autre pour bufqner fortune: j e promis
an patron que je me garderois bien de vous le dénoncer
: il nous paffa fur fon bord a l'Argentiere
le premier jour du mois d'Août.
Cette Ifle que les Grecs appellent i Chimoli,
b /
c publi
d £;,)!. 1.
e .£f¡/¡. », • t ntMxífioí.
S ,i fc fairoitnt duns les Eglifes,
prit le n om de l'Argentiere dans le temps que 1 o n
Ç découvrit des mines d'argent; on y voit encore
les reftes des ateliers & des fourneaux ou 1 o n travailloit
à ce métail; mais on n'oferoit anjourd hui
reprendre ces fortes de travaux fans la permiffion
des Tur c s ; & les Turcs fous prétexte que les ha- -
bitans de i'Ifle en retireroient de gros Ptoj f '
maiMueroient pas de les accabler d'impofls. Les
gens du pays c r V « q"e les principales nunes
Su côté qui regarde Polom, petu port de 1 Ille de
M i l o : ces Iflesiiefontéloignées que d u n mile
de cap en cap, comme patient les Geomphes,
mais le trajet eft bien du double: Le Port de 1 A r -
gentière eft petit, & n' a pas aCTez. de fond pour les
I r o s bìtimens ; ils refteiit à la rade du k Sud-efl a .
l'abri de l'Ifle Polino, connue des Francs fous le
" ° p ! i n c àiri!rc''me Cimole fe nommoi t autrefois
l'Ifle aux Vipères ; il faut que la race en foit eteinte
, car on nous aflùra qu'on n'y en voyoït plus. .
i G.,.. » , Ki.-". ç™
cimoloi rlm. H.f. «i. W>. 4- "l- Aigemaii» llalol,
1 Cimoius quKEchinuià. P/i'i. iii^i
. • r