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D U L E V A N T . Lettre XIX. H9
& n'ont gueres
Ì , foibles, coutiges
font hautes d'un empan
plus d'un tiers de ligne d'é[
diées prefquc fur les rocliers , puis vclcvécs , accompagnées
de peu de feuilles dont les crcnelurcs
font plus pointues que celles des feuilles d'en
bas, Le haut de la tige & des b r anche s , eit velu
& chargé de tieurs à cinq feuilles longues de demi
pouce , larges à leur extrcmité d'environ 5.
lignes , blanches , veinées de vert à leur bafe.
Les étamines qui s'élevent du milieu de ces feuilles
font blanches , & n'ont guercs plus de deux
lignes de long , chargées de fommets verdâcres
& menus. L e calice elt d é coupé jufques au centre
en cinq parties étroites & velues. Le piitile eit
vert - pâl e , aile?, arrondi par le bas & de la figure
d'une aiguiere à deux becs , comme celui des efpeces
du même genre. Il devient une capfulc de
même forme, membraneufe , brune , divifée eu
deuï loges , hautes de trois lignes, dans chacune
defqueilcs il y a uu placenta fpongieux , chargé
<je femences menues & noirâtres. Les feuillesde
cette Plante ont un g oût d'herbe tant foit peu falé.
Les fleurs font f ins odeur. Les racines font
douceâtres & puis Itiptiques.
A p r è s avoir mis nôtre Journal au net , nous
tiinnes confeil à table nous trois, pour déliberer
fur la route que nous devions prendre le lendemain.
Nous ne courions certainement aucun rifque
d'être entendus, car nous parlions François,
& qui ell-cequi peut fe vanter dans l eMont Ararat
d'entendre cette Langue, pas i n cmeNo é s'il
y revenoit avec fon Arche ? D'un autre côté
nous examinions les raifonsdes Bergers, lefquclk
s nous paroiffoicnt très-pertinentes , & fur tout
l ' i n f u r m o n t a b l e difficulté de ne pouvoir boire
que le foir ; car nous comptions pour rfen celle
d'efcalader une Montagne aiilTi affieufe. Quel
chagrin, dilions-nous , d'être venus de fi loi n ,
d ' à r e monte2 au quart de la Mont a gne , de n'avoir
trouvé que trois ou quatre Plantes rares,
& de s'en retourner fans aller plus avant? Nous
fîmes entrer nos Guides dans le confeil : c e s bonnes
gens qui ne vonloient pas s'expofer à mourir
d e f u i f , & qui n'avoient pas la curioiité de melu
ter, aux dépens de leurs jambes, la hauteur de
la Montagne, furent d'abord du fentiment des
Bergers , & enfuite ils conclurent qu'onpouvoic
aller jufques à de certains rochers qui avoient
plus de faillie que les autres , & qu-e l'on reviendroit
coucher au même gîte où nous étions. Cet
expedient nous parut fort raifonnable : on fe
coucha là-delfus , mais comment dormir dans
l'iiiquietude où nous étions ? Pendant la nuit
l'amour des Plantes l'emporta fur toutes les autres
difficultez , nous conclûmes tous trois féparément,
qu'il étoit de nôtre honneur d'aller viliter
la Montagne jufques aux neiges i au hazard
d ' ê t r e mangez des Tigres. Dè s qu'il fut j o u r , de
peur de mourir de foi f pendant, le rei l e de la j our -
n é e , nous commençâmes par boire beaucoup, &
nous nous donnâmes une efpece de queliion vol
o n t a i r e . Les Bergers y qui n'ctoienc plus fi farouches
rioient de tout leur cceur , & nous pren
o i e n t pour des gens qui cherchions à nous perdre.
Ncantmoins après cette précaution il fallut
d î n e r , & ce fut un pareil fupplice pour nous de
j manger fans faim , que d'avoir bû fans foif ;
mais c'éioit une neccifité abfolue , car outre
qu'il n'y avoit point de gîte en chenn'n , bien
l o i n de fe charger de provifions, on a de la peine
à porter même fes habits dans des lieux auiÏÏ
f c a b r e u x . Nous ordonnâmes donc à deux de nos
G u i d e s d'aller nous attendre avec nos chevaux ,
au Couvent abandonné qui eli au bas de l'abî*
m e , il faut le délîgncr ainfi , pour le dilting
u e r de celui d'Acourlou qui ell auffi aband
o n n é , & qui ne fert plus que de retraite aux
v o y a g e u r s .
N o u s commençâmes après cela à marcher vers
la premiere barre de rochers avec une bouteille
d ' e a u que nous portions tour à tour pour nousf
o u l a g e r , mais quoique nos ventres tulfent dev
e n u s des cruches, elles furent à fee deux heures
après , d'ailleurs l'eau battue dans une bout
e i l l e eft unefort défigréabl e boiilbn r tout e nôtre
e f p e r a n c e fut donc d'aller manger de la neige
p o u r nous defalterer. L e plaific qu'il y a en herb
o r i f a n t , c'efl que fous prétexte de chercher des
P l a n t e s , on fait autant de détours que l'on veut,
ainlî on fe laûe moins que li par honneur il falloir
monter en ligne droite ; d'ailleurs on s'amufe
a g r é a b l e m e n t , iùr-tout quand on découvre des
P l a n t e s nouveVles.Nous ne trouvions pourtant pas
t r o p de nouveautez , mais Tcfperanct d'uncbelle
m o i l f o n nous faifoit avancer vigoureufemeut. Il
faut avouer que la vûé" ell bien trompée quand
o n mefure une montagne de bas en haut , iurt
o u t quand il faut palier des fables aofli fâcheux
que les Syrtes d'Afrique. O n ne (ç.toroit placer le
pied ferme dans ceux du Mont Ararat , & l'on
perd , en bonne Philique ,biea plus de mouvement
q u e l o r f q u ' o n marche fur un terrein folide. Quel
cadeau pour des gens qui n'avoient que de l'eau
dans le ventre, d'enfoncer jufques à la cheville
dans le fable? En plulieurs endroits nous étions
o b l i g e z de defcendre au iieu de monter , & pour
c o n t i n u e r n ô t r e r - o u t e i l fallut fouvent fedéiourner
à droit ou à gauche ^ iî nous trouvions del à pelouf
e , elle limoit ii. fort nos bottm-es ,, qu'el les glif.
f o i e n t comme du verre, à. malgré nous il falloic
nous- arrêter. Ce temps - là n'étoit pourtant pas
t o u t - à - f a i t perdu , car nous l'employions à rendre
l ' e a u que nous avions beue: mais à la vérité nous
f û m e s deux ou trois fois fur ie point d'abandon-
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