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D U L E V A N T . Lettre X I X .
ceux qui rempliiTent îes magaf ins, & ceux mêmes
qui vont encore plus loin clicrcher les Drogues
iur les lieux & dans les villages où les payfans les
apportent de la campagne, ne font guere mieux
înîbrmez. Je ne vois rien de li difficile que de
faire une bonne H¡¡h¡re des Drugues , c'e(l-à-dire
de décrire non Îcuk-mcnt tout ce qui compole
la niatiere mcdecinale , mais encore de faire la
ddcripcion des Plantes, des Animaux & des Mi
neraux d'où l'on les tire. Non leuicment il faudroit
aller en Perle , mais auffi dans le Mogol
qui eil le plus riche Empi r e du monde, & où l'on
reçoit parfaitemenc bien les étrangers , Iur touc
ceux qui font riches eu efpeces d'or & d'argi;nt.
Touc s'y achetre argent comptant, & il n'elî permis
d'eu faire fortir que les marchandifes, ainli
toutes les mounoyes étrangères relient dans le
pays, où elles font converties en celles du Prince
: niais qu^ile peine n'auroit-on pas quand on
feroic dans ce Royaume, li l'on vouloir s'éclaircir
par foi m ême de ce qui concerne la connoiiïiincc
des Drogues? On fe trouveroit oblige de fe
tranfporter lur les lieux où elles naiiTent , pour
de'crire les Plantes qui les produifent ; & à combien
de maladies ne s'cxpoferoit-on pas? La vie
d'uti homme fuffiroic à peine pour obfervcr celles
que l'AIîe produit. Il i'audroit d'ailleurs parcourir
la Perfe , le Mogol, les Iles diCeylan,
S^tmatrA^ tercíate , & j e ne-fçai combien d'autres
contrées où l'on ne trouveroi t pas les mêmes facilitez
que chez le Mogol. La feule Rhubarbe
demanderoit un voyage à la Chine ou en Tartaric.
Enfuite il faudroit defcendre en Arabie ;
en Egypte , en Erhiotjie. Je ne parie pas des
Brogues qui ne fe trouvent qu'en Amérique,
& qui ne font pas moins pretieufes que celles
que nous fourniiient les autres p'irties du monde.
En allant en Amérique il faadroit relâcher
dans les lies Canaries pour décrire le Sang de
Dragon.
Après celaje ne fuis pas fnrpris fi ceux qui fe
mêlent d'écrire l'Hilloire des Drogues , font
tant de beveuè's ; & moi le premier. On ne
rapporte que des faits incertains & des defcriptions
imparfaites. 11 elt encore plus honteux
pour nous de ne pas connottre celles qui fe
préparent en France, Où trouve-t-on des relations
exaiKs dn Ç^ermiUon , du Totirnejol,
du f^erl-de-gris , de la Poix , de la T'erebentine ,
du Sapin , de la iMeUzc , de VJgaric , de nos
Fifriolsl
E n caufant dans les Caravanferais d'Er7.cron ,
nous apprîmes par les Caravaniers de If-^af?,
ville de Turquie fur la frontiere de Perfe à huit
j o u r n é e s d'Erzeron , que l'on amidloic avec foin
la terre qui eli fur les grands chemins par où
paiîcnt les Caravanes de Chameaux. On leiîive
cette terre & l'on en tire tons les ans plus de
cent quintaux de Nitre ,, que l'on débite principalement
dans le Curdiftûn ponr faite de !à
poudre. On nous allura qne la terre des
champs voilîns des chemins de Wan , ne
doiuioit point de Nitre. Î1 faut cependant
q u ' e l l e contienne quelque chofe de propre à devenir
Nitre par le mélange de l'urine des Chameaux.
L a poudre à canon ne vaut pas quinze fols
; l'oque à Erzeron , auffi n'ell-elle bonne que
• pour charger , il en faut de plus fine pou»
amorcer. Tout le monde y charge à cartouche
, & rien n'eft mieux imaj^iné pour tirer
proinptement avec nos fiifils. Ceux que Mr . de
la Cha:irnete vient d'inventer , valent incomparablement
mieux , & donnent'la fuperiorité du
feu à ceux qui s'en fervent. On n'a jamais
p o r t é les armes au point de perfeâion où Mr..
de la Chaumete les a mifes. Les Gibederes
dont on fe fert en Levant, font compofées de
tuyaux de canne aflcmblez ordinairement à double
rang , aiTe?, fembUbles- aux anciennes fluttesd
e Pan , ou pour me fervir d'une comparaif
o n plus intelligible , aux fiflets de ces Chaudronniers
ambulans- qui vont chercher de l'ouvrage
de Province en Province. La Gibecierc
des Orientaux eii le'gere , courbe , & s'accommode
aifément fur le côté. Ses tuyaux font
hauts de quatre ou cinq pouces , & couverts
d ' u n e peau aiîez propre 5 chaque tuyau contient
f a charge , & cette charge ell un tuyau de papier
rempli de la quantité de poudre & de
plomb necelfaire pour tirer un coup. Quand on
veut charger un fufil , on tire un de ces tuyaux
d'e la Gibeciere ; avec un coup de dent on ouvre
le papier du côté où eft la poudre , . o n la vuide
en même temps dans le canon du fulîl , & on
lailie couler le plomb qui eft enfermé dans le
refte du tuyau de papier. La charge eft faire
avec un coup de baguette que l'on donne pac
dciTus, & le même.papier , qui renfermoit lapoudre
& le plomb , fert de bourre-
J'ai l'honneur d'être avec un profond rcfpeâ'^
&c. ^
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