
D U L E V A N T . Lettre XXL m
Fouler e femelle & je ne fçai combien de plantes
fort communes ; mais rien ne nous fit plus de
plaifir que cette belle efpcce d e T'hapße dont Rauvolfa
donné la iigurc-lbus le n om de Gin^idium
Diofcoridis. En voici la defcription.
Sa racine n' a qu'une ligne d'épais, blanchâtre,
longue de crois ou quatre ponces, garnie de quelques
fibres. La tige de la plûpart des pieds que
nous trouvâmes dans les champs, n'avoit gueres
plus d'un empan de haut , tortue , cpaiiTe d'une
ligne , accompagnée de feuilles femblablcs à
celles A\lScaniiix Cretica mtnor C, B. longues _de
2, ou i- pouces, kfquellcs enveloppent la tige
par une efpece de gaine de demi pouce de long.
Les ombel les font larges d'un pouce & demi i entourez
à la bafe de cinq feuilles découpées de
même que les autres , longues feulement de fept
OU'huit lignes, pliées en gouciére à leur naiiTance.
Chaque rayon eft encore terminé par deux
feuiiles femblables qui accompagnent les fleurs j
elles étoient palfées auiïï-bien que jes graines que
nous amaf l lmes à terre en quantité. Ces graines
font ovales & plattes.
L e 28. Septembre nous montâmes à cheval à
une heure après minuit , & arrivâmes à Tocat
fur les 10. heures. Après avoir pailé par des vallées
fort étroites & couvertes de Chênes, nous
retrouvâmes nôtre riviere & la paifàmes encore
deux fois , elle s'appelle Tofaniu & fe jet t e dans
\Iris des anciens , que les Turcs nomment Cn~
\aimac. Enfin on entre dans une vallée plus grande
& plus belle que les aut res, laquelle conduit à
tocaf, mais cette ville ne paroît que lors qu'on
eft arrivé aux portes, car elle cft lituée dans un
recoin au milieu de grandes montagnes de niarbre.
Co recoin eft bien cultivé & rempli de vienobles
& de jardins qui produilent d'excellens
fruits ; le vin en fcroit merveilleux s'il étoit
moins violent.
L a ville de Tocat eft beaucoup plus grande &
plus a^^réable qu'Erzcron. Les maifons font
mieux bâties & la plupart à deux étages ; elles
occupent non feulement le terrcin qui eft entre
des collines fort efcarpées , mais encore la croupe
de ces mêmes collines en manière d'amphi-
(heatre, en forte qu'il n'y a pas de ville uu monde
doHt la fituation foit plus finguliere. On n'a
pas m ême néglijjc deux roches de marbre qui font
aftrcufes 3 hcr i f îées , & taillées à plomb , car on
voit un vieux château fur chacune. Les rues de
Tocat font aftcz bien pavées, ce qui eft rare dans
le L evant . Je crois que c'eft la neceiTité qui a
obligé les bourgeois à les faire paver , de peur
quelles eaux des pluyes, dans le temps des orales,
ne découvrillent les fondemens de leurs maifons
& ne fiftcnt dis, ravins dans les rues.. Les
collincs für Icfqaclks la ville eft bâtie, fourniffent
tant de l&urces que chaque maifon -""-fa fontaine.
Malgré cette grande quantité d'eau on ne
pût pas éteindre le feu qui confuma , quelque
temps avant nôtre arrivée, la plus belle partie de
l i ville & dés fauxbourgs. Plulieurs Marchands
en furent ruinez , car leurs magalins étoient
pleins dans ce temps-là ; mais on commençoi: à
la rebâtir & l'on efpcroit que les marques de
l'incendie n'y paroîtroient bientôt plus. On
trouv e alfez de bois & de matériaux autour de la
ville.
Il y a dans Tocat un Cadi, un Vaîvode, un
Janilïiure Aga , avec environ mille JaniiTaires &
quelques Spahis. On y compte vingt mille familles
Turques , quatre mille familles d'Arméniens
, trois ou quatre cens familles de Grecs,
douze Mofquées à m i n a r e t ^ u n e infinité de chapelles
Turques. Les Arméniens y ont fept Eglif
e s , les Grecs n'ont qu'une méchante Chapelle ,
quoiqu'ils fe vantent qu'elle a été bâcie par l'Empereur
Juftinien. Elle eft gouvernée par un Mét
r o p o l i t a in dépendant de l'Arclievéque de Nie
fara^ ou pour mieux dire, de Neocoejarea ai'icienn
e ville prefque ruinée , à deux journées de
T o c a t .
Nicfara eft encore la Mctropole de Cappado-.
ce , &Í l'on n'oubliera jamais que dans le troiliéme
fiecle elle a eû pour Pafteur Saixt Gregoire
Thaumaturge^ ou le faifeur de Miracles. Niger
& quelques autres Geographes n'ont pas eû raif
o n de confondre cette ville avec Tocac. L'Archevêque
de Nicfara a la cinquième place parmi
les. Prélat s qui font fous le Patriarche de Conftantinople.
O u t r e s les foyes qui font aiTez confidérabîes,
o n confomme à Toc a t , tous les ans ,8- ou 10.
charges de celles de Pcrfe. Toutes ces foyes s'employent
en petites étoffes , en foye à cotjdre,
o u à faire des boutons. Ce Commerce e(t affez
bon mais le grand négoce de Toc a t eft en vaiff
e l l e de cuivre , comme Marmites , Taiîès,
Fanaux , Chandeliers , que l'on travaille fort
proprement & que l'on envoye enfuite à Conft
a n t i n o p l e & en Egypte. _ L e s ouvriers de Tocat
tirent leur cuivre des mines de Gumifcana , qui
f o n t à trois journées de Trebi fonde, &de celle de
Cafiamboul qui font encore plus abondantes , à
dix journées de Tocat du côté d'Angora. On
prepare encore à Tocat beaucoup de peaux de
maroquin jaune, que Ton porte par terre à SamfoM
fur la M e r Noire , & de là à Ctilas port de
Valachie. On y en porte auffi beaucoup de roug
e s , mais les Marchands de Toc a t Íes tirent du
Diarl/ec àiàQWCaran^iifiie. On nous aifura qu'on
ceignoit les peaux jaunes avec le Fujlet, & les
rouges avec la Garance. Les toiles peintes de
T o c a t ne font pas fi belles que celles de Perfc,
Y 3 ma i s