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n o p l c , qo! fot traîné dans k s mes à Andtinople
f o u s le Rcgne préccdent. Ilavoit part, difoit-on ,
à toutes les extoriions qui fe faifoieiit dans la
P r o v i n c e d'Erzeron d'où il c'toit nat i f , & o ù il
poiTedoit des biens immenfes. Cet hommeinfatiiWe
qui itoit le maître abfolu de l'Empereur
M u f t a p h a , s'étoit déclare' ouvertement contre
t o u s les Ueligicuï , & fur tout contre les Jefuit
e s . On ne manqua pas de s'informer lî nous
é t i o n s , c'en à dire Vrètrts^ mais ce ne fut
q u e pour la forme : car outre que le Beglierbey
nous honoroit de f aprot eûion , nous n'étions pas
c e r t a i n e m e nt tonfurel.
L a Province d'Erieron rend en argent plus de
600. bourfes au Grand Seigneur. Outre les 300.
b o u r f e s du Carach que l'on exige des Arméniens
& des G r e c s , il retire encor e lis pour cent des matchandifes
de laDouanne. Ainlitout compte fait,
ces marchandifes payent neuf pour cent, fçavoir
i i l au Grand Seigneur & trois au Beglierbey. Le
G r a n d Seigneur jouît aufli du droit de Beliargi
o u Taillt réelle que payent les biens poiTedei par
les Spahis.
L a ville d'Erleroa n'eft pas fur l'Euphrate ,
c o m m e les Geographes la placent ; mais plutôt
dans nne prefqu'IOe formée par les fourccs de
c e t t e fameufe rîviere. La premiere de ces fourees
coule à une journé e de la ville , & l'autre à
u n e journée & demi ou deux. Les fources de
i ' E u p i i r a t e font dti côt é du Levant dans des montagnes
moirrs élevées que les Alpes, mais couv
e r t e s de neige pendant prefque toute l'année.
L a plaine d'Erzeron eft d o n c renfermée dans deux
beaux ruiiTeaui qui forment l'Euphrate. Le premier
coule du Levant au Midi , & paiTant par
derriere les montagnes , au pied defqaeltes la
v i l l e eft fituée, va fe rendre vers le Midi à une
bourgade appellée Mommacatinn. L'autre ruii^
feau après avoir coulé quelque temps vers le
N o r d , pareil à peu près à celui des Gobelins,
vient pafler fous le Pont d'Elija , d*où coulant
vers le Couchant , le long du chemin de Tocat,
il eft obligé par la difpoKtion des lieux de retourner
vers le Midi à Momma c o t u m , où il f e joint
à l'autre branclie qui eft bien plus coniiderable.
C e s deux branches s'appellent FrM du même
n o m que la riviere qu'elles forment. Après leur
j o n é t i o n , qui elt à trois journées d'Erzeron,le
F r a t commence à porter de petites faïques, mais
f o u lit eft p lein de rochers & l'on ne fauroit établir
de route par eau , pour defcendre d'Erzeron
à Alep, iàns rendre cette riviere navigable. Les
T u r c s laiiTent le monde comme il eft, & les Marchands
font comme ils l'entendent. Cependant
l a voye de la riviere feroit lapins courte & lapins
f û r e , car les Caravanes font 35. jours en cliej
n i a d'Eizcioa à A l e p , & la rotite eft fort dan-
Y A G E
g e r e u f e à c a u f e d e s voleurs qui dépouillent les M»
chands jufques aux portes des villes.
L e s voleurs de nuit font quelquefois ph,
cramdre que ceux qui volent le jour. Si l'o„
tait bonne garde dans les tentes , ils vieiin.,
t o u t doucement & fans bruit pendant que r,
repofe & tirent des bâiots do marchandifts an
des crochets , fans qu'on s'en apperçoive; 51
balots font attachez ou comme enchaînez avec di
c o r d e s , il ne manquent pas de bons raCoirspi
les couper. Quelquefois ils les vendent à qucloi
pas destentes, mais quand ils découvrent»
y a du M u f c , alors ils les emportent & ncliit,
que la coque du balot. Quand on part avim j
} o u r , comme c'eft l'ordinaire , le« voleurs fcmi
lent avec les voituriers & détournent fouvciitJi
mulets chargez de marchandifes, qu'ils dcpiïfcn
à la faveur des tenebres. Ils ne s'attaquent pi¡¡
la pire , ,car ils connoiffent les balots de f»,
anifi-bien que les Marchands. Il part, toiitcsii
f e m a i n e s , des Caravanes d'Erzeron pour G,
reji,,, r«urh, Trebifmie, T.cat, Sponr
Les Curdcs ou Peuples du Cntdiftau , quidef»
d e n t , à ce qu'on prétend, des anciensCbaUcn
tiennent la campagne autour d'Erzeron , juG]ûf
à ce que les grandes neiges les obligent àfirei
r e r , & font à l 'affût píjur piller ces pauvres C®.
vaniers. C e font de ces Jafides errans qui n'ont poi«
de religion , mais qui par tradition cro
J,fiio-<i Jefm, & ils craignent fi fort le 1
qu'ils le refpeaent de peur qu'il ne leur fiffii
mal. Ces malheureux s'étendent tous les ansdî'
puis Ai»»/ ,«/ou la Nom^lle iV,»™, jufques a
f o u r c e s de l'Euphrate. Ils ne reconnoilfeii
m a î t r e , & les Turcs neles puniftent pas,
l o r f q u ' i l s font arrêtez pour meurtre ou pourvoi
lis fe contentent de lein- faire rachetter leur l'i
pour de l'argent, & tout s'accomode aux dcpa
de ceux qui ont été volez. Il arrive mimefoiiïnl
que l'on traite avec les voleurs qui attaquent m
C a r . i v a n e , fur tout lorfqu'ils font lesplosforï
o u qu'ils font bien les méchans ; onenellq™
alors pour une fomme d'argent , & c'eft leliieil
l e u r i p a r t i qu'on puiOe prendre. Il faut qnecfc
cun vive defon métier: pourveû qu'il n'y aitpei
f o n n e de tué ou de blefK , ne vaut-il pas mini
vuider fa bourfe que de verfer fon fang ? " ' "
c o û t e quelquefois que deux ou trois ecus
te. D'ailleurs rien ne convient mieux aux voleur
q u e d e rançonner lesplus foibles, parce quel:
trouvant pas aifément à qui vendre les marcha"
d i f e s , ils en font très-foiivent embarraiTez. Pli
fentement toutes les Caravanes du Levant pal
fent par E rzeron; même celles qui font deOinit
pour les Indes Orientales , parce que les d'
mins d'Alep & de Bagdat , quoique plus court
font occupez par les Arabes qui fe foat ré'•
D U L E V A N T . Lei/rc XFIII.
le» T u r c s & rendus m tci conti a î t r e s d e la c am-
'^îîfC 19' pa r t îme s à midi pour a'Ier
-Ifitcr les montagnes qui font à l'Eft de la ville.
A peine la neige y écoit fondue , & nous campâ-
.^cs far les C\x heures à 15. milles dans ua pays
15 lardif que les plantes ne commençoient qu'à
poulTer & les collines n'ctoient encore couveric$
que de gazon ; il cil mal-aifé de rendre ration
de la parciTe, s'il faut ainfi d i re, de cette terjc,
Nous couchâmes fous nos tentes dans une
ïjllée nu milieu d'un hameau, dont les chaului'cres
font plus écartées les unes des autres que
l;s OüiHdcs de Marfeille. L'eau dans laquelle
nous avions miï' nos plantés pour les cotvferver
&pour les décrire le lendemain, fe gela la nuit
de rcpaiUl'ur de deux lignes , quoiqu'elle fût à
couvert dans un baiTin de bois. Le lendemain
10. Juin après avoir herborifé , quoique avec
pcQ de profit à caufo du froid qui ne pcrmettoit
pjs à la terre de poulfcr , nous prîmes le parti de
nous rapprocher d'Erzeron par une rout e difFercni£
de celle que nous avions tenue. Nous allâmi
;n Monaftere d'Armeniens,
Itquel r
qui poi
campaci
raoiiidri
peut dc(
j'simerc
cale, c
qu'oiun
mrtier
ei^ qu'à une journée de cette ville , &
e Je nom de Saim Grégoire. Toute la
e eft découver t e , & l'on ne voit pas la
broiîaille dans tout le terrein que la vûci
ouvrir. Ce MonaQcre eft ai fei r iche, mais
s autant hiibitcr au pied du Mont Caur
il ne fçauroit être plus froid. Je crois
le m foffile qui n'elt pas rare dans ces
, la terre eR pleine de fel Ammoniac
qui entretient les neiges , pendant dis mois de
¡'année, fur des collines à peu près femblables au
Mom Viflcrlcii. Plulîeurs experiences font voii
que le fcl Ammoniac rend très-froides les liqueurs
où il cil dilfûus , & cela par fa partie faline
fixe, plutôt que par fa ¡^rtic volatile . comme
il paroît par la folution de la tête morte d'oi
l'on a tiré l'efprit & le fel volatile aromatique
huileux; car on fent un froid trcs-confiderab1c,
m milieu de l'Eté » en appliquant les mains autour
de la cornue de verre dans laquelle on
la folution de cette téte morte.
Nous allâmes coucher ce même jour à
tre Monalle/.-c d'Armeniens , appellé le Me
Roii^e, parce que le d ôme , qui efl fait en
ne lourde , -eft barbouillé de rouge ; je ne fçaurois
trouver de comparaifon plus julle , car le
comble de ce dôme aboutit en pointe, ou en
«ne gaudcronné comme un parapluye à moitié
ouvert. Ce couvent n'eft qu'à trois heures de chenj'n
d 'Eizeron , & l'Evêqne , qui paile pour le
pliis fçavant homme qui foit parmi les Arméniens,
y fait ia rilidence ; ce n'eft pas be
, car on ne fe pique guère de foience
i fait
n auaßcre
ucoup
;n Armenie
; mais comme on nous aiîîîra qu'il «toit
f o r t bien venu parmi les Curdcs qui étoient campez
felon leur coutume aux fources de l'Euphrat
e , nous n'oubliâmes rien pour l'engager à venir
s'y promener avec nous. On ne fçauroit faire ce
voyage avec trop de précautions , car les Curdes
f o n t des animaux peu raifonnables ; ils ne reconnoiifent
pas même les Tur c s , & ils les dépouillent
tout comme les autres lorfqu'ils e n trouvent
l ' o c c a i i o n. Enfin ces brigands n'obéViTent ni ii
Beglierbey ni à Pacha , & il faut avoir recours à
leurs amis lorfqu'on veut avoir l'honneur de les
voir , ou pour mieux dire le pays où iis fe trouvent.
Quand ils ont confommé les pâturages d'un
q u a r t i e r , iis vont camper dans un autre. Au lieu
d e s'appliquer à la fcience des Aftres comme les
G a l d é e n s , de qui on les fait defcendre , iis ne
cherchent qu'à piller, & fuivent les Caravanes à
la pifte , pendant que leurs femmes s'occupent à
f a i r e du beurre, du fromage , à élever leurs enfans
, & à prendre foin de leurs troupeaux.
N o u s parûmes le zi. Juin à trois heures du,
malin du Monaftere Rouge. La Caravane n e fut
pas nombreufc, il falloit fe/.ivrer à l'Evéque,
o u renoncer à voir les fources de l'Euphrate;
mais dans le f o n d , que r i fquions-nous ? Les Cur-
. des ne mangent pas les h omme s , ils n e font que
les dépouiller, 6c nous y avions fagement pourvft
en prenant nos plus méchant s habits : nous n'avions
donc à craindre que le f roi d & la faim. Par
rapport à l'Evêque , c'étoit un homme de bien
qui n'auroit pas voulu nous expofer à montrer
nos n-udicez. Nous le priâmes de ferrer dans fa
c a f t c t t e quelques fequins que nous avions pris
pour nôtre dépcnfe. Nanti de nôtre bourfe, il
lit f J r e les provilions dont nous avions befoin,
& paroiiibit agir de bonne foi , bien informe
d'ailleurs que nous étions fous la protedtion da
Ikgliei-bey , à que nous étions connus dans la
ville pour les Medccins. Nous avions donné des
remedes gratuitement à tous les cliens du Monaftere
qui s'étoicnt addreifez à nous. Après ces
précautions nous nous abandonnâmes avec confiance
à fa conduite. Il fe mit à la tcte de^la compagnie,
parfaitement bien monté de même que
trois de les domclHques , & il nous fit donner
de fort bons chevaux à nous & à nôtre fuite. A
demi heure de là nous primes un venerable vieillard
de fes amis dans un aifez joli village fituc
fur cette branche de l'Euphrate, laquelle paife à
Elija. On nous régala de quelques Truites que
l ' on pcfcha fur le champ , & rien n'eft comparable
à la bonté de ces poillbns lorfqu'on les inange
f o r t a n t du ruiftéau, cuites dans de l'e-au où l'on
a jette une poignée de fel. Ce vieillard nous fit
beaucoup d'honnêtetez , & après nous avoir fait
p r o m e t t r e de guérir à nôtre retour un de fes
P i ami s .
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