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D U L E V A N T . Lettre XlX.
Mvt des maifons du bourg , n'eilque de bouc fechée
ûu folci i , & coupée en grands & gros quarlierJ
que l'on^pofe les uns fur les autres, & que
['onjnint ciUcmble avec de la terre de'trcmpée ,
;iu lieu de mort ier. Les murailles des Parcs autour
de Madri d font de même matière j les Eipagiioli
appellent Tapiascts pieces de terre cuites,
ou pour mieux dire, fechées au fojeil.
L'Eglife Patri.irchale eil bâtie au milieu de la
grande cour , & dédiée à Saint Grégoire VUlur-it-
UHKT i qui_ en fut le premier Patriarche , du
[citips de Tiridate Roi d'Armenie, fous iegrand
•Conlhiitin. Les Arméniens croyent que k Palais
de ce Roi étoit à la place du Couvent, & que
Jcfiis-Chrift femani fel taà Saint Gregoire dans
i'cndroit o ù eli rE;;life. Ils y confervent un bras
(je ce Saint , un doigt de Saint Pierre, deux doigts
de iiaiiit Jciui Baptille, une côte de Saint Jacques,
Cell un bâtiment très-iolidc & de belles
pierres de taille; les piliers en font fort lipais, de
méin.'que les voiîtes ; mais tout l'édidce eit obfcut
& mal perce , terminé en dedans par trois
Chapelles, dont la feule du milieu eli ornée d'un
autel ; les autres fervent de SacriiHe & de Tréfor,
Ces deux pièces font rempl'es de riclies oriiemciis
d'Egl ifcs &de belle vaillelie. Les Arméniens
qui ne fe piquentde magnificence.que dans
lesEglifcs , n 'ont rien épargne pour enrichir celle
ci. On y voit les plus riches étoffes qui fe faf -
feiu en Europe. Les vafes facrez , les lampes,
les chandeliers font d'argent , d'or ou de vermeil,
Le pavé de la nef & celui du pioshitere
font couverts de beaux tapis. Le presb,'cerc, ou
le tour de l'aut'fl , eft tapiiî'é c^ìmmui iement de
Damas , de velours ou de brocard. Ct-la n'eitp.ts
furprenant, car les Marchands Arméniens qui
eoinmercent en Europe & qui font de grosgai.is,
font des prefens magnifiques dans cette Eglife;
mais il cft furprenant que les Ferfans y fouifrent
tant de richelfes. Les Tur c s au contraire ne perinettroient
pas aux Grecs d'avoir un chandelier
(l'argent dans leurs Eglifes : rien n'eft plus pauvre
que celle du Patriarche de Conitantinuple.
Les Moine s des Trois Eglifes fe font honneur de
montrer les richeffes qu'ils ont reçues de Rome,
& fout des fouris moqueurs quand' on leur parle
de la réunion. Puiieurs Papes leur ont envoyé des
Chapelles entières d'argent , fuis qu'elles ayent
encore rien opéré. Les Patriarches jnfques ici
ont amufé les Miffionnaires; il n'elt pas mal aifé
¿e tromper les gens qui font de bonne foi. La
reunion des Religions eit un miracle qne le Seigneur
opererà lorfqu'il le juger a à propos. Cefi
ou Ciel qu'il faut attendre la veritable converlion
«« Schifmatiques, dont le nombre eit infininiein
plus grand que celui des Arméniens Ro-
»lams. Cei malheureux Schilmatiques , par leur
credit & par leur argent, fcroient dépofer nn Patriarche
qui donncroit les mains à )a réunion.
L a haine qu'ils ont pour les Latins paroît irréconciliable
: enfin foit par envie , foit par intérêt
, les Prêtres Schifmatiques Arméniens ou
Grecs veulent commander abfolumcnt cliez eux,
& les Patriarches font obligez de leur côder , de
peur que la populace ne fe fouleve.
L ' A r c h i t e á e qui a donné le deilein de TEglife
P a t r i a r c h a l e étoit un fort habile Maître, fuivant
j e ne fçai quelle tradition des Arméniens , qui
prétendent que ce fut Jefus -Chr i f t lui -même qui
en traça le Plan en prefcnce de Saint Grégoire ;
& qui lui ordonna de Pexecuter. Aulieu decrayon
, à ce qu'ils difent , Jefus - Chr iR fe fervit
d ' u n rayon de lumiere , au centre duquel Saint
Gregoire faifoit fa priere fur une grande pierre
q u a r r e e , d'environ trois pieds de diametre , que
l ' o n montre encore aujourd'hui au milieu dcl'Eglife.
Si celaeft, leSeigneury employa un ordre
d ' a r c h i t e d u r e aiTez fingulier, car les dômes & les
clochers font en pavillon d'entonnoir renverfé , 5c
terminez par une croix.
Les deux autres Eglifes font hors du Monafter
e , mais elles tombent en ruine, & l'on n'y fait
plus le fervice depuis long-temps. Celle de Sainte
Catane eft à droi t e du Couvent, fuppofé qu'on
y entre par la grande porte, & non par celle
des Refeétoires. L'autre Eglife qui eft à gauche
& bien plus éloignée de la mai fon , porte le nom
de Sainte Repfir/H. On prétend chez les Arméniens
que Caiane & Repjîme étoient deux Vierges
Romaines qui.furent martyrifées fur leslieux
o ù font oâdes leurs Egiifes. On fait m-êmedefcendreJT/
Î/K.'Î Cai^-ne , 'de je ne fçai quelle famille
áe Cuius, ils font plus cmbarralfcz à trouver
la généalogie de Repjime ùont le nom n'elt
pas Romain : cependant on lit dans leur ("Chron
i q u e , que c'cioient deux Princefíes Romaines,
qui vinrent en Levant pour voir Saint Gregoire,
mais Tiridate Roi d'xArmenie ayant trouvé cela
f o r t mauv.us , fit defcendre Caiane dans un puis
plein de ferpens , ne doutant pas qu'elle n'y mourût
dans peu de temps : néanmoins laSaiiite n'en
fur pas blelfée ; les ferpens y perirent, & Cai.ine
y vécut en bonne fa;ité pendant quarante ans.
Comment accorder tout cela avec la lui tede l'Hiftoire
? car i l s a joût entque le Roi Tiridate en étant
devenu amoureux , & ne pouvant pas la fléchir,
non plus qu'aucune de fcs compagnes qui étoient
de belles pctfonnes, & que l aChroniqu e metjufques
au nombre de quarante » leur fit foutî-rir à
toutes le martyre.
A l'égard de la Campagne qui eft autour des
T r o i s Eglifes, elle eft t o u t - à - f u t admirable , &
je n'en cfmnois point qui donne une plus belle
idée d-u Paradis Tcrreftre. On n'y voit que ruif-
S a }X"\v.x
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